Patient-consommateur : s’informer et choisir
Le patient, de plus en plus informé via des sources d’information variées et notamment digitales, s’investit davantage dans les différentes étapes de son parcours de soins et « consomme » ainsi des biens (médicaments, dispositifs médicaux, objets de santé connectés …) et services (rendez-vous médicaux, utilisations d’applications de santé …), qu’ils soient ou non prescrits par son médecin. Cette tendance au consumérisme est une conséquence d’une meilleure information du patient, mais est également à sa source : c’est parce que le patient souhaite consommer qu’il développe un comportement accru de recherche d’information.
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La tendance au consumérisme s’illustre également par le fait que le patient peut désormais évaluer son « expérience » de soins et le service qui lui a été délivré et partager son avis sur des plateformes. D’autres patients pourront alors utiliser à leur tour ce retour d’expérience client pour prendre des décisions relatives à leur propre prise en charge. Phénomène déjà courant en Chine ou aux Etats-Unis, en France des plateformes se sont également développées, comme la plateforme Hospitalidée lancée en 2015 qui recueille les retours des patients sur les services des hôpitaux et les relations avec les médecins qui les ont pris en charge. NoteTonDoc rassemble quant à lui les avis sur les médecins en termes d’écoute, confiance et recommandation.
Finalement, ces nouvelles sources d’informations et outils de comparaison offrent une visibilité plus large et un meilleur contrôle aux patients sur leurs choix possibles. Ceci peut participer à une meilleure prise en charge et induire de meilleurs résultats de santé, mais comporte également des risques.
En effet, la consumérisation de la santé pourrait tendre vers une « hyper-consumérisation », où le patient est poussé vers la consommation alors qu’il est face à des informations de qualité variable, ainsi qu’à des influences non objectives, potentiellement mal intentionnées, non plus seulement basées sur des faits scientifiques et médicaux. En outre, cette tendance pourrait fragiliser la relation médecin-patient, en lui ajoutant une dimension financière et en remettant en question l’expertise du médecin. Enfin, si adopter un comportement patient-consommateur permettrait d’améliorer sa santé, alors un déséquilibre pourrait se créer vis-à-vis des patients qui ne deviendront pas ou peu patient-consommateurs, comme par exemple les personnes âgées, moins enclines à la digitalisation, et qui n’auraient donc pas accès aux bénéfices associés.
Patient-influenceur : partager son expérience
L’essor des « digital influencers » ou « digital opinion leaders » (DOLs), permis par les réseaux sociaux, s’est également étendu au monde de la santé, et des profils « patients influencers » émergent. Ces DOLs maitrisent les codes des réseaux sociaux et possèdent une crédibilité qui les positionnent en tant que leaders de leur domaine. Ils jouent un rôle important dans la sensibilisation du public, et aident les personnes souffrant également de cette maladie via le partage de leur expérience patient. Par exemple, l’endométriose, maladie récemment mise en lumière par le plan national annoncé par le gouvernement, touche une femme sur dix et de nombreuses personnalités ont révélé publiquement leur maladie et luttent depuis plusieurs années pour briser les tabous liés à celle-ci. En parallèle, plusieurs patientes partagent leur expérience via des comptes Twitter ou Instagram et sensibilisent leur communauté de plusieurs dizaines de milliers de followers sur le sujet.
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Les DOLs peuvent communiquer via plusieurs canaux : sur des plateformes accessibles au grand public (réseaux sociaux type Facebook, Instagram, ou site d’hébergement de vidéos d’audios type Youtube, mais aussi sur des plateformes à accès plus restreints, telles que des messageries ou des groupes privés. Ils peuvent y développer des communautés ou associations ou encore participer ou organiser des rencontres. Par exemple, l’évènement Influence For Health rassemble depuis 2018 des patients influenceurs, qui viennent communiquer sur leur engagement et actions à propos d’une maladie.
A noter que ce phénomène de patient-influenceur est encore naissant en Europe, alors qu’il est courant aux Etats-Unis. La plateforme WeGOhealth y gère par exemple un réseau de « patients influencers » qui souhaitent être mis en contact avec des entreprises du domaine de la santé pour échanger sur des opportunités de collaboration.
Patient-expert : agir en faveur de l’expérience patient
Enfin, le patient se professionnalise : on observe l’émergence de « patient-experts », patients qui possèdent, au-delà de leur expérience propre de la maladie, de solides connaissances scientifiques et réglementaires qui sont reconnues par leurs pairs et vis-à-vis des autres acteurs du système de santé. Ils peuvent le devenir par des formations dédiées comme celle de EUPATI (European Patients’ Academy on Therapeutic Innovation), académie créée en 2017 qui forme des patients et représentants de patients afin qu’ils puissent contribuer à la R&D des médicaments et aux délibérations réglementaires. Les patients experts se doivent également de renforcer en continu leurs connaissances sur la maladie et de capitaliser sur les expériences des autres patients. Ils sont également patient-influenceurs : ils sont capables de communiquer et de vulgariser leurs connaissances.
Ces patients-experts sont ainsi de plus en plus nombreux et de plus en plus sollicités par les différents acteurs de la santé. Tout d’abord par les autorités sanitaires, qui, comme la FDA ou l’EMA, ont engagé un dialogue avec les patients dès les années 1990 suite à la crise du VIH, et qui multiplient les initiatives qui visent à les impliquer de plus en plus tôt, à l’image du pilote lancé par l’EMA en 2021, qui a pour objectif de faire participer les patients dès le début de l’évaluation d’un médicament par la CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use). Mais aussi par les laboratoires pharmaceutiques, qui ont réalisé l’importance d’intégrer le retour d’expérience patient, et impliquent davantage les patients tout au long du cycle de vie, avec de multiples initiatives menées par les leaders pharmaceutiques de la R&D à la commercialisation du produit. Enfin, les établissements de santé cherchent aussi à impliquer des patients dans leurs organisations afin qu’ils puissent contribuer à l’amélioration de la prise en charge des patients de l’établissement, à l’image des HCL (Hospices Civils de Lyon) qui ont recruté en 2019 une « patiente-coordinatrice ».
Ainsi, ces trois nouveaux rôles du patient, patient-consommateur, patient-influenceur, et patient-expert, reflètent la transformation qui s’opère progressivement dans le monde de santé : le passage d’un patient passif à un patient acteur de sa santé et engagé par les autres acteurs. Cet engagement et cette activité en font un partenaire incontournable pour les industriels qui doivent par conséquent préciser les modalités d’engagement en lien avec ces nouveaux rôles : Quelle nouvelle offre créer pour les patients qui cherchent à « consommer » des biens et des services et ainsi parvenir à améliorer leur expérience ? Comment identifier et prendre en compte les patients influenceurs pour les intégrer comme partenaires de ses projets ? Comment intégrer les patients experts comme un autre regard au sein des activités médicales traditionnelles d’un laboratoire (ex : advisory board) ?
Au-delà de ces nouveaux rôles patients, d’autres enjeux émergent dans les réflexions de Patient Engagement : en particulier, la représentativité des patients engagés par rapport à la population globale de la maladie est un enjeu clé à prendre en compte. Nos équipes sont là pour vous accompagner dans ces réflexions « patient-centric » et dans la structuration de votre stratégie de Patient Engagement.
A propos de l’auteur,
Pauline, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France