1. Des technologies au service des enjeux de productivité et de naturalité
À la suite de l’intensification de l’agriculture d’après-guerre et l’augmentation croissante de la population, les pratiques agricoles n’ont eu d’autre choix que d’évoluer vers des alternatives plus efficientes. Ces enjeux de productivité sont d’autant plus clés que l’urbanisation croissante grignote du terrain sur les parcelles cultivables.
En parallèle des objectifs de rendements auxquels les producteurs font face depuis longtemps, les exigences écologiques sont de plus en plus prégnantes en agriculture. Les travaux agricoles sont de plus en plus fortement alliés à un besoin de production responsable pour répondre aux demandes sociétales pour du vert et du sain.
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Comment produire plus mais plus naturellement ? C’est l’enjeu auquel les nouvelles technologies s’insérant dans le quotidien des agriculteurs connectés tentent de répondre. Machines autotractées, drones, lunettes connectées, pulvérisateurs intelligents… Les technologies embarquées apparaissent dans les fermes permettant aux exploitants une meilleure connaissance de leurs sols et de leurs cultures. Une variété d’outils leur permet une gestion de précision afin d’améliorer leurs rendements, limiter la gestion d’intrants mais également d’améliorer leurs conditions de travail. Là est l’image des fermes du futur : des exploitation digitalisées et hyper connectées, à la tête desquelles des « e-agriculteurs » gèrent de plus en plus à distance, sans se rendre sur leurs champs.
2. Des possibilités financière et technique encore en questionnement
Toutefois ces technologies de pointe ont un coût, et pas des moindres. L’ajout d’options permettant la gestion de précision (pulvérisateurs intelligents, systèmes d’autoguidages, …) se compte en dizaines de milliers d’euros. Difficile donc, pour les agriculteurs qui peinent à se rémunérer et qui s’endettent déjà sur l’achat de machines « classiques », de s’offrir le luxe de l’agriculture de précision.
Se pose également la question des compétences agricoles. Les agriculteurs sont déjà connectés, ont intégré rapidement les technologies numériques, et sont demandeurs de nouveaux outils plus performants. Les compétences requises glissent cependant de l’agronomie vers l’informatique et entraînent une perte de lien avec la nature. Cette transition vers des « ageekulteurs » déjà observée par la montée des diplômes au sein des métiers de l’exploitation nécessitera un besoin de formation notamment pour le tiers de producteurs français de plus de 55 ans.
3. Qui seront les acteurs clés de cette révolution technologique pour les fermes du futur ?
Mais que peut-on donc espérer pour nos fermes du futur à horizon 2030 ? Il paraît difficile que les exploitants puissent effectuer leur transition technologique sans facilitation de la part des pouvoirs publics, autant d’un point de vue financier que de formation. Avec un peu moins de 440 000 exploitations agricoles en France, lors du dernier décompte de l’Insee en 2016, le passage en fermes 2.0 ne pourra s’imaginer qu’au regard d’un effort d’envergure de la part des pouvoirs publics, à toutes les échelles du territoire, afin de faciliter cette transition pour les agriculteurs. C’est d’ailleurs le défi que s’est lancé la région Grand-Est qui vise à accompagner 100 exploitations par an dans leur transition numérique et écologique. La région prévoit un remaniement des pratiques agricoles via un diagnostic de performances, notamment une évaluation digitale et technologique, indispensable pour un accompagnement vers de nouvelles solutions opérationnelles.
Les acteurs privés ne sont pourtant pas en reste. L’agriculture représente désormais un terrain d’investissement où l’on voit fleurir les financements du secteur privé. Microsoft, notamment, a récemment investi 1,5 million de dollars dans le projet « Grand Farm » qui consiste en l’élaboration d’une ferme futuriste et autonome pour une agriculture raisonnée et plus performante. Neovia, filiale de la coopérative InVivo, a également initié un projet de « ferme du futur » expérimentale visant à créer un réseau de fermes connectées reposant sur le partage de données dans une optique d’innovation collective.
La transition vers la ferme du futur est nécessaire pour la France, qui a vu sa compétitivité attaquée ces dernières années. La ferme du futur est une des clés pour faire face à des modèles productivistes, tels les USA, l’Ukraine ou encore le Brésil, qui rivalisent sur les volumes et sur les prix. Par ailleurs, les concurrents de l’agriculture française ont su se moderniser et atteignent des standards de qualité également compétitifs.
Au-delà des prix et de la qualité, un des axes de différenciation de l’agriculture française touche à l’environnement et au social. Afin de répondre à ces attentes des citoyens, la mise en place de fermes du futur doit apporter des solutions soutenant la transition du modèle agricole français, connecté, performant et écologique. Il reste des enjeux majeurs, que la coordination des acteurs et la mise à disposition de financements significatifs permettront de relever.
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A propos des auteurs
Mathieu, Responsable de Mission dans l’équipe Agri-food d’Alcimed en France
Thomas, Directeur de l’équipe Agri-food d’Alcimed en France