État des lieux actuels de l’infertilité et des traitements de PMA disponibles
Les causes de la hausse de l’infertilité en France
D’après le dernier rapport publié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’infertilité est un problème de santé publique qui engendre de nombreux défis émotionnels, psychologiques et financiers. Elle touche environ 1 personne sur 6 dans le monde soit 17,5 % de la population adulte et la France ne fait pas exception. Ces nouvelles estimations montrent que la prévalence de l’infertilité est comparable d’un pays à un autre, indépendamment du niveau de revenus (élevés, intermédiaires ou faibles).
En France, l’infertilité touche directement 3,3 millions de personnes soit près d’un couple sur quatre. Au cours de la période 2008-2017, ce sont plus de 150 000 couples qui chaque année ont eu recours à un traitement contre l’infertilité et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Plusieurs causes ont notamment été identifiées par le ministère des solidarités et de la santé dans son rapport de février 2022. Ces dernières sont d’ordre à la fois sociétales, environnementales et médicales. En effet, l’âge moyen des mères à la première naissance a reculé : il est passé de 24 ans en 1975 à 28,8 ans en 2019 alors même que la fertilité féminine décline dès 30 ans et plus encore à partir de 35 ans. Ce recul de l’âge à la parentalité s’explique par plusieurs facteurs sociétaux dont la généralisation du travail féminin et de la contraception ou encore la recherche d’une stabilité professionnelle et financière avant de concrétiser un projet parental. D’autre part, l’exposition à des facteurs environnementaux tels que les perturbateurs endocriniens et la pollution atmosphérique réduisent la fertilité. Certains modes de vie ont aussi un effet délétère dont la consommation de tabac ou de cannabis, l’obésité ou une alimentation déséquilibrée.
Ce sont autant de raisons qui expliquent le recours de plus en plus fréquent aux méthodes de procréation médicalement assistée. D’autant qu’à celles-ci s’ajoutent les nouvelles demandes relatives à l’ouverture de l’accès à la PMA à toutes les femmes. Depuis la promulgation de la loi de bioéthique en août 2021, les femmes célibataires ou en couple homoparental ayant ont un projet parental ont dorénavant accès à la PMA.
Disponibilité et efficacité des traitements de procréation médicalement assistée actuels
La procréation médicalement assistée comprend plusieurs techniques, à savoir :
- L’insémination artificielle du sperme du conjoint ou d’un tiers donneur ;
- La fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de spermatozoïdes des conjoints ou de tiers donneurs (mis en contact dans une boîte de Pétri). Outre cette technique de FIV classique où plusieurs gamètes sont mis en contact simultanément dans une boîte de Petri, il est possible de réaliser une ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) qui consiste à injecter un seul spermatozoïde dans chaque ovocyte. L’objectif est identique : obtenir des embryons qui seront ensuite implantés dans l’utérus de la femme ;
- L’accueil d’embryon qui consiste à transférer dans l’utérus d’une patiente les embryons provenant d’un couple ou d’une femme donneuse qui les avaient fait congeler dans le cadre d’une FIV.
Aujourd’hui, ce sont la FIV et l’ICSI qui sont les plus couramment utilisées pour traiter l’infertilité, cependant elles présentent des limites importantes. En effet, le taux de réussite moyen du premier cycle de FIV est d’environ 25 à 30 % chez les femmes de moins de 35 ans, et ce taux diminue considérablement avec l’âge. Ceci est notamment dû à la sélection des embryons à implanter, qui reste un défi majeur. Actuellement, les embryons sont choisis principalement sur la base de critères morphologiques observés sous microscope, ce qui ne garantit pas toujours la sélection des embryons les plus viables. En conséquence, le risque d’échec d’implantation ou de fausse couche reste élevé. Ainsi, en dépit des progrès réalisés, de nombreuses patientes doivent subir plusieurs processus de cycles de FIV, avant que le projet parental ne puisse aboutir. Le parcours total dure en moyenne quatre ans et nécessite de nombreux examens, ce qui représente une charge physique et psychologique importante, et augmente le coût financier du traitement.
D’autre part, alors même que le nombre de demandes de recours à la procréation médicalement assistée augmente, le nombre de procédures de PMA n’augmente pas de manière proportionnelle. L’Agence de biomédecine soulignait une hausse de 25 % des demandes entre le 2ème semestre 2022 et le 1er semestre 2023 alors que le nombre de premières consultations effectivement effectuées n’a augmenté que de 2,8% sur la période. Depuis la loi de bioéthique d’août 2021, le nombre de demandes de première consultation pour les couples de femmes et les femmes célibataires est devenu 7,5 fois supérieur à celui des couples hétérosexuels.
Les utilisations potentielles de l’intelligence artificielle dans les traitements de la PMA
Utilisée dans le domaine de la santé depuis les années 1980, l’intelligence artificielle n’a commencé à être utilisée en procréation médicalement assistée que dans les années 2010. Par sa capacité à analyser des quantités massives de données et à identifier des modèles complexes, l’intelligence artificielle représente un espoir d’amélioration significative dans les traitements de fécondation in-vitro. Voici un tour d’horizon des différentes étapes du traitement de la FIV sur lesquelles elle pourrait avoir un impact important.
L’IA en PMA pour améliorer la sélection des embryons
Traditionnellement effectuée par une observation manuelle et subjective, il n’existe pas de méthode uniforme ou standardisée pour la sélection des embryons. Cependant, les algorithmes d’analyse d’images alimentés par l’intelligence artificielle changent la donne. En effet, en gagnant en précision dans l’analyse de diverses caractéristiques des embryons pas toujours perceptibles pour l’œil humain, telles que la morphologie, les schémas de division cellulaire et les anomalies chromosomiques ou génétiques, l’IA peut fournir une évaluation objective et plus précise de la qualité des embryons. Fin décembre 2022, un article publié dans la revue The Lancet Digital Health démontrait que l’intelligence artificielle pourrait déterminer avec une précision d’environ 70% si un embryon fécondé in vitro est génétiquement viable.
D’autre part, l’intelligence artificielle peut aussi être couplée aux systèmes d’imagerie des embryoscopes, ces incubateurs utilisés pour suivre le développement des embryons avant implantation, et permet ainsi accroire la précision et la vitesse d’analyse des volumes de données générées par le système.
En somme l’IA pourrait considérablement augmenter les chances d’identifier les embryons les plus susceptibles de conduire à une grossesse menée à terme, améliorant ainsi les taux de succès des traitements de FIV et les délais.
L’IA en PMA pour créer des plans de traitement personnalisés
Chaque parcours de procréation médicalement assistée est influencé par divers facteurs tels que l’âge, les antécédents médicaux et les niveaux hormonaux du patient. Dans ce cadre, l’IA est en mesure d’examiner de vastes ensembles de données provenant de cycles de FIV précédents, ainsi que les profils d’autres patientes, pour identifier les schémas et les facteurs qui influencent les taux de réussite. Avec ces informations, les cliniciens peuvent créer des plans de traitement personnalisés, en adaptant les protocoles de FIV aux besoins spécifiques de chaque patient.
C’est le cas par exemple des traitements hormonaux qui jouent un rôle crucial dans le processus de FIV, en stimulant les ovaires pour produire un nombre suffisant d’ovocytes matures. L’intelligence artificielle pourrait aider à ajuster l’équilibre hormonal et les dosages en temps réel, notamment afin de réduire les risques liés aux traitements hormonaux excessifs, comme le syndrome d’hyperstimulation ovarienne.
Cette approche personnalisée augmente non seulement les chances de succès, mais réduit également le fardeau émotionnel et financier des multiples tentatives infructueuses, ainsi que les effets secondaires et le stress associés à la PMA.
Découvrez comment notre équipe peut vous aider à optimiser vos parcours patients >
Défis et enjeux éthiques liés à l’utilisation de l’IA en PMA
Bien que les avantages potentiels de l’IA en PMA soient considérables, plusieurs défis éthiques et pratiques doivent être pris en compte.
Défi n°1 : Assurer la protection des données et la confidentialité
Comme pour la e-santé ou la télésurveillance, des réflexions sont en cours concernant la qualité et la confidentialité des données. Les algorithmes d’IA dépendent de vastes ensembles de données pour s’entraîner et faire des prédictions précises, ce qui soulève des préoccupations concernant la protection de la vie privée des patientes et la sécurité des informations sensibles. D’autre part, l’hétérogénéité des critères de sélection des embryons d’une clinique à l’autre induit une forte variabilité des données qui peut rendre difficile la formation de modèles d’IA cohérents et généralisables.
Défi n°2 : Garantir la transparence des algorithmes et l’acceptabilité par les patients
De plus, la transparence des algorithmes est également cruciale. Les décisions prises par des systèmes automatisés doivent être compréhensibles et justifiables pour les cliniciens et les patients. Il est essentiel que l’intelligence artificielle soit utilisée comme un complément au jugement clinique, et non comme un substitut. En effet, les patients peuvent être sceptiques quant à l’utilisation de l’IA dans leur traitement, craignant que la technologie remplace l’expertise humaine ou qu’elle soit déshumanisante. Raisons pour lesquelles, les cliniciens doivent être formés à l’utilisation de ces nouvelles technologies pour garantir une intégration réussie dans les pratiques médicales.
Défi n°3 : Veiller à l’accessibilité des technologies d’IA en PMA et aux inégalités de soins
Enfin, il est important de considérer l’accessibilité des technologies basées sur l’IA. Si ces innovations promettent d’améliorer les taux de succès de la procréation médicalement assistée, elles nécessitent de mener des études médico-économiques afin de connaitre leur impact sur les coûts des traitements pour les patients. En cas d’augmentation des coûts de prise en charge, une réglementation adéquate et des politiques de soutien financier pourraient être nécessaires pour garantir une égalité d’accès aux traitements de l’infertilité.
L‘intelligence artificielle peut représenter une avancée majeure dans le domaine de la procréation médicalement assistée (PMA). En améliorant la sélection des embryons et en personnalisant les procédures, l’IA a le potentiel de transformer les traitements de l’infertilité. Cependant, pour que cette révolution soit bénéfique pour tous, il est crucial de surmonter les défis éthiques, de garantir l’accessibilité de ces technologies innovantes et de poursuivre les recherches pour affiner et développer ces technologies. Alcimed suit de près les développements rapides dans ce domaine et notre équipe est prête à vous soutenir sur ces sujets. N’hésitez pas à contacter notre équipe !
A propos de l’auteur,
Mathilde, Consultante au sein de l’équipe Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed en France.