Le Care Manager : un acteur clé du parcours de soins
Afin de mieux anticiper la perte d’autonomie de leur population, la Suède, le Danemark ou encore le Japon font appel à des Care Managers, ayant une double casquette : manager d’une part et personnel de santé d’autre part, ils sont désormais les pierres angulaires du parcours de soin de leurs populations. En effet, ce dernier se situe au centre du triptyque patient – corps médical – administrations, et permet de fluidifier les échanges entre ces différentes entités. Le Care Manager a souvent une formation en kinésithérapie, en gérontologie ou en gériatrie.
En tant que maillon essentiel de ces systèmes de santé son rôle est double :
- Mesurer dans un premier temps, les niveaux de dépendance des seniors avant de les suivre régulièrement, si leur état ne leur permet pas une complète autonomie.
- S’assurer dans un second temps. de l’observance de ses patients (le fait de respecter la prise de son traitement,), que leurs habitats soient bien aménagés pour qu’ils puissent y vivre en toute autonomie ou encore, du bon déroulement d’un retour au domicile après un séjour à l’hôpital.
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Par ailleurs, le Care Manager permet de remplacer l’aidant informel (membre de la famille ou ami), acteur trop peu connu, valorisé ou tout simplement rémunéré à sa juste valeur, et pourtant incontournable. Encore absent en France, son implantation dans notre système de santé serait pourtant tout aussi pertinente que dans les pays cités.
Le Care Manager : un rôle à jouer évident sur le volet de la prévention
Aujourd’hui déjà, des programmes de détection de perte d’autonomie et de déclin de la motricité émergent, à l’image du programme ICOPE – Soins Intégrés pour les Personnes Âgées de l’OMS qui a développé un outil permettant de mesurer ces capacités intrinsèques en quelques minutes, ou le projet Bien-Vieillir porté par le CHU de Nice dont l’objectif est d’inventer le modèle futur du bien vieillir reposant sur 3 piliers : mieux anticiper, mieux prévenir et mieux suivre.
Si ces dispositifs étaient plus largement déployés, cela permettrait par exemple de réduire le taux HPE – Hospitalisations Potentiellement Evitables. En effet, on estime que 20% des hospitalisations des plus de 65 ans en 2015 étaient évitables. Sachant qu’une journée d’hospitalisation de courte durée à l’AP-HP coûtait en moyenne 898€ en 2019 et que 80% des frais sont pris en charge par l’Assurance Maladie, une meilleure prévention éviterait ce genre de séjours dispendieux à notre système de santé. De même que le taux de ré-hospitalisation évitables à 30 jours – RH 30, était de 12% en 2015. Mieux vaut donc prévenir que guérir.
L’espérance de vie en bonne santé, révélatrice des imperfections de notre système de santé ?
L’implantation d’un réseau de Care Manager en France permettrait aux seniors de vieillir dans de meilleures conditions de vie et ainsi d’augmenter leur espérance de vie en bonne santé. Le Dr Hiroshi Nakajima, ancien directeur de l’OMS, avait d’ailleurs énoncé à ce sujet, en 1997, que “sans qualité de la vie, une longévité accrue ne présente guère d’intérêt”. Parmi les pays de l’OCDE, la France est l’un des pays où l’espérance de vie à la naissance, est l’une des plus élevées.
Cependant, en ce qui concerne l’espérance de vie en bonne santé, la France n’est pas bonne élève, étant donné qu’elle se situe en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. A 65 ans, une femme peut espérer vivre encore 23,2 ans, mais seulement 11,2 ans sans incapacités, tandis qu’à 65 ans, un homme peut espérer vivre encore 19,4 ans mais 10,1 ans sans incapacités. Cette grande disparité pourrait être atténuée en anticipant davantage la détection de ces fragilités par un Care Manager.
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Mais la prise en charge de la perte d’autonomie en France est complexe ; elle se caractérise par le nombre et la variété des intervenants, des financeurs et des types de structures. Cette complexité, renforcée par l’absence de porte d’entrée unique et facilement identifiable dans le système d’accompagnement de soin, génère de nombreuses ruptures de la prise en charge. L’implantation de Care Managers permettrait de faire le pont entre les différentes structures de santé, là où aujourd’hui, il n’existe pas d’acteur centralisé coordonnant les structures sanitaires, médico-sociales et ambulatoires.
Le parcours de soin n’étant pas aujourd’hui optimisé, un acteur coordinateur permettrait donc de linéariser ce parcours complexe. Le Care Manager pourrait donc être implanté sur différents volets du parcours de soins, pour devenir un interlocuteur privilégié des seniors, mais aussi un acteur clé sur lequel s’appuyer pour les différents acteurs des parcours de soins.
A propos des auteurs,
Fanny, Consultante et Quentin, Responsable de Mission dans l’équipe Santé d’Alcimed en Suisse