Comment organiser la prévention et la lutte contre Zika, Chikungunya et la Dengue ?
Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, fait le point sur les risques associés aux arbovirus au niveau mondial et les stratégies de lutte contre ces virus.
Non ! Les arbovirus ne sont pas transmis par les arbres, mais par les arthropodes et notamment par certains moustiques. C’est une grande famille de plusieurs centaines de virus, dont les membres les plus médiatiquement connus sont : le Chikungunya, responsable en 2006 de plus de 270 000 infections dans les DOM-TOM, dont les symptômes très spectaculaires sont des douleurs articulaires invalidantes et prolongées. Et le Zika, tristement connu au Brésil pour avoir été responsable de milliers de cas de microcéphalie de l’enfant ou du syndrome de Guillain Barré avant les JO de Rio 2016 (au total plus de 1 million de d’infections par le Zika en 2015 au Brésil). Moins connu en Europe, le virus le plus répandu au niveau mondial est celui de la Dengue. On estime que 3.9 milliards de personnes vivent dans une zone à risque et que le virus est responsable de 390 millions d’infections par an provoquant environ 30 000 décès. Souvent asymptomatique, ce virus peut induire une forte fièvre dans les cas les moins dramatiques, voire des fièvres hémorragiques mortelles pour les formes les
plus graves. De nombreux autres arbovirus peuvent être mortels, comme la fièvre jaune, s’ils ne sont pas pris en charge rapidement et correctement. Actuellement, ces virus sont particulièrement présents en Asie du sud-est, Amérique latine et Afrique. Cependant, les vecteurs qui les transportent sont susceptibles de survivre et s’implanter dans d’autres territoires, notamment avec des climats tempérés, ce qui en fait une menace potentielle surveillée de près en Europe.
N.B.: Les Arthropodes du grec arthon «articulation » et podos « pied », sont des animaux caractérisés par un squelette externe (exosquelette) communément appelé carapace, et fait de chitine. Cet embranchement regroupe notamment les insectes, les crustacées et les arachnides. Ceux qui transportent et transmettent des maladies sont appelés vecteurs. Les plus connus pour l’homme sont des moustiques Aedes aegypt, Aedes albopictus, Culex pipiens ainsi que la tique. Le mot arbovirus vient de la contraction de l’expression anglaise « arthropod-born virus ».
Prévention, diagnostic et traitement : un défi complexe.
Pour lutter contre ces virus, les pays s’arment et adoptent des stratégies personnalisées basées à la fois sur l’ampleur et la fréquence des épidémies qui les touchent, les ressources économiques que le système de santé peut allouer et les moyens technologiques dont ils disposent pour le diagnostic. En France Métropolitaine, moins d’une centaine de cas par an sont déclarés, dont la quasi-totalité sont des cas importés de voyageurs ayant visité des pays endémiques. Afin de contrer une potentielle installation du virus dans nos territoires, des moyens drastiques sont mis en place : diagnostic biologique doublé (PCR + sérologie systématiquement prescrites), déclaration obligatoire à l’ECDC [1], éradication des moustiques dans la zone d’habitation des patients, suivi approfondi du patient et médiatisation pour informer la population. Dans les DOM-TOM, où la population est plus alerte, informée et éduquée pour faire face à la saisonnalité de ces virus, le diagnostic peut être fait sur simple examen clinique durant une épidémie. A Singapour, pays endémique aux ressources élevées, le gouvernement a décidé que tous les cas suspects devront être testés que l’on soit ou non en période épidémique. A contrario au Brésil, zone endémique aux moyens plus modestes, on observe des difficultés et disparités dans la prise en charge des patients en fonction des revenus et de la localisation. Même si, pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins, le gouvernement a mis en place un remboursement systématique des tests de diagnostic pour ces virus, le diagnostic et le recensement des cas restent peu efficaces dans la lutte contre la propagation du virus. Par ailleurs, il faut savoir qu’aucun traitement curatif des arboviroses n’existe, seul le traitement des symptômes est proposé : lutte contre la fièvre, la déshydratation, la douleur… La difficulté chronique à lutter contre ces infections à l’échelle planétaire montre qu’il existe un enjeu mondial dans la gestion des épidémies. Les virus émergeant subitement tels que le Zika ou le Chikungunya ont montré le danger lié à la propagation soudaine de nouveaux arbovirus, qui pourrait se produire de nouveau dans les années à venir. Le nombre de cas de Zika et de Chikungunya sont spontanément en réduction, notamment car la population touchée est désormais immunisée à vie, mais il ne faut pas sous-estimer le danger qu’ils peuvent représenter dans le futur. La dengue, dont il existe plusieurs souches, montre année après année combien il est difficile de lutter contre les arbovirus.
N.B.:
- – Le diagnostic biologique est basé sur l’emploi de technologies complémentaires : la biologie moléculaire (PCR ou test rapide) pour la détection du virus dans les 7 premiers jours de l’infection et/ou la sérologie pour la détection des anticorps après 7 jours d’apparition des symptômes.
- – La lutte contre les arbovirus est un combat sur lequel de nombreux experts travaillent. Les approches modernes cherchent à combiner plusieurs outils : lutte contre la prolifération des vecteurs (pesticide, destruction des zones de ponte, …), protection des populations (vaccin, protection physique ou répulsif pour éviter les piqûres, …).
Le moustique vecteur au cœur de la lutte
Ce constat sur les difficultés de gestion des épidémies, a amené de nombreux groupes de recherche à tenter de développer des approches originales de contrôle des moustiques. En effet, le point commun à la grande majorité des arbovirus pouvant infecter l’homme, c’est son vecteur de transmission : le moustique. L’éliminer est une voie pour éradiquer les infections. Ainsi il est apparu évident qu’observer, comprendre et contrôler la reproduction du moustique réduira les risques d’infection à l’échelle mondiale. A Singapour, un programme de surveillance de la reproduction et de la localisation des moustiques a permis de réduire de 30% le nombre d’infections par la Dengue dans le pays. Ce système est basé sur des alertes SMS et mail au niveau national, indiquant les quartiers/rues à éviter avant une intervention des services de démoustication. Une stratégie malheureusement difficilement transposable à de grands pays comme le Brésil, le Mexique ou même la France. Ainsi en Nouvelle Calédonie, une équipe a lancé un programme nommé « Eliminate Dengue [2]». Le principe : produire des moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia, naturellement présente chez 60% des insectes, et ayant la capacité d’empêcher les moustiques de transmettre des virus. Ces moustiques transmettront leur incapacité à transmettre les virus à leur descendance. Le premier lâcher de moustiques « anti arbovirus » va avoir lieu dans un quartier de Nouméa en ce début d’année 2018. Là où les anti-moustiques et répulsifs classiques montrent leurs limites, une équipe de chercheurs vient d’identifier de nouvelles molécules, issues de la plante Cinnamosma fragrans, ayant un effet répulsif, anti-appétent et toxique pour Aedes aegypti, principal vecteur de la Dengue, du Zika, du Chinkungunya et de la Fièvre Jaune. D’autres stratégies sont en cours d’étude comme comprendre les “discussions “ du moustique mâle avec les femelles, stériliser les “tigres“ mâles en les bombardant de rayons gamma ou rayons X ou encore en diffusant des phéromones pour troubler la phase de reproduction. Toutes ces nouvelles approches combinées ouvrent l’espoir d’un meilleur contrôle mondial contre les infections aux arbovirus actuels mais aussi futurs. Cependant, les spécialistes pensent qu’il faudra y associer d’autres approches complémentaires, telles que la vaccination, et éduquer largement les populations à lutter et se protéger contre les vecteurs, pour espérer réduire un jour drastiquement ces maladies voire les éradiquer. Une chose est sûre, les piqûres de moustiques ne sont pas des bobos anodins, et le réchauffement climatique ainsi que l’accroissement des mouvements de populations pourraient à court terme multiplier les situations à risque. Restons vigilants !
[1] ECDC – European Centre for Disease Prevention and Control
[2] http://Eliminatedengue.com
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