Santé

L’oncologie interventionnelle, une nouvelle arme contre le cancer

Publié le 30 juillet 2019 Lecture 25 min

S’inscrivant dans une demande de traitements plus personnalisés et moins agressifs, l’oncologie interventionnelle représente un champ d’innovation majeur pour le traitement du cancer. Alors qu’elle permet à la fois d’optimiser le diagnostic et d’élargir l’arsenal thérapeutique, elle se heurte toutefois à des freins de financement et d’accessibilité.

A l’occasion de l’ouverture d’un plateau high-tech dédié à l’oncologie interventionnelle à l’institut Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, Alcimed revient sur les perspectives en France de cette discipline en plein essor, dont le développement était une des priorités du plan cancer 2014-2019.

L’oncologie interventionnelle, une discipline récente aux applications multiples

L’oncologie interventionnelle, discipline apparue il y a une quinzaine d’années, désigne l’ensemble des procédures de radiologie interventionnelle en cancérologie. La radiologie interventionnelle (RI) est une méthode peu invasive à but diagnostique ou thérapeutique dirigée par imagerie (échographie, radiographie, fluoroscopie, scanner, IRM) et réalisée principalement par des radiologues. Elle permet d’accéder à une structure à l’intérieur du corps (tumeur, caillot sanguin…) par voie transcutanée directe à l’aide d’aiguilles (en choisissant un chemin court et sans risque), par un orifice naturel (système urinaire, tube digestif) ou par le réseau vasculaire après insertion d’un cathéter. La RI représente environ 550 000 actes par an en France[1].

Alors que la RI est bien implantée dans certaines spécialités comme les pathologies vasculaires, l’oncologie interventionnelle en est encore à ses débuts et est aujourd’hui surtout développée dans les actes à visée diagnostique. Dans l’ère de la médecine de précision, elle est clé dans la mise en place et l’évolution du protocole thérapeutique : en effet, des biopsies peuvent être effectuées avec une grande précision sur des tumeurs superficielles comme profondes grâce au guidage par imagerie.

Même s’ils ne représentent aujourd’hui qu’un tiers de ses actes, les actes d’oncologie interventionnelle à visée thérapeutique sont en essor et proposent des solutions de plus en plus performantes, qui peuvent venir en complément ou en remplacement aux thérapies traditionnelles. Les possibilités sont multiples : destruction percutanée de la tumeur par le chaud (radiofréquence, micro-ondes) ou le froid (cryothérapie) grâce à l’insertion d’aiguilles à travers la peau, ou encore injection d’un traitement de chimiothérapie (chimioembolisation) ou radioactif (radioembolisation) au sein même de la tumeur via un cathéter. Ces techniques sont généralement utilisées quand la chirurgie est contre-indiquée, mais sont de plus en plus indiquées en première intention, en particulier pour les tumeurs de petite taille et localisées. Par exemple, l’ablation et la chimioembolisation sont inscrites en première intention dans les guidelines européennes pour le traitement du carcinome hépatocellulaire, marque importante de reconnaissance de la discipline.

Une solution « gagnant-gagnant » pour le patient et le système de santé

De par son caractère peu invasif et ciblé, l’oncologie interventionnelle présente de multiples avantages pour le patient par rapport à la chirurgie traditionnelle. Les voies utilisées permettent souvent une intervention sous anesthésie locale et l’hospitalisation est généralement de courte durée, permettant ainsi un plus grand confort et une plus grande sûreté pour le patient. La toxicité envers les tissus sains est limitée grâce au caractère ciblé des actes, réduisant de cette manière les effets secondaires. Ainsi, ces actes mini-invasifs sont souvent bien supportés par les patients, avec un temps de récupération réduit.

Prendre en charge un patient par oncologie interventionnelle permet également de réduire les dépenses de santé par rapport aux techniques thérapeutiques classiques. A titre d’exemple, traiter une métastase pulmonaire par radiofréquence sous guidage radiologique coûterait deux fois moins cher à l’assurance maladie que d’opérer classiquement par chirurgie. Ceci est lié au fait que les durées de l’intervention comme de la récupération sont plus courtes, et la prise en charge peut souvent se faire en ambulatoire.

Une discipline au futur prometteur

Selon l’étude prospective 2025 d’Unicancer, le développement de la RI sera une des grandes évolutions dans la prise en charge du cancer, au même titre que le développement des thérapies ciblées, de l’immunothérapie et des thérapies orales. A l’image de l’institut Gustave Roussy, des établissements de santé ouvrent des plateaux techniques hautement technologiques dédiés aux actes d’oncologie interventionnelle pour répondre à la demande croissante.

Grâce aux innovations à la fois des équipements d’imagerie et des outils d’intervention, la précision et la technicité de l’oncologie interventionnelle ne cessent de s’améliorer et  ses indications s’élargissent. Son portefeuille thérapeutique s’est largement étendu ces dernières années avec de nouvelles techniques en cours d’évaluation, comme l’électrochimiothérapie ou les ultrasons focalisés à haute intensité. Son utilisation en association à des traitements d’immunothérapie est en cours d’investigation, ce qui pourrait être une opportunité prometteuse pour la discipline. La manière de la pratiquer se transforme également grâce au développement de logiciels de guidage et à l’émergence de salles multi-modales permettant la fusion d’images de différents équipements d’imagerie.  Enfin, elle aura de plus en plus recours dans les prochaines années à des outils robotiques, comme par exemple des cathéters autonomes, et à l’intelligence artificielle et à la réalité augmentée, dont on voit déjà l’utilité pour augmenter la précision des interventions.

Un développement ralenti par des freins principalement financiers et d’accessibilité

Cependant, alors que l’oncologie interventionnelle présente des avantages évidents à la fois pour le patient et le système de santé et que ses possibilités d’application sont multiples, son déploiement reste limité du fait d’un manque de reconnaissance et de financement. Elle est encore trop peu visible et du chemin reste à faire pour qu’elle soit pleinement intégrée à la filière de soins en cancérologie.  Un enjeu majeur est l’adaptation des nomenclatures CCAM (classification commune des actes médicaux) pour mieux valoriser certains actes et en inclure d’autres qui ne sont pas encore inscrits. Ceci passe par la mise en place d’études randomisées solides, qui permettront d’asseoir ses bénéfices médico-économiques mais qui restent difficiles à mettre à œuvre du fait de la multiplicité des actes et du faible nombre de patients. Il est également impératif d’adapter le remboursement de ces actes utilisant du matériel ultrasophistiqué et très coûteux. Aujourd’hui, leur coût dépasse souvent leur remboursement avec des cotations des groupes homogènes de séjour (GHS) souvent inadaptées et des dispositifs médicaux coûteux non remboursés en supplément des GHS. En effet, même si la liste des prestations et produits remboursables (LPPR) a récemment évolué pour élargir son champ au-delà des dispositifs médicaux implantables, certains dispositifs médicaux utilisés en RI ne sont toujours pas remboursés. Lever l’obstacle financier est donc une priorité majeure pour permettre le déploiement de l’oncologie interventionnelle.

Un frein supplémentaire est l’accessibilité des techniques thérapeutiques d’oncologie interventionnelle : en effet, elles nécessitent des salles de bloc dédiées et un personnel formé et le maillage national reste aujourd’hui limité. Les structures adaptées, qui combinent équipements difficiles à amortir et environnement type chirurgical, sont souvent concentrées dans les métropoles régionales. Permettre à tous les patients atteints de cancer d’avoir accès aux solutions thérapeutiques offertes par la RI est donc un enjeu majeur.

« L’oncologie interventionnelle représente une vraie innovation pour le patient mais ses bénéfices restent trop peu reconnus. Il est essentiel de la considérer comme un pilier du traitement du cancer, d’intégrer le radiologue interventionnel dans la définition du parcours de soin du patient et d’accompagner son développement par une évolution tarifaire. » conclut Delphine Bertrem, Responsable de BU Santé à Paris.

Reste à voir dans les prochaines années l’impact du plan cancer 2014-2019, qui visait à mieux identifier et structurer la radiologie interventionnelle et à faire évoluer le dispositif réglementaire et tarifaire associé.

[1] Société Française de Radiologie, Décembre 2016

 

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