L’empreinte carbone du secteur de la santé représente 47 Millions de tonnes de CO2 en France par an, dont 54% provenant des médicaments et des dispositifs médicaux[1]. Un des enjeux actuels du secteur de la santé est donc de réduire ces fortes émissions. Le SNITEM (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales, et acteur qui représente les entreprises du dispositif médical (DM) auprès des institutions et pouvoirs publics) s’est emparé du sujet et a notamment organisé le 8 juin 2023, au Parc des Expositions de la Porte de Versailles à Paris le colloque « RSE en santé ». Cet évènement a été l’occasion de partager des initiatives phares dans ce domaine, des exemples de partenariats, des référentiels pour guider les acteurs du secteur mais aussi de réfléchir aux pistes d’améliorations et enjeux pour le futur. Alcimed était présent et revient sur les 3 défis RSE auxquels font face les acteurs du dispositif médical pour contribuer à la réduction de l’empreinte carbone du secteur de la santé en France, à savoir : standardisation, partenariats et adaptabilité.
Défi n°1 : standardiser les démarches de mesure de l’empreinte carbone afin d’identifier les leviers d’actions pour réduire les émissions
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des acteurs du secteur de la santé, il est nécessaire de commencer par une mesure de ces émissions à un moment précis, puis d’identifier, sur cette base, des pistes qui permettront d’améliorer cette première photographie.
Pour mesurer l’empreinte carbone, plusieurs outils existent et les pratiques commencent à converger autour d’outil de référence dont celui proposé par L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le « Bilan Carbone ® ». Cette méthodologie a par exemple été appliquée par l’Hôpital Bichat, pour conduire une étude prospective monocentrique pendant 6 mois sur ses émissions, dans les équipes de chirurgie vasculaire, thoracique et transplantation pulmonaire. De nombreux critères ont été évalués, notamment les déplacements du personnel et patients, les DM utilisés, l’énergie nécessaire pour la production des médicaments, le fret vers l’hôpital, les consommables et les déchets. Le Bilan Carbone a donc pu être effectué sur les scopes 1, 2 et 3 pour 15 procédures analysées. En termes de résultats, en moyenne, ce sont 73 consommables utilisés par procédure : 43 en chirurgie, 30 en anesthésie et 15 médicaments. In fine, les émissions d’une intervention sont équivalentes à un trajet Paris-Berlin en avion d’environ 1 000 km. Les résultats ont également montré qu’il existe des postes représentant un poids significatif dans l’ensemble ; c’est le cas des médicaments avec 3 médicaments sur les 15 utilisés représentant 91% des émissions de cet ensemble. La part des déchets est également importante (21 kg), dont seulement 1/3 est valorisable. Cela est notamment dû aux consommables, dont 95% sont en plastique.
Cette démarche oriente vers des actions et solutions impactantes pour réduire l’empreinte de la procédure. L’objectif par ces actions était de réduire de 20% l’empreinte carbone. Parmi les solutions évoquées : afficher l’impact carbone par l’industriel sur ses produits, éviter des anesthésiants inhalés, privilégier les médicaments génériques, ou encore réduire le packaging. Supprimer les notices (pourtant obligatoire d’un point de vue règlementaire) ou re-stériliser des DMs à usage unique ne sont pas des pratiques actuelles, mais le cadre règlementaire pourrait être amené à évoluer demain dans ce sens afin de réduire l’empreinte carbone.
Créer, harmoniser et faire vivre des outils de référence communs est un enjeu clé pour le secteur de la santé afin de progresser en expertise, en savoir-faire mais aussi de permettre des comparaisons et extrapolations qui permettront demain d’accélérer ces transformations.
Défi n°2 : mettre en place des partenariats public-privé
Comme dans l’exemple précédent, les établissements de santé cherchent aujourd’hui tous à réduire l’impact environnemental de leurs pratiques et utilisation des équipements médicaux. Les industriels, de leur côté également, cherchent à réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à leurs processus de production, distribution, utilisation, etc. Ces deux ambitions sont complémentaires et des actions mutuelles peuvent donc être mises en place, notamment grâce à des partenariats, encore atypiques à ce jour entre les acteurs publics et privés. C’est le cas du CHU de Rennes et de Philips, qui travaillent depuis 2021 sur l’analyse de cycle de vie (ACV) d’un système biplan d’imagerie interventionnelle dédié à la neuroradiologie, comprenant le traitement des AVC, les soins de réanimation et l’anatomopathologie. Le CHU de Rennes a pris l’engagement en 2011 de réduire de 20% l’ensemble de ses déchets, à la suite de son premier Bilan Carbone complet en 2008 (le CHU émet l’équivalent de 81 000 tonnes de CO2, avec 49 tonnes de CO2 par lit). L’enjeu pour Philips était de développer et tester des solutions généralisables pour une santé durable et décarbonée (Communiqué de Presse, 16 mai 2022, CHU de Rennes).
Ce partenariat illustre l’engagement d’une équipe pluridisciplinaire entre deux acteurs du secteur de la santé, fédérés autour d’un but commun, pour mettre en place un plan d’action innovant sur le long terme. Au terme de cette démarche, Philips a témoigné de son engagement et a animé une Masterclass sur les achats durables et l’économie circulaire. Ce travail a également été présenté lors d’un congrès, a permis au CHU d’obtenir un prix et été le sujet d’un podcast. Au-delà de la standardisation évoquée dans le premier paragraphe, ces résultats mettent en évidence l’enjeu de casser les silos séparant habituellement ce type d’acteurs et de développer ces démarches de partenariats permettant de mettre autour de la table le meilleur des deux mondes.
Défi n°3 : s’adapter aux enjeux locaux et de chaque acteur
Les critères RSE en santé deviennent clés dans les décisions d’achat, et ils le seront de plus en plus à l’avenir : la législation tend à se renforcer sur ces critères. Même si de nouvelles règlementations vont être mises en place sur la base de critères environnementaux pour les commandes publiques, ces critères ne sont aujourd’hui pas systématiquement inclus dans les appels d’offre et leur processus de sélection. L’entreprise BBraun a par exemple analysé les appels d’offres traités sur le premier semestre et constaté une hétérogénéité forte dans les pratiques, un nombre important d’appels d’offre dans lesquels ces critères sont renseignés mais sans pour autant avoir de poids dans la décision et in fine, très peu d’appels d’offre dans lesquels les critères RSE représentent plus de 5 à 10% de la décision.
Il sera clé demain, au-delà de donner un poids fort à ces critères, de sortir des informations génériques demandées dans ces procédures aujourd’hui et de spécifier ces critères afin qu’ils reflètent les priorités RSE de chaque établissement et ainsi permettent aux industriels d’apporter des réponses précises plus précieuses pour les établissements. Certains établissements s’engagent dans cette voie. C’est le cas notamment du CHRU de Nancy, qui a organisé une table ronde sur les achats responsables et la valorisation de la RSE dans l’achat des DM, afin que les acteurs privés puissent mieux cerner les enjeux spécifiques de l’établissement et soient ainsi en mesure d’apporter des réponses ajustées à ces besoins spécifiques (eau, biodiversité, déchets, énergie etc.). Ce type de démarche intéresse beaucoup les industriels qui souhaitent accroitre leur impact dans ce domaine, comme en témoigne les 250 à 300 participants privés ayant participé au webinar du CHRU de Nancy.
La RSE prend une part de plus en plus importante dans les appels d’offres et les législations françaises et européennes évoluent également dans ce sens. Ainsi, la transformation des pratiques des industriels du dispositif médical et des établissements de santé pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre se structure progressivement en France. Cette transformation pourra se consolider et s’accélérer notamment grâce à la standardisation des mesures, aux partenariats publics-privés et à une adaptation des industriels du dispositif médical aux besoins de chaque hôpital. La RSE pourra devenir un véritable critère différenciant dans les prochaines années pour les acteurs du secteur de la santé. Alcimed peut vous accompagner dans vos projets liés au secteur de la medtech! N’hésitez pas à contacter notre équipe.
[1] The Shift Project
A propos de l’auteur,
Auriane, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France