Les promesses de la blockchain : sous la crypto-santé, la loi !
Tandis que la popularité du Bitcoin s’est peu à peu essoufflée, suite à la chute de son cours, l’engouement général s’est aujourd’hui reporté vers la technologie qui en était le support : la blockchain. Les attentes que cristallise cette nouvelle manière de transmettre l’information sont telles que la blockchain tend à s’imposer comme une thématique d’innovation incontournable pour tous les secteurs. Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, s’est intéressée aux opportunités que cette nouvelle technologie offre au monde de la santé ; entre perspectives prometteuses et cadre juridique en mouvement.
La blockchain, révolution de la confiance
Blockchain est un mot posé sur le désir d’un système de stockage et de transmission de l’information qui puisse se montrer assez transparent pour répondre aux exigences d’une traçabilité parfaite, tout en présentant un degré de sécurité suffisant pour envisager une vraie maîtrise des données qui y circulent. Derrière la coexistence de ces deux qualités, en apparence antagonistes, se trouve un concept clef : la décentralisation. Au lieu de s’en remettre à une autorité centrale – une banque par exemple – pour garantir la validité des informations échangées, le rôle de tiers de confiance est distribué entre différents acteurs de la blockchain. Le choix de ces acteurs permet de contrôler la diffusion de l’information, tandis que la parallélisation de l’activité de vérification garantit la sécurité du système : c’est la cryptographie partagée.
Si, dans la pratique, cet apport de confiance se traduit de manière immédiate en économies de temps et d’argent, au travers notamment de la simplification des procédures de vérification, il représente également la possibilité d’entreprendre des projets nouveaux, requérant soit une traçabilité parfaite, soit une certitude absolue de l’inviolabilité de données mises à contribution. De quoi intéresser tous les secteurs et s’imposer comme un enjeu majeur de l’innovation.
Les charmes d’une crypto-santé
Le secteur de la santé, univers dans lequel la confiance tient une place prépondérante, porte logiquement un regard de plus en plus intéressé sur les horizons qu’ouvre la blockchain. L’engouement est réel et ne manque pas de se manifester au travers d’actes forts, comme l’illustre la prise de participation de Sanofi dans l’entreprise Curisium, fin 2017 – entreprise américaine impliquée dans l’exploitation de ladite technologie. Les espérances, nombreuses, semblent se concentrer principalement autour de trois axes : la lutte contre les contrefaçons de médicaments, l’amélioration de la transparence dans la recherche médicale et la sécurisation des données de santé.
Si le suivi des médicaments par la blockchain n’en est encore qu’à ses balbutiements, les problématiques de recherche médicale et de sécurisation des données de santé ont déjà leurs
porte-étendards. Sunny lake met par exemple à profit la blockchain en proposant un écosystème numérique dédié à la recherche clinique, favorisant l’accessibilité des données et leur transparence ; Guardtime l’a utilisée (en association avec l’Estonian eHealth Foundation) pour permettre la sécurisation des registres médicaux de plus d’un million de patients estoniens. Une autre entreprise, Embleema, offre aux personnes la possibilité de reprendre le contrôle de leurs données de santé en mettant à leur disposition une plateforme de centralisation et de partage de ces données. Cette plateforme, reposant sur la blockchain, propose des services allant de la visualisation de données jusqu’à l’obtention de compensations financières en échange de l’utilisation de ces dernières. Ces projets ambitieux soulèvent cependant certaines inquiétudes qui tendent à se matérialiser dans la sphère juridique par de nouvelles réglementations.
Un cadre juridique en construction
Le 25 mai 2018 est entré en vigueur dans l’ensemble des pays de l’Union européenne le règlement général sur la protection des données, couramment abrégé en « RGPD ». Si le principe même de la technologie blockchain n’est pas directement ciblé par ce nouveau règlement, la compatibilité de certains de ses articles avec les concepts fondamentaux de la blockchain pose question. Outre les problématiques de transfert de données hors de l’UE ou d’établissement de smart contracts, c’est l’article 17, au sujet du « droit à l’oubli », qui semble aller le plus à l’encontre du fonctionnement d’une blockchain n’existant que comme irréversible. Des manières de contourner le problème semblent toutefois se dessiner, la CNIL recommandant par exemple d’inscrire dans les blocs, non les données personnelles en clair, mais une version chiffrée de ces données. Les clefs de chiffrement, permettant de lire ces données, seraient extérieures à la blockchain et la possibilité, à tout moment, de les détruire, pourrait être garante de l’épineux « droit à l’oubli ».
Au-delà de leur valeur intrinsèque, ces règlementations témoignent d’une volonté globale – ou européenne du moins – de construire un cadre juridique en adéquation avec les évolutions sociales résultant du développement des nouvelles technologies. Un réajustement continu des règlementations autour de la blockchain en fonction des pratiques qui en découleront est, dans cet esprit, fortement envisageable. Deux chantiers s’annoncent donc pour les entreprises : réussir à s’adapter à la législation en vigueur tout en se gardant d’être à l’origine d’activités, légales aujourd’hui, mais qui demain risqueront d’être montrées du doigt.
« Il est important que les entreprises ne fassent pas une obsession sur le fait de vouloir coller à un cadre juridique au point d’en oublier ce qui compte vraiment lors du développement de ce genre de technologies sans précédent. Il s’agit de mettre en place une réflexion éthique et des habitudes de communication pérennes, car en définitive ce sont les hommes et non les lois qu’il s’agit de convaincre. » conclut Delphine Bertrem, Responsable de l’activité Santé d’Alcimed à Paris.
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