L’industrie lourde, une industrie fortement émettrice
Les procédés utilisés dans l’industrie lourde sont très énergivores, et nécessitent de travailler à très haute température, dépassant parfois les 1000°C. Ainsi, en 2018, l’industrie lourde est responsable de ¾ des émissions de CO2 de l’industrie française, soit environ 15% des émissions nationales[1]. L’industrie lourde doit donc en première ligne réduire ses émissions, pour que les objectifs nationaux soient atteints.
3 solutions pour décarboner l’industrie lourde
Solution n°1 : faire des investissements conséquents pour moderniser les installations industrielles
Mais cette progression nécessaire passe par des investissements lourds, engageant les industriels sur le très long terme, notamment pour remplacer des outils de production devant être alimentés par de nouvelles sources d’énergie décarbonée. Ces investissements ont une répercussion importante sur le coût de production.
Cependant, la plupart des industries lourdes fournissent de produits de commodité et ne peuvent donc répercuter le coût d’une production bas carbone sur leurs clients. L’acier, l’aluminium, le ciment ou même les produits chimiques pour ne citer qu’eux, sont en effet commercialisés sur des marchés mondiaux très compétitifs où le prix est de loin le premier facteur de choix.
Par ailleurs, les installations industrielles ont généralement des durées de vie de plusieurs dizaines d’années, durée sur laquelle l’outil de production doit être amorti et rentabilisé au maximum. Les industries sont donc pour la plupart réticentes à changer d’outil de production avant de les avoir utilisés un certain nombre d’années sur les sites les plus récents.
Solution n°2 : intensifier la R&D pour assurer la maturité des technologies
S’il existe des solutions pour limiter les émissions du scope 1, comme l’amélioration de l’efficacité énergétique, la cogénération, ou le CCUS (Carbon Capture, Utilisation and Storage), elles ne sont pas suffisantes dans l’optique d’une décarbonation totale et à long-terme.
Le déploiement des technologies zéro-émissions demandera encore du temps notamment en raison de leur manque de maturité. Certaines, comme celles visant à électrifier les équipements industriels les plus énergivores (comme les fours), sont encore en cours de développement, et ont des performances à prouver, ce qui rend ces investissements encore trop risqués pour les entreprises, et notamment les entreprises de taille moyenne et intermédiaire.
L’utilisation de l’hydrogène comme comburant (en substitution au gaz) a également le potentiel pour être un bon levier de décarbonation. Toutefois, son développement est limité notamment par le manque d’infrastructure de production et de distribution ainsi que par les défis associés à son stockage (la voie de stockage la plus mature étant le stockage à l’état liquide, ce qui demande une quantité d’énergie considérable)[2].
Ces alternatives nécessitent donc encore du développement technologique pour gagner suffisamment en maturité et être déployables à grande échelle à un prix compétitif. Les grands projets pilotes menés par des industriels leaders comme Verallia dans le secteur du verre, qui mène une expérimentation à grande échelle de fours à verre électriques[3], ou encore ArcellorMittal dans la sidérurgie qui utilise de l’hydrogène dans ses hauts fourneaux[4] devraient permettre d’éprouver ces solutions technologiques et permettre leur plus large adoption.
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Solution n°3 : repenser les processus opérationnels pour décarboner l’ensemble de la chaîne de production
Finalement, certaines difficultés sont aussi inhérentes à des procédés industriels spécifiques, comme par exemple dans l’industrie du ciment. En effet, la production d’un des composants du ciment, le clinker, repose sur la décarbonatation du calcaire, dont le CO2 est un co-produit. Dans l’optique de réduire leurs émissions, les entreprises ne peuvent donc se limiter à l’utilisation d’une énergie décarbonée, mais repenser la composition même du ciment pour réduire les émissions liées au clinker.
Dans l’industrie verrière, il est impossible d’arrêter l’outil de production sans risquer de l’endommager puisque la soude et la chaux, qui sont fondus ensemble à 1500 degrés pour produire du verre, figeraient dans le four verrier. Ce dernier doit donc fonctionner en moyenne 15 ans sans interruption[5]. C’est pourquoi la transition technologique ne pourra se faire qu’au remplacement d’un outil en fin de vie.
Des difficultés opérationnelles viennent donc s’ajouter aux difficultés économiques et technologiques des industriels, ce qui contribue à ralentir leur progression dans la réduction de leurs émissions.
L’industrie lourde fait face à de nombreux challenges pour réduire ses émissions de scope 1, notamment d’ordre technologique, opérationnel ou économique comme la rentabilisation de l’outil industriel, ou la répercussion impossible du coût de production bas carbone sur le produit final. La transition énergétique, nécessaire à la réduction des émissions du scope 1 de l’industrie lourde, devra donc être progressive, et s’appuyer sur les grands groupes porteurs de projets phares ainsi que sur un soutien des pouvoirs publics en France et dans l’Union Européenne.. En effet, les solutions technologiques basées sur l’hydrogène ou l’électrification par exemple, ont besoin de gagner en maturité avant d’envisager leur déploiement, et elles nécessitent beaucoup de ressources. Si vous aussi vous vous posez des questions autour de la décarbonation de vos procédés, n’hésitez pas à contacter notre équipe !
[1] Mathilde. (2021, 20 décembre). Décarboner l’industrie lourde : un défi impossible pour la transition écologique ? – Réseau Action Climat.
[2] Deschamps, J. (2021, 12 juillet). Le stockage, un verrou majeur de la filière hydrogène. Polytechnique Insights.
[3] Monnier, P. (2022, 13 janvier). Verallia devrait passer un four de cognac en 100 % électrique pour 2024.
[4] ArcelorMittal Europe produira de l’acier vert à partir de 2020. (2022, août 8). ArcelorMittal en France.
[5] La quête accomplie d’un four écologique | AGC Glass Europe. (s. d.). AGC Glass Europe. https://www.agc-glass.eu/fr/news/story/la-quete-accomplie-dun-four-ecologique#:~:text=De%20plus%2C%20un%20four%20pour,la%20reconstruction%20d’un%20four.
A propos de l’auteur,
Charles, Consultant au sein de l’équipe Energie et Mobilité d’Alcimed en France