Les batteries domestiques, une révolution qui peine à démarrer …
En 2015, Elon Musk, fondateur et PDG de Tesla, annonçait le démarrage d’une révolution dans la gestion de l’énergie avec la présentation en fanfare de sa batterie à usage domestique, le Powerwall. Cette révolution devait permettre aux utilisateurs une réduction considérable de leur facture énergétique voire l’atteinte d’une autonomie énergétique. Qu’en est-il de la situation aujourd’hui ? Cette révolution a-t-elle impacté les fournisseurs d’énergies ? Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, dresse un bilan sur cette révolution, la situation actuelle et l’impact de ces produits sur le business model des énergéticiens qui se positionnent sur ce marché.
Le lancement du Powerwall « 1ère Génération » de Tesla en 2015 a permis de mettre sur le devant de la scène le stockage domestique d’énergie. Les objectifs majeurs de cette batterie Li-ion sont de pouvoir diminuer sa facture énergétique par le stockage de l’énergie durant les heures creuses et de rendre plus autonomes les consommateurs auto producteurs de leur énergie via des panneaux photovoltaïques. Ces objectifs ambitieux ont poussé Tesla à très vite présenter une 2ème version de son Powerwall en octobre 2016. La batterie passe alors de 7/10 KWh à 14 KWh pour un prix passant de environ 700 $/KWh à 400 $/KWh aux USA, onduleur et installation compris.
Le prix du Powerwall 1G était un frein majeur à sa démocratisation surtout dans les pays où le prix de l’électricité est faible comme les USA, la France ou la Belgique. Il a été montré que la production de l’électricité avec des panneaux solaires associée à un Powerwall 1G revenait à 0.25€/KWh. L’utilisation des batteries n’est pas viable aux USA, en France ou en Belgique où le tarif moyen de vente du kilowattheure est respectivement de 0.10 (variation importante suivant les états), 0.15 et 0.19 €/KWh. Dans des pays comme l’Allemagne ou l’Australie où le prix de l’électricité est plus important, respectivement 0.27 et 0.25€/KWh, l’utilisation d’une telle batterie a alors du sens.
Le Powerwall 2G a permis de faire tomber les prix de production à 0.18€/KWh. Cependant, cela n’est pas suffisant lorsqu’on sait qu’il est possible pour le particulier de revendre son surplus de production aux énergéticiens. En France, EDF rachète le KWh à environ 0.10€.
Les constructeurs automobiles, acteurs majeurs à la manœuvre…
Nombre de constructeurs proposent des batteries domestiques composées d’anciennes batteries de leurs véhicules : après 8 à 10 ans d’utilisation sur un véhicule électrique, une batterie n’est plus assez performante. Toutefois, elle peut être réutilisée comme batterie domestique 5 à 10 ans de plus.
Renault et Powervault se sont associés pour donner une seconde vie aux batteries de la Renault Zoé, les premiers tests devraient avoir lieu ce mois-ci avec la production de 50 unités. Daimler et Mercedez Benz, BMW, Nissan sont également positionnés ainsi que certains équipementiers comme Schneider Electric, Solarwatt, Sonnen, LG, Samsung, SimpliPhi, Sunverge, ElectrIQ et Panasonic.
Pour l’instant, seuls Schneider Electric et LG proposent des batteries dont le prix de vente est inférieur à 500$/KWh. Mercedes Benz, Nissan, Solarwatt annoncent pour le moment des prix supérieurs à 700, 1100, 1475 $/KWh respectivement.
… quand les énergéticiens commencent à se positionner sur l’auto-consommation
EDF vient de lancer son offre clé en main « Mon soleil & moi » qui se compose d’une étude de rentabilité gratuite, de l’installation de panneaux photovoltaïques (PV) et d’une batterie de stockage LG. Les consommateurs deviennent acteurs de leurs factures énergétiques, consomment leur production et réinjectent le surplus dans le réseau afin de réduire leur facture. Engie, pour sa part, devrait lancer son offre « My Power » courant 2017.
Les énergéticiens européens, principalement en Grande-Bretagne ou en Allemagne, ont aussi amorcé ce virage via des partenariats ou des business units dédiées à l’instar de Vattenfal en Allemagne. En partenariat avec Solarwatt, E.ON, fournisseur d’énergie européen, propose depuis juin 2016 en Allemagne et en Grande-Bretagne une solution « PV-batterie domestique » couplée à une application mobile qui permet au consommateur-producteur de contrôler sa production, sa consommation et de mesurer les économies réalisées en temps réel. EDF Energy en Grande-Bretagne propose un service similaire en association avec Tesla.
En Grande-Bretagne encore, IKEA propose une alternative aux énergéticiens : associé à Solarcentury pour les panneaux photovoltaïques et à LG pour les batteries, IKEA commercialise une solution d’autoconsommation clé en main.
Industrialisation et pilotage offre-demande seront les deux tournants (ou pas) !
Prix encore élevés mais compétitifs dans certains cas, business model pertinent pour le consommateur mais n’offrant pas encore assez de recul… les acteurs testent le potentiel et entrevoient le point de bascule. Cette transition se fera si on est capable d’industrialiser la production des batteries pour réduire significativement les prix. Tesla a, de son côté, déjà lancé le projet « Gigafactory » qui devrait faire baisser les prix de 30% par KWh. Inaugurée fin juillet 2016, le site fonctionne à 20% pour le moment.
Actuellement, une baisse annuelle de 14% est observée sur l’ensemble du marché et un prix de 200€/KWh devrait être atteint en 2020 et de 100€ à terme.
Cette transition se fera si on est capable de mieux synchroniser production et demande. Pouvant être considéré comme concurrent, le pilotage de l’offre et de la demande sera vraisemblablement plus un complément des batteries afin de de limiter les besoins en stockage. Comwatt et My Light System, deux start-ups françaises, ont récemment sorti des solutions allant dans ce sens. Il s’agit d’une box qui permet de mesurer sa production et sa consommation comme lancer automatiquement son lave-linge lorsque la production d’électricité est maximale.
« L’enthousiasme et le talent d’Elon Musk ne doivent pas nous faire oublier les défis industriels associés. Réussir le pari de l’auto-consommation chez les particuliers passera par une baisse sensible des coûts du stockage et un pilotage plus fin entre périodes de production et de consommation. La relation des particuliers à l’énergie se redessine. Deviendront-ils captifs de leurs fournisseurs de véhicule électrique ou de panneaux solaires pour la gestion de leur énergie, resteront-ils fidèles aux opérateurs historiques grâce à des offres innovantes adaptées ou évolueront-ils vers une plus grande autonomie ? On observe le même questionnement chez les industriels. » conclut Jean-Philippe Tridant Bel, Partner Energie, Environnement & Mobilité chez Alcimed.
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