Les problématiques de santé sont un sujet de préoccupation croissant et l’impact de l’alimentation sur notre santé et le développement des maladies chroniques n’est plus à prouver. En 2014, Santé Publique France lance l’étude de santé publique ESTEBAN, visant à étudier l’environnement, l’activité physique, la nutrition et la prévalence de certaines maladies chroniques. Celle-ci est répétée tous les sept ans pour permettre de suivre les évolutions. En 2021, les résultats d’ESTEBAN sur l’exposition en métaux lourds sont publiés. La conclusion de cette étude est préoccupante : toute la population française, adultes comme enfants, est exposée. Dans cet article, Alcimed revient sur l’impact des métaux lourds sur la santé et les solutions pour le réduire.
Qu’est-ce que les métaux lourds ?
Les métaux lourds peuvent désigner le cadmium, le cuivre, le mercure, le nickel, le chrome ou encore l’arsenic. Ils sont au départ naturellement présents dans notre environnement en petite quantité, et peuvent être indispensables à la vie (zinc, cuivre…). Toutefois, l’activité humaine a contribué à considérablement augmenter leur présence dans notre environnement.
L’impact des métaux lourds sur la santé
A des doses plus élevées, ces métaux deviennent dangereux et les conséquences sur notre santé ne sont pas négligeables, d’autant plus qu’ils ont pour particularité de pouvoir s’accumuler dans l’organisme et que leur élimination naturelle est particulièrement difficile. Lorsque l’exposition dépasse les seuils de sécurité, les conséquences de santé peuvent être multiples avec des atteintes possibles sur les fonctions :
- Neurologiques (manganèse, arsenic, cadmium, cuivre, zinc, fer, mercure)
- Néphrologiques (cadmium, plomb, mercure, thallium)
- Cancérigènes (arsenic, plomb, mercure, nickel)
- Hépatiques (plomb, cadmium, cuivre, chrome)
- Immunologiques (plomb, cadmium, chrome)
- Cardiovasculaires (plomb, cadmium, cobalt)
- Dermatologiques (arsenic, mercure)
- Reproductives (arsenic, plomb, cadmium, mercure)
- Génomiques (arsenic)
Les sources d’exposition à ces métaux lourds sont variées : l’atmosphère, le tabac, les implants médicaux, les plombages… mais aussi et surtout l’alimentation.
En effet, les métaux lourds sont émis dans l’atmosphère sous forme de particules par les rejets d’activité (industries, transports, ménages) ou par certaines pratiques agricoles. Ces particules retombent sur la végétation et les sols, ce qui va entraîner une pollution des eaux (l’eau pouvant se charger en métaux lourds et se déplacer vers les nappes phréatiques) et un transfert dans les aliments. Par exemple, les céréales et les légumes sont les principales sources de polluants en cadmium, nickel et mercure tandis que l’eau et les boissons sont majoritairement responsables de l’exposition au plomb. La consommation de produits de la mer a également une forte responsabilité sur les niveaux de bioaccumulation d’arsenic, de cadmium et de mercure.
A titre d’exemple, une étude américaine récente a mis en lumière les taux trop élevés en métaux lourds des tablettes de chocolat noir. En cause, la teneur en cacao – les fèves pouvant être contaminées par le sol mais également après la récolte par une pollution aérienne. Un autre sujet d’inquiétude pouvant être cité est la forte teneur en cadmium des céréales de petit-déjeuner destinées aux enfants.
2 solutions pour lutter contre la pollution des eaux et des sols par les métaux lourds
Des solutions sont étudiées et mises en place pour dépolluer directement à la source : les eaux et les sols. La dégradation des métaux lourds étant particulièrement compliquée, les solutions vont jouer sur la transformation de ceux-ci en formes moins toxiques.
Réduire la toxicité des métaux lourds avec la phytoremédiation
Aujourd’hui, la dépollution des sols passe par la phytoremédiation, une technique qui repose sur la capacité de certaines plantes, algues ou champignons :
- A réduire la mobilité et la diffusion (et donc l’infiltration profonde) des polluants et métaux lourds du sol : on parle de phytostabilisation.
- A absorber les métaux lourds et à les concentrer dans leurs tissus : on parle de phytoextraction et les plantes sont dites « hyperaccumulatrices ».
Extraire les métaux lourds des sols avec la phytoextraction
La dépollution des sols et des eaux par la phytoextraction continue d’être explorée. Claude Grison, chimiste française, a récemment reçu le prix de l’inventeur européen 2022 pour avoir développé une méthode de phytoextraction se basant sur les capacités des métallophytes, des espèces végétales résistantes aux éléments métalliques, à extraire ces métaux et à les stocker. Les procédés développés permettent également de re-exploiter les métaux lourds absorbés par les plantes, en produisant des molécules très utiles pour l’industrie (cosmétique, santé, etc.).
2 solutions pour éliminer les métaux lourds de l’organisme et réduire leur impact sur la santé
Dépolluer l’organisme avec la chélation
Concernant la dépollution de l’organisme, le sujet est à ce jour la cible de diverses études, les solutions existantes sont encore peu nombreuses. On compte parmi les potentielles options la chélation. Les métaux lourds se diffusent largement dans l’organisme et viennent notamment se fixer au niveau des tissus. Lors de la chélation, les métaux lourds sont extraits des tissus avant d’être éliminés. En effet, le terme chélation désigne un processus durant lequel une molécule dite « chélatrice » va se lier à un atome métallique et ainsi le piéger. Le complexe molécule chélatrice-atome métallique, stable et inactif, pourra ensuite être éliminé de l’organisme par la voie urinaire. La chélation peut être chimique ou naturelle.
En médecine, une thérapie de chélation peut intervenir dans le cas d’une intoxication aigüe aux métaux lourds ou en éléments radioactifs. On parle ici d’un traitement médical puissant, durant lequel sont injectés des chélateurs artificiels, comme le DSMA et l’EDTA.
- Le DMSA (acide dimercaptosuccinique) est un produit chélateur qui va se lier aux métaux présents dans le sang et les tissus, les rendant solubles, avant de les éliminer par les reins.
- L’EDTA (éthylène diamine tétra-acétique) est un autre chélateur chimique fonctionnant sur le même principe : le chélateur administré est absorbé dans le sang, il se diffuse dans l’organisme, se lie aux métaux lourds qu’il rencontre en formant un complexe et ce complexe est ensuite éliminé de l’organisme.
Certaines problématiques sont liées à ces traitements, notamment le fait que le chélateur artificiel ne va pas cibler uniquement les métaux en excès et risque d’entraîner un déficit en micronutriments, comme le zinc par exemple, qui sera lui aussi éliminé.
Il existe également des agents chélateurs naturels. Parmi les plus connus, la chlorelle permet d’emprisonner les métaux lourds, notamment le mercure et le plomb, dans sa membrane et de les éliminer. D’autres algues possèdent les mêmes propriétés, comme la Dulse. Certains aliments peuvent également aider à la détoxification de l’organisme, comme les fraises grâce à leurs fibres insolubles qui piègent le mercure, la coriandre, les composants et aliments fortement antioxydants (légumes verts, caroténoïdes, curcumine, vitamine C, pectines de fruits…) et les aliments riches en sulfure (ail, oignons, brocolis…).
Lors de la chélation, il est possible que des effets secondaires adviennent dans un premier temps, comme des maux de têtes ou des nausées. Il faut également avoir apporter des minéraux en grande quantité avant d’entamer une chélation, les chélateurs étant peu dédiés et pouvant également se lier à des minéraux comme le calcium.
Contrecarrer les effets toxiques des métaux lourds avec les molécules bioactives naturelles
Une autre piste d’exploration concerne les molécules bioactives naturelles, qui pourraient contrecarrer les effets toxiques des métaux lourds. Le schéma ci-dessous présente les composés naturels pouvant agir sur les fonctions susceptibles d’être impactées par la pollution en métaux lourds.
IMPACTS | COMPOSÉS NATURELS |
Neurologiques | Curcumine, Acide gallique, Acide para-amino salicylique, Acide protocatéchique, Mélatonine, Apigénine, Omégas-3 |
Néphrologiques | Curcumine, Quercétine, Gelée royale, Acide protocatéchique, Acide rosmarinique, Thymoquinone, Acide alpha-lipoïque, Wogonine, Silymarine, Acide dimercaptosuccinique, Pipérine, Gamma-glutamyl cysteine, Simvastatine, Eugénol |
Cancérigènes | Acide monoisoamyl dimercaptosuccinique, Andrographolide, Curcumine, Sulforaphane, Mélatonine, Pipérine, Quercétine, Metformine |
Immunologiques | Ptérostilbène, Myo-Inositol, Curcumine |
Hépatiques | Salidroside, Berbérine, Carnosine, Thymoquinone, Curcumine |
Dermatologiques | Psoralène, Gallate d’épigallocatéchine-3 |
Cardiovasculaires | Vitamine C, Sulforaphane, Curcumine |
Reproduction et développement | Lutéine, Acide ellagique, Acide férulique |
Génomiques | Gallate d’épigallocatéchine, Curcumine, Silymarine, Acide dimercaptosuccinique |
Les maladies chroniques sont une des plus importantes causes de mortalité au monde. Or la dualité de l’augmentation des déficits en micronutriments et de la pollution en métaux lourds peut accentuer les répercussions sur le développement de ces maladies. Ainsi, le sujet de l’exposition aux métaux lourds, du fait de ses répercussions et de sa généralisation (à travers les régions, mais aussi à travers la biodiversité) prend de l’importance et il devient essentiel de s’intéresser à leur impact sur la santé. Si les pouvoirs publics déterminent des seuils de sécurité à ne pas dépasser, les scientifiques continuent de creuser les potentielles solutions à cette pollution moderne.
Chez Alcimed, nous nous penchons chaque jour sur ces problématiques de santé et les manières d’y répondre. Nous pouvons vous accompagner dans vos projets, n’hésitez pas à contacter notre équipe !
A propos de l’auteur,
Elise, Consultante au sein de l’équipe Sciences de la vie d’Alcimed en France