Santé

Comment les laboratoires pharmaceutiques agissent-ils pour améliorer la recyclabilité de leurs emballages ?

Publié le 06 novembre 2024 Lecture 25 min

Les industriels pharmaceutiques prennent aujourd’hui des engagements clairs en matière de durabilité, cette dernière représentant à la fois un enjeu commercial, d’image publique pour renforcer la confiance des consommateurs et investisseurs, et de réduction des coûts opérationnels à long terme. De plus, ces pratiques peuvent constituer un facteur d’attractivité pour les talents et répondent à la pression réglementaire croissante pour réduire l’empreinte carbone.

Ainsi, plusieurs grands enjeux environnementaux sont adressés en première ligne, touchant à la fois au changement climatique, à la raréfaction de l’eau et des ressources, à la pollution et à l’émission en grande quantité de déchets, notamment plastiques.

Ce dernier défi s’explique par l’augmentation des nouveaux médicaments et les traitements personnalisés, qui nécessitent de nouvelles solutions d’emballages complexes et adaptées, et entrainent ainsi une hausse importante de déchets générés. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que plus de 300 millions de tonnes de déchets plastiques sont générées chaque année par le secteur pharmaceutique, dont 50 % sont à usage unique1https://finance.yahoo.com/news/sustainable-biodegradable-eco-friendly-packaging-084600578.html?guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZXVyb3BlYW5waGFybWFjZXV0aWNhbHJldmlldy5jb20v&guce_referrer_sig=AQAAACEsfYfH9QfYMJKujJ0JpcN6VN-ishEkhWIJR_vusqbBsNH7P43lbzlERVFNyt7dhH7wbsW7YkU2_u_Ijui0BNcw9pdbr4pWzvIv_zR4CXE6-zKS7rwd1iFXjYXIWR2EoHfYtK0A3cjCSDXhaKC4Tk0W36l0FndQb5YtGlIOeZZc&guccounter=2.

Le moyen traditionnel d’adresser cette problématique est d’agir sur les « 3R » :  réduire, réutiliser, et recycler. Bien que les entreprises du secteur s’emploient au maximum à appliquer les 2 premiers R (réduire et réutiliser), cette volonté n’est pas toujours atteignable en raison des exigences réglementaires strictes et des contraintes techniques qu’impose le secteur pharmaceutique. Un travail important est donc mené en parallèle sur la recyclabilité des emballages pharmaceutiques.

Dans cet article, Alcimed explore les différentes stratégies adoptées par les laboratoires pharmaceutiques pour améliorer la recyclabilité de leurs emballages, et les défis auxquels ils sont confrontés dans leur démarche de durabilité.

Qu’est-ce que la recyclabilité d’un emballage ?

La recyclabilité d’un emballage est définie par la capacité de cet emballage à être recyclé. Plus spécifiquement la recyclabilité est définie selon 4 critères :

  • La matière première utilisée : le packaging doit être fabriqué dans un matériau qui est pris en charge dans des filières de recyclage, qui a une valeur marchande et/ou est soutenu par un programme mandaté par la loi
  • La capacité à être trié : l’emballage doit être conçu pour pouvoir être facilement trié et dirigé vers un flux de recyclage composé d’un seul type de matériau, correspondant à la matière première principale qui le compose.
  • La capacité à être recyclé : l’emballage doit pouvoir être traité et recyclé avec des procédés de recyclage commerciaux
  • La possible réutilisation de la matière première : Le matériau recyclé doit pouvoir devenir une matière première utilisée pour la production de nouveaux produits.

A noter que de diverses contraintes peuvent influencer la capacité d’un emballage à être trié et/ou recyclé. Par exemple, un emballage trop petit, une composition multi-matériaux, la présence d’étiquettes ou une couleur d’emballage trop foncée peuvent perturber à la fois les processus de tri et de recyclage des emballages.

Ainsi, la recyclabilité d’un emballage varie en fonction de son adhérence à ces critères. Différents outils existent pour évaluer la recyclabilité des emballages et permettent ainsi de prédire leur fin de vie. Par exemple, l’outil Recyclass disponible en ligne attribue des scores de recyclabilité pouvant aller de A à F, un score A décrivant un emballage pouvant être réutilisé directement pour le même usage que son usage premier, et à l’inverse un score F ne permettant aucun recyclage de l’emballage. Dans la majorité des cas, les emballages premiers de médicaments entrent plutôt dans cette dernière catégorie, et un travail sur la recyclabilité de ces derniers doit donc être mené.

Quels sont les moyens d’améliorer la recyclabilité d’un emballage pharmaceutique ?

L’éco-conception

L’amélioration de la recyclabilité des emballages s’inscrit dans la démarche globale d’éco-conception des industriels pharmaceutiques. Cette méthode vise à utiliser les matières premières et l’énergie de manière plus rationnelle tout au long du cycle de vie des produits, permettant ainsi aux entreprises de réduire leurs coûts tout en minimisant leur impact environnemental.

Améliorer la recyclabilité des emballages pharmaceutiques s’inscrit dans cette démarche, menant à différentes réflexions incluant dans un premier temps le choix de la matière première utilisée. Ainsi, il est par exemple préférable d’utiliser des plastiques recyclables comme le PE, le PET, le PP et le PS, au lieu du PVC, PLA et PC, qui sont difficiles à recycler. Le verre, quant à lui, est bien recyclable et peut constituer  une bonne alternative au plastique. Un autre axe d’amélioration consiste à rendre les emballages mono-matériaux autant que possible, la présence de plusieurs matériaux au sein d’un emballage . De plus, un travail sur les caractéristiques structurelles des emballages pharmaceutiques peut permettre d’optimiser leur tri. Par exemple, des emballages non cylindriques roulent moins sur les chaînes de tri, ce qui améliore leur recyclabilité.

De nombreux laboratoires s’engagent dans cette démarche d’éco-conception. Sanofi a annoncé que tous ses nouveaux produits seront éco-conçus d’ici 2025. Le laboratoire CIPLA quant à lui  affirme que 91,03 % des produits qu’il fabrique sont déjà récupérés, réutilisés ou recyclés, et s’engage à collecter le plastique pré et post-consommation pour le recycler, évitant ainsi son enfouissement en décharge.


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L’amélioration de chaines de tri et de recyclage ou la création de filières de recyclage spécifiques

L’amélioration des caractéristiques des emballages pharmaceutiques peut être limitée par des contraintes liées au produit, empêchant leur prise en charge dans les filières de recyclage classiques. Des facteurs non-modifiables comme une taille trop petite, une composition complexe avec des éléments multi-matériaux non détachables, ou des parties dangereuses comme des aiguilles en sont souvent la cause.

Pour pallier cette absence de prise en charge, les entreprises ont la possibilité de créer des filières de recyclage spécifiques pour certains types d’emballages, intégrant la mise en place des canaux de collecte dédiés, la centralisation de ces emballages, puis l’envoi à des acteurs spécialisés en recyclage. Ces acteurs disposent de chaînes de tri et de recyclage adaptées, permettant ainsi de récupérer tout ou partie du packaging pour les réutiliser dans la fabrication de nouveaux produits.

Novo Nordisk a lancé l’initiative Returpen en 2019 pour recycler ses stylos injecteurs jetables à insuline. Initialement déployée dans plusieurs pays, dont le Danemark, le Royaume-Uni et le Brésil, suivi par la France en 2022, le programme permet aux patients de rapporter leurs stylos usagés dans les pharmacies. Ces stylos sont ensuite recyclés en chaises et globes de lampes grâce à des partenariats avec des marques de design danoises. Les premiers résultats montrent un taux de retour d’environ 20% au Danemark, avec 77 000 stylos récupérés depuis le lancement, soit 2 tonnes de plastique. Au Royaume-Uni, plus de 15 000 stylos ont été recyclés depuis le lancement du projet pilote en 2021. L’objectif est de recycler 50% des stylos d’ici 20301C:\Users\JDUMAS\Downloads\DP Returpen 15.12.2022 (4).pdf2https://www.novonordisk.fr/sustainable-business/Returpen.html.

Des initiatives similaires ont été menées pour les inhalateurs pressurisés doseurs (pMDI), qui ne peuvent pas être recyclés dans les filières classiques en raison de leur composition multi-matériaux et de la présence de gaz résiduel polluant. GSK, Chiesi et Teva ont lancé des programmes visant à recycler les inhalateurs au Royaume-Uni et en Irlande. Les inhalateurs sont collectés dans les pharmacies ou par la poste et envoyés à Grundon Waste Management, une société spécialisée dans le recyclage du plastique, de l’aluminium et des gaz. Comme pour les stylos à insuline, ces initiatives permettent de séparer les composants des inhalateurs pour les recycler efficacement.

La gestion des déchets est l’un des enjeux clés s’inscrivant dans la démarche de durabilité des industriels pharmaceutiques. Le travail sur la recyclabilité des emballages pharmaceutiques est l’un des leviers permettant d’améliorer la gestion de ces déchets, et peut passer par l’amélioration des caractéristiques des emballages ou la création de nouvelles filières de recyclage permettant la prise en charge d’emballages complexes.

Cependant, des défis persistent. Pour qu’un emballage soit effectivement recyclé, il doit être correctement disposé. Or, il n’est pas toujours évident pour le consommateur de savoir où déposer son emballage, surtout pour les filières de recyclage spécialisées. Le consommateur ne fait pas systématiquement l’effort de rapporter son emballage au bon endroit.

Il est donc crucial de communiquer clairement les bonnes pratiques aux consommateurs et de proposer des modes de collecte simples et diversifiés. L’interaction entre les différents acteurs — industriels pharmaceutiques, fabricants de packaging, acteurs du tri et du recyclage — est essentielle pour favoriser l’innovation et maximiser l’efficacité de la communication. Rester à l’écoute des innovations en matière d’emballages, y compris celles provenant d’autres industries, est également primordial.

Alcimed peut vous accompagner dans la veille de l’écosystème et la définition de vos stratégies sur la gestion de la fin de vie des emballages dans l’industrie pharmaceutique. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos de l’auteur,

Justine, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France.

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