Le digital, pour un accès plus simple et plus rapide aux données patient en vie réelle
Le développement des technologies numériques offre l’opportunité pour les industriels pharmaceutiques de réfléchir à faire différemment et mieux dans bon nombre de leurs activités. Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, analyse l’opportunité qu’offre le digital dans l’acquisition plus simple et plus rapide des données patient en vie réelle.
Les données de vie réelles sont générées dans le cadre de la pratique médicale courante, en dehors des contraintes inhérentes à la mise en œuvre des études cliniques conventionnelles. Les industriels pharmaceutiques ont de plus en plus recours à ces données pour guider leurs décisions tout au long du cycle de vie de leurs produits, que ce soit en termes d’épidémiologie, d’efficacité et de sécurité des traitements, ou bien d’impact médico-économique. Par ailleurs, les agences réglementaires américaines (Food and Drug Administration) et européennes (European Medicine Agency) ont confirmé leur volonté de valoriser davantage les données de vie réelles dans les processus d’autorisation de mise sur le marché des produits pharmaceutiques.[1]
Dans un environnement de plus en plus digitalisé, les acteurs de la santé ont commencé à capitaliser sur les dispositifs digitaux dans le but de capter les données de vie réelle directement via les patients. En effet, les avancées technologiques permettent aujourd’hui la génération d’un grand nombre et d’une variété importante de données avec un moindre effort pour les patients et dans un environnement moins contraignant que celui de l’hôpital.[2] En France, de nombreux acteurs sont déjà actifs sur le sujet et utilisent le digital pour avoir accès aux données patients en vie réelle.
La génération de données de santé via les applications digitales et objets connectés
Les données patient en vie réelle peuvent être obtenues en tant qu’information subjective, par l’intermédiaire de questionnaires électroniques remplis manuellement par les patients, ou bien en tant qu’information objective, générée par des objets connectés et autres capteurs intégrés à des dispositifs digitaux (téléphones mobiles, smart watch, etc.). De plus, notamment par le biais d’applications, il est aussi possible proposer des tests pour les patients et ainsi générer des données sur leurs performances physiques (ex. test de marche) ou cognitives (ex. test de logiques).[3]
La start-up française Ad Scientiam, avec le support de Roche France, a développé une application digitale, MSCopilot, permettant le suivi des patients atteints de sclérose en plaques. L’application propose des tests d’auto-évaluation permettant de mesurer l’état de santé des patients, prenant en compte 4 paramètres : sa capacité à se déplacer, ses capacités cognitives, sa dextérité et son acuité visuelle. Cette solution permet de générer des données plus fréquentes sur l’apparition potentielle de symptômes, hors du cabinet du médecin, et permet ainsi un suivi plus précis de l’évolution de la maladie. Lancée en France en Novembre 2017, MSCopilot est la première application dédiée développée par Ad Scientiam, qui travaille à présent sur d’autres pathologies telles que l’hyperplasie bénigne de la prostate ou la dermatite atopique, entre autres.[4]
L’utilisation d’outils connectés pour générer des données de santé se développe considérablement en France. Digital Medical Hub, la première plateforme d’évaluation et d’analyse des données d’objets connectés a été établie par l’AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) et en particulier à l’hôpital Bichat-Claude Bernard. En Janvier 2018, en partenariat avec Docapost, une filiale du groupe La Poste dédiée au digital, le Digital Medical Hub a lancé sa première étude pour évaluer la pertinence des objets connectés pour les patients ayant subi une transplantation pulmonaire. L’étude conduite sur deux ans mesurera l’impact d’un suivi régulier et à distance de l’état de santé des patients sur la qualité des soins et la relation médecin/patient.[5]
L’une des études françaises majeures utilisant des objets connectés et du machine learning en santé a été récemment menée par Sanoïa, une organisation de recherche clinique spécialisée dans le digital, en partenariat avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Orange Healthcare, la filiale santé du groupe Orange. L’activité physique de 170 patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde et de spondylarthrite a été évaluée à l’aide d’un capteur d’activité pendant 3 mois. Les résultats ont montré que l’activité du patient pouvait indiquer une poussée d’arthrite rhumatoïde ou de spondylarthrite avec une fiabilité de 96%. Ces résultats ouvrent des perspectives pour l’intégration des objets connectés dans le suivi de l’arthrite chronique.[6],[7]
Les médias sociaux, sources de données de vie réelle
Ces dernières années, les médias sociaux ont été de plus en plus utilisés comme sources de collecte de données de vie réelle. En effet, les patients utilisent les forums de discussions pour partager leurs opinions ou avoir accès à celles d’autres patients concernant une pathologie, des traitements associés. Carenity est un réseau social dédié aux patients ayant une maladie chronique. Initialement établi en France, il rassemble désormais une communauté de plus de 300 000 patients et médecins autour de plus de 1200 maladies chroniques, à travers l’Europe et les Etats Unis. La société conduit également des analyses sur le contenu généré par les patients sur la plateforme pour communiquer les données de vie réelle aux institutions académiques ou industries pharmaceutiques.[8] Kap Code, une startup française, conduit le même type d’analyses en utilisant les sources de données de médias sociaux, comme les forums de discussion, Facebook, et Twitter.[9]
Des moyens pour centraliser les données du patient
En plus d’avoir un rôle important dans la génération de données de vie réelle, les technologies digitales permettent aussi de consolider les données patient provenant de sources diverses. Ainsi, Docapost a initié un projet de grande envergure et créé un Espace Numérique de Santé, collectant et regroupant au même endroit des données de santé diverses. Dans ce contexte, Docapost a lancé en Janvier 2018 une application mobile, La Poste eSanté, qui centralise les données provenant d’objets connectés, d’applications mobiles de santé, des registres de vaccination, des questionnaires médicaux, etc. Les données patient peuvent être partagées avec les professionnels de santé pour faciliter le diagnostic et le choix du bon traitement, et dans le même temps assurer un suivi plus rapproché du patient.[10]
Dans un futur proche, la technologie de la blockchain poussera encore plus loin la consolidation des données santé des patients. Les blockchains sont des systèmes numériques de stockage et de transmission de données par blocs, garantissant la sécurité et la traçabilité des données. Embleema, une startup spécialisée dans la blockchain en santé, a développé la solution PatientTruth, qui permet aux patients de sauvegarder leur historique médical complet à partir de sources dispersées. Ce type de solutions offrent un haut niveau de sécurisation et confidentialité des données patient, et garantit aux patients le contrôle sur leurs données de santé. Dans la continuité du lancement de la solution aux Etats-Unis en 2018, la startup prévoit d’entrer sur le marché français cette année, une fois sa plateforme adaptée aux besoins locaux et à ses contraintes réglementaires spécifiques.[11]
Lambert Lacoste, responsable de mission chez Alcimed, conclut qu’ « il y aura sûrement un changement dans la manière d’appréhender l’utilisation du digital pour les études de vie réelle. Les technologies digitales offrent l’opportunité de faire plus vite et potentiellement de réduire les coûts, en comparaison avec les pratiques actuelles. La question ne sera plus de savoir s’il faut utiliser ces technologies, mais plutôt de savoir comment les intégrer au sein de son activité. » Et d’ajouter : « cela aura un impact sur la manière dont les industriels pharmaceutiques travaillent et s’ouvrent à de nouvelles collaborations avec les acteurs du domaine, mais aussi sur l’ensemble des compétences qu’ils voudront réunir au sein de leur organisation. »
[1] https://f1000research.com/articles/7-111/v1
[2] https://www.ert.com/wp-content/uploads/2017/05/PV0517-mHealth-ERT.pdf
[3] https://healthpolicy.duke.edu/sites/default/files/atoms/files/mobilizing_mhealth_innovation_for_real-world_evidence_generation.pdf
[4] http://www.adscientiam.com/
[5] https://www.aphp.fr/contenu/ap-hp-creation-de-la-premiere-plateforme-devaluation-et-danalyse-des-objets-connectes-en
[6] http://rmdopen.bmj.com/content/3/1/e000434
[7] https://www.orange.com/fr/Press-Room/communiques/communiques-2017/Orange-Healthcare-et-Sanoia-valident-l-utilisation-du-Machine-Learning-pour-le-suivi-des-Rhumatismes-Inflammatoires-Chroniques
[8] https://www.carenity.com/espace-pro
[9] https://www.kapcode.fr/en/detect-2/
[10] https://www.docapost.com/metiers/e-sante
[11] http://whitepaper.embleema.com/
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