De nouvelles solutions et médicaments offrent des perspectives pour une meilleure gestion du sang et des transfusions sanguines
Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, fait le point sur les enjeux de la transfusion sanguine au niveau mondial et expose les alternatives actuelles et futures pouvant améliorer la gestion du sang dans une approche globale.
Chaque année en Europe, environ 2 millions de personnes sont transfusées pour traiter un état anémique caractérisé par un manque de globules rouges. Conséquence d’un saignement important causé par un accident de la route ou une opération chirurgicale par exemple, l’anémie peut entrainer le décès du patient si elle n’est pas prise en charge correctement. Historiquement, la transfusion sanguine est l’approche thérapeutique majeure pour résorber cet état. Ce procédé médical vise à transfuser au patient, par voie intraveineuse, du sang ou un de ses dérivés tels que les globules rouges, le plasma ou encore les plaquettes.
Le contrôle rigoureux des dons et des effets indésirables ont permis de réduire à un niveau extrêmement faible les risques associés à une transfusion. Cependant, la
transfusion allogénique n’est pas anodine et les donneurs restent trop peu nombreux, ce qui pousse à explorer des solutions alternatives lorsque cela est possible et à
équilibrer le recours aux différentes options selon la situation du patient.
N.B.:
- – Il existe deux types de transfusion sanguine : la transfusion allogénique où le patient reçoit du sang issu d’un donneur volontaire et la transfusion autologue où le donneur et le receveur sont la même personne. Et une alternative : les agents hémostatiques qui permettent un contrôle des saignements en agissant avant, pendant ou après l’acte chirurgical.
- – Principaux effets indésirables connus liés à une
transfusion sanguine allogénique : Allergies, Hémolyse (destruction des globules rouges), Développement d’une maladie auto immune, Risque d’infection (mineur et contrôlé en France), Les risques pour le patient augmentent avec le nombre de transfusions.
Les politiques de gestion du sang
C’est dans cet objectif et pour pallier le manque chronique de sang disponible que l’OMS [1] et ses états membres ont adopté des mesures pour rationaliser le recours aux transfusions allogéniques tout en améliorant la prise en charge des patients. Ces mesures renforcent notamment la gestion de l’anémie et de la coagulation par exemple en diagnostiquant et traitant l’anémie en amont des interventions. La réduction des pertes de sang en développant des pratiques chirurgicales moins invasives a également contribué à éviter la transfusion allogénique dans un certain nombre de cas. Certains pays ont pris les devants pour faire évoluer la gestion du sang de patient. Le Royaume-Uni a mis en place très tôt des groupes de travail (Joint United Kingdom, AAGBI, NIHBT, NICE), investissant dans la rédaction de recommandations pour l’utilisation des produits sanguins etcontribuant à l’amélioration continue des pratiques médicales. L’Australie et sa National Blood Authority facilitent l’application des mesures de gestion du sang de patient au niveau national par l’intermédiaire de la formation du personnel et l’évaluation des hôpitaux. La mise en œuvre de politiques pour rationaliser les transfusions a démontré leur efficacité médicoéconomique. Aux Pays-Bas, la rationalisation des transfusions depuis 2007 a réduit de 26% le nombre de transfusions sanguines non nécessaires [2] . Aux Etats-Unis où le prix d’une poche de globules rouges est de 1 200 $, des études ont montré l’impact de telles pratiques sur les finances de l’hôpital. Dans un hôpital de 500 lits transfusant 4 000 unités de globules rouges par an, de telles pratiques permettent d’économiser plus de 1 000 000 $ par an en réduisant les transfusions de 25%.
Focus sur l’autotransfusion et les agents hémostatiques
Les solutions alternatives et complémentaires à la transfusion allogénique les plus courantes pour une gestion globale du sang sont l’autotransfusion et les agents hémostatiques. Le principe de l’autotransfusion est de récolter le sang du patient avant, pendant ou après l’opération, de le purifier et de le concentrer pour le lui re-transfuser lorsque le chirurgien estime qu’une poche de sang est nécessaire. La seconde solution est de recourir à des molécules de deux sortes avec des actions distinctes sur le patient : stimuler la production de sang ou faciliter la coagulation et en limiter la perte (agents hémostatiques). Ces deux solutions présentent leurs avantages et l’approche choisie dépend à l’heure actuelle du pays, de l’hôpital et surtout du chirurgien et de ses habitudes ou de sa formation. Sur le plan médical, les agents hémostatiques sont très simples à utiliser et plusieurs années de données cliniques montrent la solidité de cette approche. Cependant, cette solution peut provoquer des allergies et est contre-indiquée en cas de maladies thrombo-emboliques artérielles et veineuses (AVC, embolie pulmonaire, etc) et lors d’antécédents de convulsion. La transfusion autologue garantit l’authenticité du sang et l’absence de toxicité et est principalement utilisée en Allemagne et au Royaume-Uni. Cette approche connait actuellement une dynamique favorable avec la levée des contre-indications à son utilisation pour certaines chirurgies. Le RoyaumeUni publie dans de récentes recommandations [3] un avis favorable à l’utilisation de l’autotransfusion pour les chirurgies pédiatriques et liées au cancer. Jusqu’à aujourd’hui, il existait une contre-indication par mesure de précaution car aucune étude médicale valable n’avait évalué le potentiel de cette technologie dans ce contexte.
Sur le plan médico-économique, les agents hémostatiques ont le coût le plus attractif : 200€ contre 320€ pour le sang allogénique [4]. Selon la même source, la transfusion autologue se place en seconde position, à 250€ par intervention. Ce moindre coût représente des sommes non négligeables pour les hôpitaux les plus avancés qui peuvent avoir jusqu’à 5 utilisations par jour des appareils d’auto-transfusion.
N.B.: A la recherche d’innovation pour améliorer les performances des machines actuelles d’autotransfusion, les industriels du secteur développent des appareils aux systèmes de filtration optimisés pour améliorer le service médical rendu au patient. Ces appareils nouvelle génération permettent de récupérer non seulement les globules rouges mais aussi les autres composants du sang que sont les plaquettes et le fibrinogène, qui sont les principaux facteurs impliqués dans la coagulation sanguine.
Quel avenir pour la gestion du sang ?
Ces nouvelles approches viennent compléter les solutions à disposition du corps médical pour traiter les cas d’anémie, mais elles ne peuvent pas remplacer totalement la transfusion allogénique qui demeure la solution la plus appropriée dans un certain nombre de situations. Cependant, elles ont vocation à se développer. La publication de recommandations Européennes (Good Practices in the Field of Blood Transfusion) par le groupe de travail nommé par l’agence CHaFEA [5] est attendue. L’Allemagne espère étendre le recours à l’autotransfusion au niveau national d’ici 5 à 10 ans. Mais malgré des débuts prometteurs, les habitudes des praticiens sont difficiles à changer avec de simples textes. L’innovation nécessite de la formation et de la pratique pour convaincre et être intégrée aux pratiques courantes. L’apprentissage systématique au cours du cursus des étudiants en médecine serait un réel tremplin. Par ailleurs, la démonstration de l’efficacité médico-économique de ces approches aux financeurs – politiques ou direction hospitalière – est également clé pour en faire un nouveau standard de soin permettant de réserver la transfusion allogénique aux cas d’extrême nécessité.
[1] Directive WHA63.12 de 2010
[2] Transfusions qui rétrospectivement n’ont eu aucun bénéfice médical dans le traitement du patient
[3] AAGBI guidelines: the use of blood components and their alternatives 2016
[4] Tomeczkowski et al, Potential cost saving of Epoetin alfa in elective hip or knee surgery due to reduction in blood transfusions and their side effects: a discrete-event simulation model, Plos One (2013)
[5] Consumers, Health and Food Executive Agency
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