Le séquençage génétique, qu’est-ce que c’est ?
Le séquençage génétique permet de comparer l’ADN (succession de nucléotides (Adénine, Thymine, Cytosine, Guanine)) d’un patient avec une séquence d’ADN « standard » de référence pour détecter des mutations.
Développées pour la première fois dans les années 1970 par Walter Gilbert et Frédéric Sanger, les techniques de séquençage génétique n’ont cessé de progresser depuis, permettant aujourd’hui de réaliser le séquençage d’un génome humain entier en une journée. Ces progrès fulgurants sont dus en grande partie aux avancées de l’informatique et de la miniaturisation, qui ont pris le pas sur les techniques manuelles dans les années 2000. Aujourd’hui, les nouvelles techniques de séquençage, ou NGS, permettent de séquencer simultanément et de comparer des millions de petits fragments d’ADN, grâce aux nanotechnologies, alors qu’il fallait 5 jours pour séquencer 800 nucléotides en 1970.
Conjointement à l’augmentation du nombre de nucléotides séquencés, le prix des tests génétiques a radicalement baissé, passant de 3 milliards d’euros environ pour le séquençage d’un génome entier en 2003, à moins de mille euros de nos jours.
Quelles opportunités pour les patients ?
Les nouvelles techniques de séquençage génétique (NGS) ouvrent un champ d’opportunités incroyable pour de nombreuses maladies génétiques rares et de cancers, sur deux pans.
Les nouvelles techniques de séquençage génétique pour le diagnostic des maladies génétiques rares et des cancers
En ce qui concerne le diagnostic, les tests génétiques NGS offrent un spectre plus large, qui permet de scanner un plus grand nombre de gènes à la fois, et de soulever des hypothèses diagnostiques non envisagées en premier lieu (du fait d’un tableau clinique atypique par exemple).
Cela permettrait de réduire drastiquement l’errance diagnostique des patients, notamment pour ceux au profil clinique atypique ou systémique, qui doivent parfois attendre des années, voire des décennies avant d’obtenir le bon diagnostic. En effet, dans l’enquête ERRADIAG, menée par l’Alliance Maladies Rares (février 2016), 34% des répondants connaissaient le nom de leur maladie dans un délai de moins de 6 mois, mais 22 % avaient attendu plus de cinq ans [1].
Cette errance diagnostique a non-seulement des conséquences psychologiques lourdes sur le malade et son entourage mais peut aussi entrainer un retardement de la mise en place d’une prise en charge adaptée, voire d’une mise sous traitement lorsqu’un traitement existe.
Les nouvelles techniques de séquençage génétique pour la pharmacogénétique
Concernant la prise en charge des patients, les tests génétiques NGS sont la porte d’entrée vers le développement de la pharmacogénétique, définie par l’European Medecine Agency (EMEA) comme étant « l’influence des variations interindividuelles de la séquence de l’ADN sur la réponse à l’effet des médicaments » dans l’objectif de personnaliser le traitement d’un patient. Cette médecine personnalisée est déjà développée en oncologie, où l’étude de caractéristiques génétiques somatiques/acquises (liées aux tumeurs) permet d’adapter les traitements par thérapie ciblée en fonction du phénotype et du profil cellulaire de chaque patient. Le but est de maximiser l’efficacité du traitement et minimiser les effets indésirables potentiels.
Quels sont les enjeux associés à l’utilisation des tests NGS ?
Les 3 enjeux majeurs liés à l’utilisation des tests NGS sont l’accès à ces tests génétiques, l’étude de notre génome, et la gestion des données issues des résultats.
L’accès des patients aux tests génétiques NGS
L’accès des patients aux tests NGS dépend de deux facteurs clés : la prescription par les généticiens ou médecins spécialistes, et la disponibilité des tests.
Du côté de la prescription, les difficultés de diagnostic sont un premier obstacle, notamment dans le cas des maladies rares. Ainsi, parmi les points de difficulté du parcours de diagnostic identifiés dans le Livre Blanc UNIR (2018), on retrouve le manque de culture du doute (difficulté de reconnaissance de certains signes cliniques de maladies rares, manque d’alerte face à des situations atypiques, biais cognitifs dans la pratique médicale, silotage des expertises). Mais force est de constater qu’au-delà même des questions de compétences en génétique ou de sensibilisation des professionnels de santé, la complexité du cadre règlementaire et administratif, ainsi que l’opacité du réseau de laboratoires d’analyses sont de véritables fardeaux pour les prescripteurs. Par exemple, les panels de tests disponibles ainsi que les modalités d’envoi d’un échantillon (dose de sang nécessaire, format du consentement patient, etc.) dépendent de chaque centre et ces informations ne sont pas centralisées.
Ensuite, le sujet de la disponibilité des tests génétiques en termes de maillage territorial reste hétérogène : même s’il existe un grand nombre de laboratoires d’analyses génétiques, tous ne possèdent pas le même niveau de matériel technique (séquenceurs génétiques), ou de compétences et d’expérience des biologistes. Par conséquent, tous les laboratoires français n’ont pas accès aux tests NGS, et certains laboratoires se sont spécialisés dans des maladies rares spécifiques (ex : la mucoviscidose à Brest, les anomalies du développement à Rennes, etc.), ce qui entraine des délais incompressibles d’analyse pouvant parfois dépasser les 6 mois.
L’étude du génome humain
L’autre enjeu majeur à surmonter est la connaissance de notre génome et des interactions entre les variations génétiques et phénotypiques. A date, on dénombre 3200 gènes responsables identifiés pour les 6000 à 8000 maladies rares connues [3], sur les 20 000 gènes codants pour des protéines [4]. Et c’est sans mentionner les gènes non-codants, dont le nombre n’est pas fixe, tant ils sont nombreux, qui pourraient avoir un rôle à jouer dans les variations génétiques.
De plus, au-delà de l’identification des gènes responsables d’une maladie, la notion de facteurs de prédisposition ajoute un niveau de difficulté supplémentaire car elle indique que toutes les mutations génétiques identifiées n’entrainent pas obligatoirement la même expression phénotypique et donc la même pathologie. Par exemple, chez une femme porteuse d’une mutation du BRCA1 ou du BRCA2, le risque de cancer du sein varie de 40% à 80% au cours de la vie, selon les études, le type de gène concerné, l’histoire familiale de cancer du sein, et l’âge [5] : il s’agit d’une prédisposition génétique, qui reste donc incertaine.
La gestion des données issues des résultats
La gestion des données issus des résultats soulèvent 2 enjeux : celui de l’accompagnement du patient (notamment au niveau psychologique) et celui, éthique, de l’utilisation et du stockage de ses données.
En effet, la découverte et l’annonce d’une mutation génétique, et encore plus d’un facteur de prédisposition (lorsque la réglementation le permet), pose la question de l’accompagnement des patients suite à leur diagnostic. En effet, l’annonce du résultat de test génétique est lourde de conséquences, notamment familiales et psychologiques, et ceci d’autant plus lorsqu’une part d’incertitude subsiste. Malgré les efforts mis en place pour permettre aux patients d’accéder à un accompagnement complet et personnalisé (administratif, psychologique, etc.), avec la création en 2004 de la fonction dédiée de « conseiller en génétique », cela reste un sujet aujourd’hui. Sans compter le chemin qu’il reste à parcourir avant d’atteindre un déploiement homogène sur tout le territoire.
Une autre manière de gérer la part d’incertitude inhérente aux tests génétiques supposerait de la réduire à 0, en s’appuyant sur les données issues des tests NGS pour réaliser des comparaisons à grande échelle. C’est ce que tente aujourd’hui de faire certaines entreprises comme Gene DX (entreprise américaine), qui promet des « résultats de test très précis qui rendent possibles des diagnostics définitifs, même pour des cas complexes. », grâce à son logiciel et sa base de données interne comptant plus d’un million d’échantillons séquencés. Cependant, l’utilisation et le partage des données génétiques individuelles posent des questions majeures d’éthique et de protection des données, à l’échelle nationale, comme internationale.
Pour conclure, les techniques NGS soulèvent dès aujourd’hui des questions fondamentales concernant l’éthique, la formation des professionnels de santé, le développement des compétences et des matériels, mais aussi la connaissance de notre propre génome. Les avancées de la génétique permises par les tests NGS appellent donc à une réflexion et à une réorganisation tant au niveau local que national, voire international, pour permettre l’accès à l’innovation des patients mais aussi pour définir un cadre éthique adapté. Afin de capter le plein potentiel de la technologie NGS, il est nécessaire de mener une réflexion commune impliquant les institutions publiques, sociétés savantes, associations de patients mais aussi les industriels pharmaceutiques.
A propos de l’auteur,
Romane, Consultante dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
[1] ERRADIAG, 2016, p.35. [2] Sanofi-Genzyme et Orange Healthcare. [3] Livre blanc UNIR, rédigé par Sanofi-Genzyme en collaboration avec Orange Healthcare (2018). [4] https://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/20-000-40-000-100-000-mais-combien-avons-nous-de-genes-46459. [5] https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Facteurs-de-risque/Predispositions-genetiques