Santé
Thérapies du microbiome : quelles sont les dernières avancées ?
En raison des défis actuels du traitement moderne des maladies, de plus en plus de preuves suggèrent le potentiel des thérapies basées sur le microbiome.
Après les maladies infectieuses, le cancer est à l’heure actuelle un domaine clé de l’étude des microbiomes avec plus de 100 projets en cours. Les études portant sur le lien entre microbiome et cancer ont pour objectif de mettre au point des médicaments visant à atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie (comme la diarrhée) ou à identifier des biomarqueurs microbiens pour le diagnostic précoce ou le suivi de l’évolution de la maladie. Le domaine le plus prometteur est probablement celui du développement de combinaisons de médicaments avec des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires.
Il y a un an, j’ai analysé les entreprises présentes dans les portefeuilles de 8 grands fonds de capital-risque de sociétés pharmaceutiques, ce qui m’a permis de constater que les thérapies dérivées du microbiome étaient un sujet en plein essor en immuno-oncologie. En un an, beaucoup de choses se sont passées dans ce domaine fascinant et en constant développement. Quelles sont les nouvelles initiatives thérapeutiques en matière de microbiome et cancer ? Qui sont les nouveaux venus sur ce segment ? Laissez-moi partager avec vous les quelques développement récents et les nouveautés qui ont retenu mon attention.
Le microbiome est composé de trillions de micro-organismes (bactéries, virus, champignons) qui interagissent entre eux et avec notre organisme. Ils jouent de nombreux rôles dans notre organisme, de la digestion à la régulation de nos systèmes immunitaire et hormonal. Il y a plusieurs décennies, il a été découvert que des bactéries pathogènes présentes dans notre corps pouvaient être impliquées dans l’étiologie de certains cancers, comme par exemple Helicobacter Pylori pour le cancer de l’estomac. Plus récemment, les plateformes de séquençage de nouvelle génération, les technologies « omiques » et les approches bio-informatiques avancées ont facilité l’étude du microbiome et ont permis aux scientifiques de découvrir que les micro-organismes « commensaux » pouvaient également jouer un rôle dans les cancers. Ce n’est pas la présence ou l’absence d’une bactérie « commensale » spécifique qui est étudiée, mais le rapport entre les différents micro-organismes, qui constitue un facteur important pour la fonctionnalité de l’organisme. C’est ce microbiome déséquilibré, appelé dysbiose, qui est responsable de l’apparition de certaines pathologies, et notamment du cancer.
L’Asie est entrée dans la course en développant une thérapie combinée du microbiome et des anticorps anti-PD-L1. En effet, Genome & Company, une société de biotechnologie sud-coréenne, a reçu en avril 2020 l’autorisation de la FDA pour un nouveau médicament expérimental (Investigation New Drug – IND), le GEN-001, un candidat thérapeutique de microbiome oral ayant montré durant les études pré-cliniques un effet de renforcement de l’inhibiteur de point de contrôle Avelumab (BAVENCIO®).
L’impact des bactéries sur l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires est l’une des applications les plus prometteuses de la recherche sur le lien entre mirobiome et cancer. Genome & Company intègre ainsi la compétition aux côtés de Vedanta Biosciences dont le produit VE800 est entré en décembre 2019 dans un essai clinique associé au Nivolumab, l’inhibiteur de point de contrôle PD-1 de Bristol-Myers-Squibb.
Enterome a annoncé une collaboration en novembre 2019 avec le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSK) à New York pour évaluer le potentiel des antigènes dérivés du microbiome intestinal pour le développement d’immunothérapies contre le cancer. Enterome est une société française développant des peptides courts dérivés de bactéries ayant un degré élevé d’homologie, des antigènes connus associés aux tumeurs, des antigènes spécifiques aux tumeurs ou des néo-antigènes. Ces antigènes sont utilisés pour induire une réponse immunitaire des cellules T spécifiques aux tumeurs, contre les cellules exprimant les antigènes homologues. Sur la base de cette approche de « mimétisme moléculaire », Enterome a développé le EO2401, son premier composant onco-mimétique composé de plusieurs antigènes dérivés du microbiome intestinal et a lancé un premier essai clinique pour étudier sa sécurité et son efficacité chez les patients atteints de glioblastome progressif. Les recrutements de l’essai clinique devaient débuter en juillet 2020.
La réponse est oui ! L’étude du microbiome permet d’identifier les facteurs de risque. Des chercheurs américains de la Mayo Clinic ont étudié le lien entre les microbiomes vaginal et utérin et les facteurs de risque de développer un cancer de l’endomètre (EC). Dans une première publication, ils ont identifié une signature microbiotique vaginale et utérine associée au cancer de l’endomètre qu’ils ont nommée ECbiome. L’ECbiome peut fonctionner comme un marqueur prédictif du cancer chez les patientes à haut risque ne présentant pas encore de symptômes. Dans une deuxième étude, les chercheurs ont mis en avant les éléments qui pourraient être responsables d’une telle perturbation du microbiome. Ils ont cherché à corréler la présence de cette signature microbiotique, l’ECbiome, avec des facteurs de risque connus du cancer de l’endomètre. Les chercheurs ont ainsi identifié l’obésité, le statut post-ménopause et le pH vaginal comme autant de facteurs de risque potentiels.
Comme rappelé brièvement ici, les entreprises pharmaceutiques investissent et les startups actives dans le domaine se multiplient, mais les universitaires et les institutions publiques ne sont pas en reste.
Oncobiome, premier consortium de recherche portant sur la thématique microbiome et cancer, a été lancé en juin dernier à l’initiative de l’Institut Gustave Roussy, un des principaux centres européens en cancérologie, avec 16 partenaires internationaux (universités, centres de recherche et entreprises affiliées). Ce projet vise à développer de nouveaux outils de diagnostic et à exploiter le microbiome intestinal dans les mesures prophylactiques contre le cancer du sein, du poumon, du côlon et le mélanome. Les chercheurs étudieront les données de 9 000 patients européens pendant cinq ans afin d’identifier ou de confirmer les liens entre les modifications du microbiote d’une part, et l’incidence, le pronostic ou la résistance au traitement de ces cancers d’autre part.
Des empreintes validées de microbiomes intestinaux associés à des cancers pourraient donc faire partie de l’arsenal oncologique pour la prévention, la prédiction et la personnalisation des traitements anticancéreux dans les années à venir. Alcimed vous tiendra informé de l’évolution de ce domaine à fort potentiel !
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A propos de l’auteur
Volker, Grand Explorateur en Oncologie dans l’équipe Santé d’Alcimed en Allemagne