Santé

Les enjeux de la démocratisation de la recherche clinique au sein des centres hospitaliers

Publié le 22 janvier 2025 Lecture 25 min

Si traditionnellement l’activité de recherche clinique était quasiment exclusivement réalisée par les centres hospitalo-universitaires (CHU), elle est désormais ouverte à l’ensemble des établissements de santé parmi lesquels les centres hospitaliers (CH) tendent à monter en puissance depuis ces quinze dernières années. Il apparaît que la recherche clinique contribue à améliorer la qualité des soins et renforcer l’attractivité des hôpitaux pour le personnel médical. Cependant, le développement de la recherche clinique dans les centres hospitaliers dépend de plusieurs conditions cruciales, telles que la disponibilité d’infrastructures et de ressources suffisantes, l’accès à des financements adéquats, et un soutien institutionnel solide entre autres. Dans cet article, Alcimed analyse les enjeux de la recherche clinique au sein des CH et interroge les principaux défis à relever pour sa démocratisation.

Comment les dispositions législatives et réglementaires encadrant la recherche clinique évoluent-elles en France ?

Depuis l’ordonnance Debré de 1958, la mission de recherche médicale apparaît comme l’une des missions fondamentales confiées au monde hospitalier et exclusivement portées par les centres hospitaliers universitaire (CHU), notamment au travers des Directions de la Recherche Clinique et de l’Innovation (DRCI). A compter de ce moment, les CHU deviennent dépositaires aux côtés des autres établissements de recherche (comme les actuels INSERM ou CNRS) de la recherche médicale. Cette recherche constitue en effet un objectif stratégique pour les établissements hospitalo-universitaires qui leur permet alors d’assurer leur spécificité et leur originalité dans le paysage sanitaire de notre pays.

Au fil du temps, la loi a élargi la mission de recherche à l’ensemble des établissements de santé. Traditionnellement spécificité des CHU, la recherche devient en 1991, une mission des établissements de santé assurant le service public hospitalier. Puis en 2009, la loi portant sur la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires instaure 14 missions de service public pouvant être exercées par les établissements de santé qu’ils soient publics, privés d‘intérêt collectif ou privés. La recherche clinique est l’une de ces missions. A noter que la loi de modernisation du système de santé de 2016 abroge les missions de service public pour réinstaurer le service public hospitalier ; Néanmoins le principe selon lequel la recherche clinique concerne tous les types d’établissements de santé (publics, privés d’intérêt collectif ou privé à but lucratif) est conservé.

Les enjeux de la démocratisation et de la dynamisation de l’activité de recherche clinique au sein des centres hospitaliers

Pour un directeur d’hôpital exerçant en CH, accompagner le développement de la recherche clinique au sein de son établissement présente plusieurs effets vertueux, d’autant plus précieux dans un contexte de tension démographique.

Enjeu n°1 : offrir une meilleure qualité de soins

Le premier enjeu est d’offrir aux patients une meilleure qualité de soins. En effet, la recherche clinique au sein des CH permet de rendre la recherche accessible au plus grand nombre, de faire bénéficier aux patients de nouvelles approches thérapeutiques innovantes et de leur de proposer une médecine de pointe. De plus, notamment grâce aux bonnes pratiques cliniques (BPC) et à l’exigence méthodologique inhérente à l’activité de recherche, la recherche clinique irrigue l’ensemble des services hospitaliers. Cela contribue donc à l’amélioration de la qualité des soins pour l’ensemble des patients de l’établissement et non uniquement ceux engagés dans un protocole de recherche.

Enjeu n°2 : accroître l’attractivité de l’établissement

D’autre part, la recherche clinique contribue à accroître l’attractivité de l’établissement auprès des professionnels de santé et du corps médical. En effet, bien que l’activité de recherche ne soit pas obligatoire pour un praticien hospitalier (PH), comme pour tous les statuts non universitaires, le rapport Toupiller intitulé l’exercice médical à l’hôpital constatait dès 2011 que pour plus de 70% des médecins interrogés, la recherche et les publications scientifiques étaient des facteurs importants d’attractivité pour une carrière à l’hôpital. Aussi, le fait de proposer le soutien d’une unité de recherche clinique et ainsi offrir la possibilité au personnel médical d’apprendre auprès de ses pairs, de partager ses connaissances, et de participer collectivement au progrès de la connaissance médicale et scientifique est un facteur d’attractivité et de différenciation en réponse aux difficultés liées à la pénurie de ressources médicales.

Enjeu n°3 : renforcer la place de la recherche française sur la scène mondiale

De manière plus large, le renforcement de la place des CH en matière de recherche clinique ne peut être que bénéfique pour la place de la recherche française sur la scène mondiale et la « compétition » qui y règne, le tout dans l’optique de contribuer à l’avancée de la connaissance médicale au bénéfice de la santé humaine. Autant de raisons qui expliquent que le développement de la recherche au sein des centres hospitaliers rencontre un écho favorable.

Facteurs clés de succès pour le déploiement de projets de recherche clinique au sein des centres hospitaliers

Il apparaît que plusieurs facteurs clés de succès sont nécessaires pour le déploiement de projets de recherche clinique quels que soient les établissements de santé, centres hospitaliers compris :

  • Disposer d’une infrastructure adéquate incluant des équipements de pointe, du personnel spécialisé, et des espaces dédiés à la recherche.
  • Disposer de ressources financières solides grâce à des subventions publiques, des partenariats public-privé, et un budget interne consacré à la recherche pour soutenir les projets.
  • Garantir l’engagement de la direction par la formation continue et la promotion d’une culture de la recherche au sein de l’établissement pour impliquer les professionnels de santé.
  • Bénéficier d’un soutien institutionnel et réglementaire notamment par la simplification des démarches administratives, et le respect des réglementations pour faciliter le déroulement des projets de recherche.
  • Encourager l’engagement des patients en les informant, en obtenant leur consentement éclairé, et en valorisant leur participation afin de réussir les essais cliniques.

Toutefois, d’autres conditions clés de succès pour le déploiement de projets de recherche apparaissent plus spécifiques aux centres hospitaliers :

  • Améliorer la visibilité de la recherche clinique de l’établissement, aussi bien en interne, auprès du corps médical, qu’en externe. Cela passe par faire de la promotion de la recherche clinique comme une orientation stratégique du projet institutionnel de l’hôpital.
  • Élargir les champs de la recherche clinique en permettant à toutes les disciplines médicales de participer à des travaux de recherche et en s’ouvrant au champ de la recherche paramédicale. L’objectif pour les CH étant de viser à terme le sponsoring d’études cliniques.
  • Nouer des partenariats stratégiques, notamment en prenant appui sur l’échelon régional pour accentuer la professionnalisation de la recherche clinique. Cela passe par le fait de profiter de l’opportunité d’ouverture des CHU en matière de recherche clinique afin de tirer parti du réseau médical constitué entre CHU et CH.

Ces conditions, lorsqu’elles sont réunies, permettent aux centres hospitaliers de devenir des acteurs dynamiques et innovants dans le domaine de la recherche clinique.

La montée en puissance des centres hospitaliers dans la recherche clinique

Une domination historique des CHU

Pour l’heure, la majorité de la recherche clinique en France s’effectue dans des CHU. A titre d’exemple, la moitié de la recherche clinique a lieu dans les hôpitaux de l’AP-HP, le premier CHU français et le premier producteur de publications scientifiques. En 2021, ce sont près de 4385 projets de recherche qui étaient en cours à l’AP-HP. Cet indicateur donne un aperçu de la structuration du paysage de la recherche clinique mais ne doit pas occulter l’affirmation progressive des centres hospitaliers dans la conduite de projet de recherche. Celle-ci est perceptible notamment via la répartition de la dotation socle des crédits Missions d’Enseignement, de Recherche, de Référence et d’Innovation dits MERRI, accessibles aux CH depuis 2011. A noter que les crédits MERRI ne sont pas l’unique source de financement de la recherche hospitalière. Ils en restent cependant la principale et leur étude rend compte assez fidèlement de l’activité de recherche des différents établissements dont les centres hospitaliers.

Un soutien financier en croissance pour les centres hospitaliers

Ainsi en 2021, selon le Comité National de coordination de la recherche (CNCR), ce sont plus de 90 Centres Hospitaliers qui ont perçu des crédits MERRI, pour un montant total d’environ 92 M€. Ils captent ainsi 5,1% du total de la dotation socle. En comparaison, seuls 21 CH percevaient des crédits MERRI en 2012, représentant 2,4% du total. Le nombre de CH bénéficiant de ces crédits a donc plus que quadruplé et leur captation du total de la dotation socle a plus que doublé. Ces financements ont permis la structuration d’une activité de recherche propre dans beaucoup d’établissements, par la constitution d’Unités de Recherche et/ou le recrutement de personnels dédiés. D’autre part, en 2020, le CNCR recensait 105 études pour lesquelles la promotion était assurée par un CH contre seulement 7 en 2011. Cela représente sur la période 2011-2020, 2,5% des études françaises déclarées.

Une coordination renforcée entre CHU et centres hospitaliers

La recherche se structure au sein des territoires dans lesquels la concurrence s’efface au profit d’un effort de coordination et de complémentarité entre CHU et CH dans le respect des compétences de chacun. Au-delà de cette dynamique territoriale, un nombre croissant de CH participent aussi à des programmes de recherche, cohortes, registres et essais randomisés nationaux ou internationaux.

En conclusion, la démocratisation de la recherche clinique au sein des centres hospitaliers (CH) de ces quinze dernières années marque une rupture avec la domination historique des centres hospitalo-universitaires (CHU) dans ce domaine. Grâce aux réformes législatives et à un soutien accru, les CH jouent désormais un rôle de plus en plus important. Cette évolution permet d’améliorer la qualité des soins, d’accroître l’attractivité des hôpitaux pour le personnel médical, et de renforcer la place de la France dans la recherche mondiale. Toutefois, le succès de ce développement repose sur des conditions clés telles que des infrastructures adéquates, des financements suffisants, et l’engagement de la direction et des patients.

Alcimed est là pour aider les différents acteurs impliqués dans la recherche médicale, établis et nouveaux, à trouver comment se positionner dans cette dynamique. N’hésitez pas à contacter notre équipe !

A propos de l’auteur,

Mathilde, Consultante au sein de l’équipe Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed en France.

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