Quels sont les labels alimentaires en Europe ?
L’appellation d’origine protégée (AOP)
L’appellation d’origine protégée (AOP) est un sigle européen créé en 1992 pour protéger la dénomination d’un produit qui a été produit, transformé et élaboré dans une zone précise, avec un savoir-faire reconnu et vérifié. Les produits ainsi labellisés sont généralement liés au terroir. L’identification de l’AOP européen est assurée par un logo obligatoire et est régie par le règlement UE n°1151/2012. Il garantit également des conditions de concurrence égales entre les producteurs de produits portant ces mentions, et à informer le consommateur que les produits portant ce logo respectent toutes les conditions de production, de sécurité alimentaire et d’origine spécifiées dans cette appellation. Cette réglementation concerne certains produits agricoles et denrées alimentaires qui ont un lien avec leur lieu d’origine, tels que les vins et les fromages, comme par exemple le Comté en France.
L’indication géographique protégée (IGP)
Créée en 1992, l’IPG concerne des produits dont la qualité ou la réputation est liée au lieu où ils ont été produits, transformés ou élaborés. Une étape minimum doit avoir lieu dans une zone géographique précise. Ce label régi par le règlement UE n°1151/2012 s’applique initialement aux secteurs agricole et agroalimentaire et a été étendu aux vins depuis 2009. Le vinaigre balsamique Aceto Balsamico di Modena d’Italie est un des exemples bénéficiant de cette labellisation. La protection de ce produit concerne ses raisins, pouvant provenir uniquement de 7 vignes typiques, répertoriées dans le Règlement de Production, et dont la production est strictement codifiée.
La spécialité traditionnelle garantie (STG)
Ce troisième label concerne la spécialité traditionnelle garantie (STG). Ce sigle désigne des produits dont les ingrédients ou les moyens de production présentent un caractère traditionnel sans avoir de lien particulier avec un terroir déterminé. La méthode traditionnelle et les ingrédients sont reconnus et mis en avant. Il a été également créé en 1992 et est régie par le même règlement que l’AOP et l’IGP. On compte en moyenne une cinquantaine de produits avec ce label, notamment le Jambon Serrano en Espagne.
L’agriculture biologique (AB) pour les pratiques écoresponsables
L’agriculture biologique est un système de production agricole qui met l’accent sur le respect de la vie et des cycles naturels. Elle garantit une production favorisant l’agrosystème et la biodiversité, tout en interdisant l’utilisation d’engrais, de pesticides de synthèse et d’OGM. Les agriculteurs biologiques utilisent des pratiques telles que la rotation des cultures, l’engrais vert, le compostage, la lutte biologique et le sarclage mécanique pour maintenir la productivité des sols et le contrôle des maladies et des parasites. L’agriculture biologique est régie par le règlement communautaire n°834/2007 du 28 juin 2007. Pour apposer le label AB sur un produit, il doit être composé de 95% minimum d’ingrédients agricoles certifiés biologiques. Le consommateur peut reconnaître les produits de l’Agriculture biologique grâce au label européen « euro feuille », obligatoire depuis le 1er juillet 2010.
5 défis à relever par les industriels dans le contexte actuel pour obtenir et conserver leurs labels alimentaires
Défi n°1 : suivre des démarches longues et coûteuses
Le premier maillon de la chaine dans les démarches de labellisation est la filière agricole. Proposer un produit labellisé, par exemple biologique, demande une exploitation certifiée bio et cela n’est ni facile, ni automatique. Devenir une exploitation de ce type demande plusieurs étapes de validation et de l’adaptation de la part des agriculteurs. Tout d’abord, une première étape de vérification est nécessaire pour s’assurer que l’exploitation peut tendre vers cet objectif. Ensuite, une période de conversion commence pendant laquelle les produits ne peuvent pas encore être estampillés bios et sont vendus dans les réseaux de l’agriculture industrielle. Enfin, après une période de 24 mois en moyenne, contre 30 mois pour les élevages, le label biologique peut enfin être obtenu.
Le coût de la certification européenne d’un produit bio est gratuit, mais des frais de contrôle sont nécessaires. Ce coût varie en fonction du type d’activité, de la taille de l’exploitation et du type d’activité contrôlée. En moyenne, la certification bio coûte 0,5% du prix d’un produit fini. Mais ce prix peut représenter une charge trop élevée pour de nombreux petits producteurs et beaucoup ne peuvent pas apposer le logo « AB » sur leurs produits même s’ils respectent en théorie toutes les clauses du cahier des charges.
Défi n°2 : répondre aux attentes de plus en plus élevées des consommateurs
Les consommateurs sont de plus en plus exigeants en matière de qualité et d’éthique, et privilégient les produits et services labellisés qui répondent à des critères sociaux, environnementaux et de sécurité. Cependant, face à la multiplicité des labellisations présentes sur le marché, ils sont parfois perdus et la concurrence de plus en plus rude : labels nationaux, labels européens, produits du terroir, fait-maison, pêche durable… il est parfois compliqué de s’y retrouver. Les entreprises sont dorénavant face à un autre défi que celui de satisfaire le consommateur, celui de le guider et de lui faire comprendre la réelle valeur ajoutée du label apposé sur le produit vendu.
Défi n°3 : s’adapter au changement climatique afin d’assurer une production conforme aux directives
Outre la concurrence et les exigences des consommateurs, toujours plus strictes, les labellisations sont directement liées à l’agriculture, elle-même en lien avec les aléas climatiques. Le cahier des charges des labellisations demande des conditions très spécifiques aux éleveurs et agriculteurs.
Cependant, les conditions climatiques récentes ont impacté ce type de cahier des charges et entrainé l’évolution des critères d’obtention et des dérogations ont été attribuées permettant à des produits de conserver leur label malgré les circonstances exceptionnelles. La sècheresse de l’été 2022, notamment, a provoqué un manque d’eau, et les températures trop élevées ont compromis la production d’herbe : les éleveurs n’ont pas pu respecter le cahier des charges AOP et IGP sur la durée de pâturage et la part d’alimentation en herbe minimale. Au vue des pâtures complètement asséchées, un complément en foin et ensilage a dû être donné ou la durée de pâturage a dû être réduite. Il a également fallu autoriser les agriculteurs à se fournir en aliments en dehors de la zone agréée.
Les éleveurs laitiers, entre autres, sont conscients que le changement climatique aura un impact de plus en plus sévère sur leur activité. En conséquence, les industriels et agences règlementaires réfléchissent aux changements nécessaires pour s’adapter à cette situation tout en préservant les caractéristiques uniques des produits.
Découvrir comment mettre en place une stratégie de résilience climatique >
Défi n°4 : surveiller les changements dans la démarche de labellisation suite à la guerre en Ukraine
En raison de la situation géopolitique actuelle et la guerre en Ukraine, l’Union européenne a récemment décidé d’assouplir le nouveau règlement bio qui était entré en vigueur en début d’année 2022 concernant la filière porcs et volailles. En effet, ce pays est l’un des principaux fournisseurs de l’UE en aliments protéiques bio destinés aux élevages. Malheureusement, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a coupé cette source d’approvisionnement. La Commission européenne a autorisé les États membres à déroger temporairement à ce règlement, permettant l’utilisation d’aliments non bio pour une période d’un an, à compter du 24 février 2022, date du début de la guerre en Ukraine. En France, des discussions sont en cours pour permettre l’utilisation d’aliments non bio pour les animaux, mais avec une limite maximale de 5 % de leur ration alimentaire.
Défi n°5 : prendre en compte les conséquences du Brexit pour la validité des logos européens au Royaume-Uni
En 2000, le Royaume-Uni comptait environ 25 AOP et IGP, allant du cidre de Herefordshire, à la bière de Newcastle en passant par l’agneau du Pays de Galles. Ces labels apportent de la reconnaissance à la gastronomie locale et permettent de faire découvrir et préserver le patrimoine culinaire du pays, tout en protégeant des usurpations et favoriser l’exportation.
De nombreux producteurs et industriels ont eu des frayeurs lorsque le Brexit a été annoncé. En sortant de l’UE, plusieurs questions concernant l’avenir des labels se sont posées :
- Est-il possible de conserver les logos européens sur les produits actuels ?
- Comment éviter l’arrivée de la concurrence et de contrefaçons sur le marché ?
- Comment conserver l’exportation de ces produits avec les logos européens dans une zone qui ne l’est plus ?
Après de longues discussions, dont la possibilité de supprimer les fameux logos des produits, il a été décidé que tous les produits ayant été labellisés avec un logo européen avant le 31 décembre 2020 pourraient le garder.
En revanche, à compter de cette date, seules les nouvelles demandes d’Indication Géographique déposées avant le Brexit seront protégées à la fois dans l’Union Européenne et au Royaume-Uni. Les nouvelles demandes ne bénéficieront plus d’une protection automatique dans les deux pays, mais devront être déposées séparément auprès des autorités britanniques et européennes pour être protégées.
Les labels sont omniprésents et garantissent un produit de qualité tant sur le plan alimentaire que gustatif. Ils apportent une plus-value sur le marché et une diversification envers la concurrence. Cependant, ces labellisations sont étroitement liées à l’agriculture et aux éleveurs. Face aux aléas climatiques et géopolitiques, mais également aux demandes des consommateurs toujours plus exigeantes, les labels ont dû évoluer et s’adapter et vont devoir faire preuve d’agilité dans le futur. Tout ce nouveau contexte met en lumière plusieurs interrogations. Y a-t-il un avenir pour les labels malgré les incertitudes liées aux événements climatiques et politiques ? Comment maintenir la confiance des clients en dépit des dérogations et des exceptions récentes touchant directement le produit ? Comment les industriels vont-ils pouvoir adapter leurs offres pour faire face aux nouveaux défis qui se présentent ? L’équipe spécialisée d’Alcimed peut vous accompagner sur tous vos projets relatifs aux labels alimentaires et plus généralement sur vos projets relatifs à l’agroalimentaire et à l’agriculture. N’hésitez pas à contacter notre équipe !
A propos de l’auteur,
Clara, Consultante au sein de l’équipe Sciences de la vie d’Alcimed en Suisse