Comment valoriser les actions RSE des entreprises ?
Par des certifications et labels
Pour commencer, les entreprises qui préservent ou ont une utilisation responsable de ressources environnementales pourraient obtenir des certifications ou des labels. Ces labels seraient bénéfiques pour la réputation des entreprises et pourraient leur permettre de vendre leurs produits ou services à un prix plus élevé. Par exemple, les démarches de label B Corp et la qualité de Société à Mission sont aujourd’hui reconnues pour légitimer les engagements en matière de développement durable des entreprises. De plus, les labels ouvrent également à la possibilité de récompenser les actions sociales en faveur de la diversité et l’inclusivité, comme en témoigne le label Diversité. Néanmoins, les labels sont victimes de leur succès. En effet, leur multiplication ces dernières années rende leur compréhension, distinction, authenticité et in fine réelle valeur associée difficile à cerner par les consommateurs et investisseurs.
Par des incitations fiscales et de finance verte
Cette seconde voie est d’autant plus intéressante pour les entreprises qu’elles en retirent un bénéfice financier immédiat. D’une part, les gouvernements pourraient offrir des incitations fiscales aux entreprises qui prennent des mesures en faveur des ressources environnementales. D’autre part, ces mêmes entreprises pourraient avoir accès à des fonds verts ou à des prêts à des taux préférentiels.
Par des systèmes de crédits ou de permis
Plus récente, cette approche offre à l’entreprise un contrôle direct sur sa stratégie en la matière, jusqu’à lui laisser le choix de transformer l’approche en un business à part entière.
- L’ « offset » représente le modèle de places de marché, comme celui du carbone. Ce type de modèle fonctionne d’autant plus qu’il permet aux entreprises qui jouent le jeu d’avoir une meilleure balance financière. De plus, il ajoute une nouvelle source de revenus aux entreprises qui peuvent revendre des crédits carbone/environnement. Aujourd’hui, les crédits carbone mondiaux sont estimés à 0,6 milliard de dollars, mais devraient atteindre 50 milliards de dollars en 2030.
- Tandis que l’offset peut être sous-traité à des organisations de tous horizons, l’« inset » permet de trouver des moyens d’intégrer des entreprises au sein de sa chaîne de valeur. Il vise, par exemple, à réduire les émissions carbone dans le processus de production du produit tout en pérennisant son activité sur le long terme. À titre d’exemple, Nespresso soutient un programme de plantation d’arbres avec les fermes de ses fournisseurs de café et Ben & Jerry’s investit dans l’agroforesterie et d’autres pratiques d’agriculture régénératrice en Ouganda, où elle s’approvisionne en vanille pour ses glaces.
Par l’utilisation de cryptomonnaies vertes
Enfin, un nouveau moyen pourrait être appliqué aux deux modèles précédents : le recours aux cryptomonnaies. Cela présenterait notamment l’avantage de garantir la transparence et la traçabilité des transactions. En outre, les cryptomonnaies peuvent s’adresser à des acteurs de toutes tailles et mobiliser un public plus large en raison de leur nature globale.
- Financement participatif pour des projets durables : Par exemple, les agriculteurs pourraient se doter de leur propre cryptomonnaie pour lever des fonds auprès d’investisseurs qui soutiendraient leurs méthodes de travail (méthode de production, d’élevage, respect de l’environnement, savoir-faire régional…).
- Tokenisation des actifs environnementaux : De plus, si les cryptomonnaies peuvent servir d’intermédiaire d’échange sur des places de marché alternatives pour les denrées agricoles, les produits alimentaires… pourquoi pas de tokens environnementaux ? Un « Carbon coin» ?
À date, cette éventualité se heurte néanmoins à une méconnaissance forte des cryptomonnaies, mais aussi au fait qu’elles suscitent des inquiétudes légitimes, de la part des régulateurs financiers et politiques actuels, mais également des citoyens (volatilité, bulles spéculatives, désintermédiation des organes financiers et politiques).
Des modèles qui présentent des limites
Si ces modèles représentent d’éventuelles solutions, ils admettent également des limites.
- L’augmentation des labels écologiques risque d’entraîner du greenwashing, tandis que les systèmes de crédits peuvent inciter à la complaisance plutôt qu’à de réels changements durables.
- L’absence de réglementation harmonisée entre pays ou régions peut entraîner des incohérences dans les approches de valorisation, compliquant la tâche des entreprises opérant sur plusieurs marchés.
- La monétisation excessive des ressources naturelles peut les réduire à de simples biens commerciaux, plutôt que communs, avec des mécanismes de tarification déconnectés de la réalité écologique et sociale, induisant que les entreprises privilégient les intérêts financiers aux enjeux environnementaux, comme en témoigne actuellement le faible prix du carbone malgré son fort impact.
- Comment garantir une répartition équitable de la valeur générée par la durabilité, évitant que certains acteurs en aval capitalisent majoritairement sur les efforts d’autres, comme les éleveurs ou agriculteurs réduisant leur empreinte carbone?
Cependant, ces limites ne devraient pas conduire à l’inaction, mais nécessitent une attention et une réflexion particulières pour garantir l’efficacité et la pertinence des modèles retenus à long terme.
Quels nouveaux actifs environnementaux valoriser ?
Le carbone
L’échange de droits d’émission de carbone a ouvert la voie à une responsabilisation économique des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le choix du CO2 comme premier et principal actif environnemental mesuré découle principalement de sa contribution significative au changement climatique, couplée à sa facilité de quantification. Sa prédominance dans les discussions sur le changement climatique a été renforcée par l’existence de vastes bases de données historiques et le soutien du Protocole de Kyoto (2005). De plus, le CO2 est mesurable avec précision, ce qui a facilité l’établissement de normes et protocoles pour les marchés de carbone.
Aussi, malgré ses controverses, le marché carbone a le mérite d’apporter une solution aux entreprises en retard ou pour lesquelles l’équilibre ne pourrait être atteint que dans un pas de temps long. L’importance du CO2 dans le débat public sur le changement climatique a rendu son contrôle et sa réduction plus attrayants pour les entreprises, en termes de RSE et d’image de marque.
Quel avenir pour le marché du carbone ? L’été 2022, la taxe carbone aux frontières a été voté par le Parlement européen. Ce mécanisme entrera en vigueur en 2032 et imposera un prix carbone aux importations similaire à celui payé par les entreprises installées sur le sol européen. Cette mesure va-t-elle redonner de la compétitivité aux acteurs européens ? Inciter à une décarbonation des entreprises étrangères ? Pousser d’autres pays à adopter une tarification du carbone ? Comment influencera-t-elle le prix et la qualité des produits finis ?
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La biodiversité, la qualité de l’eau, des sols… et autres
L’avenir du développement durable dans l’agroalimentaire passe par la prise en compte de l’ensemble des ressources naturelles, à commencer par la biodiversité, la qualité de l’eau ou encore des sols.
- La disponibilité de l’eau potable est un défi majeur de ce siècle. De nombreuses régions du monde font déjà face à un stress hydrique, et la situation devrait s’aggraver avec les changements climatiques. La surexploitation des eaux souterraines, la pollution et une mauvaise gestion ont également de graves implications pour les écosystèmes aquatiques et terrestres. Mettre en place des mécanismes de tarification de l’eau qui reflètent sa valeur réelle pourrait être une piste pertinente, comme également encourager les technologies d’économie d’eau, et instaurer des normes pour le traitement des eaux usées.
- La biodiversité est la clef de voûte de la santé de notre planète. Elle joue un rôle crucial dans des fonctions écosystémiques telles que la pollinisation des cultures, la décomposition des déchets ou la régulation du climat. Les mécanismes pourraient inclure des incitations pour la conservation de la faune et de la flore, la restauration des habitats dégradés, et des certifications pour les produits issus de pratiques respectueuses de la biodiversité. Des initiatives dans cette direction sont déjà en cours, avec par exemple la banque de compensations pour la biodiversité en France. Ce modèle, similaire à celui du marché carbone, permet à des entreprises d’ »acheter » des espaces naturels pour compenser les dégâts environnementaux qu’elles causent ailleurs.
- Quant aux sols, ils sont essentiels pour la production alimentaire, stockent une grande quantité de carbone et jouent un rôle vital dans le cycle de l’eau. Cependant, l’érosion, la dégradation et la pollution des sols menacent ces fonctions. Des labels pourraient promouvoir des pratiques agricoles durables, comme l’agroforesterie ou l’agriculture de conservation, tandis que des systèmes de crédits pourraient récompenser la séquestration du carbone dans les sols.
- Et la liste ne se limite pas là : la diversité génétique, la valorisation des déchets agricoles, la préservation des paysages, la promotion de la culture locale, les forêts, les océans et les ressources marines, sont autant d’aspects et futurs “actifs environnementaux” pouvant être mis en avant.
Des défis qui restent à relever pour définir, mesurer et valoriser ces nouveaux actifs environnementaux
Toutefois, valoriser d’autres actifs environnementaux présente plusieurs défis, notamment par rapport au CO2, qui peuvent freiner leur mise en œuvre:
- Variabilité et complexité de mesure : Par exemple, évaluer l’impact d’une activité sur la biodiversité nécessite de prendre en compte une multitude d’espèces et d’interactions écologiques. De plus, tandis qu’il existe des protocoles internationaux robustes pour mesurer et rapporter les émissions de CO2, il peut manquer des standards uniformes pour d’autres ressources, rendant les comparaisons et certifications plus difficiles.
- Coûts associés : Les efforts nécessaires pour évaluer, certifier et surveiller la gestion d’autres ressources peuvent être perçus comme coûteux, surtout en l’absence d’un marché clairement défini ou de mécanismes incitatifs.
- Dimension locale vs globale : Alors que les émissions de CO2 ont un impact global, d’autres ressources, comme l’eau ou la biodiversité, ont souvent des implications locales ou régionales, appelant pour une approche plus nuancée et contextuelle de la valorisation.
- Échelle temporelle : Certaines ressources peuvent nécessiter des décennies pour montrer des signes tangibles d’amélioration ou de dégradation, ce qui peut dissuader les investisseurs ou les entreprises qui recherchent des retours plus immédiats.
En conclusion, la valorisation des nouveaux actifs environnementaux représente une avancée cruciale vers la durabilité. Alors que le marché du carbone pave la voie, élargir la portée de la valorisation pour inclure la biodiversité, l’eau, les sols et d’autres ressources est impératif.
Les modèles tels que les labels, les incitations fiscales, les systèmes de crédits et même les cryptomonnaies offrent des opportunités pour récompenser les entreprises engagées dans des pratiques responsables. Cependant, des défis persistants, tels que le greenwashing et la complexité de mesure, requièrent une approche réfléchie. Nous pouvons vous accompagner dans vos projets liés à ces sujets. N’hésitez pas à contacter notre équipe !
A propos des auteurs,
Mathieu, Responsable de mission dans l’équipe Agrifood d’Alcimed en France
Sami, Consultant Senior dans l’équipe Agrifood d’Alcimed en France
Ludivine, Consultante dans l’équipe Agrifood d’Alcimed en France
Antoine, Consultant dans l’équipe Agrifood d’Alcimed en France