Santé

Impression 3D et chirurgie de reconstruction osseuse : prochaine innovation en médecine personnalisée ?

Publié le 14 octobre 2020 Lecture 25 min

Quel est le lien entre l’impression 3D et la médecine personnalisée ?

Parmi les nombreuses innovations dans les soins de santé, entraînées par l’expansion de nouvelles technologies, la transition vers une « médecine personnalisée » se distingue par son potentiel à améliorer les résultats de santé individuels. Dans cette nouvelle approche, les interventions médicales sont faites sur mesure pour répondre aux besoins et aux limites de chaque patient, par opposition à l’approche « one size fits all » qui caractérise certaines de nos pratiques médicales traditionnelles.

Les technologies d’impression 3D permettent une fabrication de pièces physiques personnalisées à faible coût et de haute précision. Dans le domaine de la santé, l’application de ces technologies s’est développée dans le domaine de la chirurgie de reconstruction osseuse, pour laquelle l’utilisation de dispositifs géométriquement complexes est nécessaire pour soutenir ou remplacer les os qui ont été détruits, endommagés, et dont l’auto-réparation est impossible.

Outre des facteurs tels que l’état de santé global du patient, la localisation et la taille de l’os endommagé, et la cause (comme un trauma ou une résection d’os tumoral), le succès de ces chirurgies dépend de la faculté des dispositifs (implants, plaques de fixation) à s’adapter convenablement à l’anatomie du patient ainsi qu’à la morphologie du défaut osseux. L’impression 3D présente ainsi un large potentiel par sa capacité à contrôler la chimie, la forme, la porosité et la topographie de ces dispositifs dans les chirurgies de reconstruction osseuse.

L’impression 3D pour la planification préopératoire des chirurgies de reconstruction osseuse : un outil multifonctionnel

L’impression 3D de modèles anatomiques est aujourd’hui utilisée chez les chirurgiens orthopédistes afin de planifier des interventions complexes. La disponibilité d’une technologie d’imagerie médicale haute résolution – principalement la Tomodensitométrie (CT) – permet aux chirurgiens d’obtenir des modèles numériques 3D fiables des structures internes du corps de leur patient. Ces fichiers CAD (Computer Aided Design) sont ensuite utilisés pour l’impression d’un modèle anatomique physique. Grâce à cette approche, les chirurgiens ont ainsi l’opportunité de planifier et discuter des spécificités de la chirurgie en amont de l’intervention physique.

Une autre application importante concerne la possibilité de concevoir des guides chirurgicaux sur mesure. Ces modèles sont placés sur les os afin d’indiquer la localisation où les chirurgiens vont insérer des vis, faire des coupures, ou adapter un implant. Ces guides sur mesure sont conçus non seulement sur la base de modèles anatomiques des patients imprimés en 3D, mais peuvent aussi être eux-mêmes fabriqués à l’aide de la technologie d’impression 3D.

Applications d’impression 3D pour des implants permanents en reconstruction osseuse

Au-delà des dispositifs utilisés pour la planification chirurgicale, la reconstruction osseuse implique souvent l’utilisation d’implants permanents pour remplacer indéfiniment le tissu osseux détruit ou dégénéré. Certaines entreprises de dispositifs médicaux commercialisent déjà des implants permanents imprimés en 3D reproduisant la porosité naturelle de l’os, tels que des cages vertébrales et des tasses acétabulaires. Cependant, la plupart de ces implants imprimés en 3D commercialisés aujourd’hui sont produits en série et ne s’adapte pas aux besoins individuels des patients.

Quelques rares entreprises utilisent l’impression 3D afin de produire des implants spécifiques à chaque patient basés sur leurs données individuelles de tomodensitométrie 3D. Les chirurgiens trouvent cette approche particulièrement pertinente dans la reconstruction des défauts d’os faciaux et crâniens, étant donné la rareté des processus de fabrication traditionnels pour reproduire la complexité géométrique de ces structures anatomiques. Les technologies d’impression 3D sont, en outre, assez polyvalentes pour permettre un large éventail de matériaux et de configurations possibles, ce qui augmente encore les possibilités pour les chirurgiens de sélectionner la meilleure solution adaptée à chaque patient. A titre d’exemple, OSSDESIGN, une société suédoise, produit des implants faciaux et crâniens à l’aide de carreaux de céramique associés à un maillage en titane. Cette conception permet un transfert optimal de la charge vers la maille de titane, tout en donnant de l’espace pour la croissance tissulaire et la vascularisation.

Le futur de l’impression 3D : les implants régénératifs en reconstruction osseuse

 Contrairement à un implant permanent, un implant régénératif conduit au remplacement temporaire des tissus. Ce type d’implants sert d’« échafaudage »  pour guider et stimuler le processus naturel de régénération des tissus et sera, par la suite, réabsorbé par l’organisme une fois le défaut réparé. Par rapport aux implants permanents, une approche régénératrice a le potentiel de réduire de façon significative les complications causées par l’implantation à long terme de matériaux étrangers dans l’organisme (par exemple les infections ou la maladie du greffon contre l’hôte).

Au-delà d’être biodégradable et biocompatible (c’est-à-dire exempt de toxicité et de réactions inflammatoires), l’implant régénératif idéal doit permettre l’ostéo-induction. En d’autres termes, il doit faciliter activement le recrutement ou l’hébergement de cellules immatures et les inciter à se développer en ostéoblastes matures (cellules tissulaires osseuses), permettant ainsi une reconstruction naturelle.

Certains polymères et matériaux biocéramiques utilisés dans les applications d’impression 3D remplissent les deux premières propriétés (biodégradabilité et biocompatibilité), cependant la question de l’ostéo-induction reste ouverte. En effet, les chirurgiens sont méfiants face au risque de réabsorption du dispositif avant la croissance osseuse réelle. À ce stade, les preuves démontrant l’efficacité de croissance de tissus osseux par la stimulation d’implants biodégradables, restent réduites. Les données publiées se limitent aux études in vitro, et très peu d’expériences avec des modèles animaux vivants ont été documentées, et encore moins avec des sujets humains.  Bien que limitées, ces premières expériences présentent des résultats encourageants. C’est le cas de chercheurs allemands ayant réussi à reconstituer un défaut crânien d’environ 3×3 cm à l’aide d’un implant régénératif imprimé en 3D. Le matériau utilisé était issu d’une combinaison de polycaprolactone (PCL) et de phosphate de tricalcium (TCP).

L’approche régénératrice : quelles sont les prochaines étapes pour l’impression 3D dans la reconstruction osseuse ?

Les technologies d’impression 3D sont déjà utilisées pour la planification préopératoire de reconstruction osseuse et pour la production d’implants permanents dans plusieurs applications orthopédiques et crâniofaciales. Cependant, les limitations des biomatériaux disponibles, notamment leur faible efficacité d’ostéo-induction, ont jusqu’à présent entravé l’évolution de ces technologies vers une approche plus « régénérative ».

Pour faire face à ces obstacles, deux mesures doivent être mises en place. Tout d’abord, l’accélération de la recherche dans le développement de nouveaux biomatériaux ostéo-inducteurs pourraient stimuler la croissance des tissus osseux en libérant des facteurs de croissance. Deuxièmement, le corpus de preuves en faveur de la sécurité et de l’efficacité des matériaux existants doit s’étoffer, grâce à des études contrôlées sur des modèles animaux et des sujets humains.

Bien que les technologies d’impression 3D n’atteignent pas encore leur maturité, elles transforment déjà la façon dont les chirurgiens abordent la reconstruction osseuse. Chez Alcimed, nous sommes convaincus que si ce rythme de développement se maintient, les années à venir seront riches en applications de plus en plus sophistiquées et personnalisées de ces technologies.

A propos des auteurs

David, Consultant dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
Céline, Responsable de Mission dans l’équipe Santé d’Alcimed en France

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