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VIH & SIDA : 40 ans après, où en sommes-nous ?
Alcimed fait le point sur les différentes stratégies potentielles pour une solution durable encore attendue contre le VIH : ARV, prévention, vaccin contre le VIH.
Depuis la mise à disposition du premier médicament homologué, l’azidothymidine (AZT), la prise en charge des personnes souffrant du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a subi une véritable transformation. De nombreuses innovations ont permis de faire considérablement progresser la prise en charge et d’alléger le fardeau des patients séropositifs au VIH. On peut notamment penser à la simplification des traitements oraux (avec le regroupement d’antirétroviraux sous 1 seul comprimé), à l’allègement des traitements (de la bithérapie à la trithérapie), ou encore à l’apparition de nouvelles formes galéniques. Par exemple, depuis fin 2021, une bithérapie antirétrovirale injectable à libération prolongée est disponible sur le marché en France. Ce traitement injectable LA illustre comment un changement de galénique peut modifier en profondeur le parcours de soin des patients séropositifs au VIH.
Ce type de nouvelle thérapie injectable LA se base sur la combinaison d’antirétroviraux connus et utilisés dans les traitements oraux actuels sous forme de comprimés. Par une modification de leur forme galénique, ces combinaisons de molécules sont aujourd’hui administrables par voie intramusculaire et agissent en mode d’action prolongé, permettant une délivrance continue du médicament pendant deux mois. Divers essais cliniques ont permis de démontrer que le passage à la solution injectable est tout aussi efficace que la trithérapie quotidienne.
Pour l’instant, la seule association injectable LA disponible en France est celle entre le cabotégravir (un inhibiteur de l’intégrase) et la rilpivirine (un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse), mais d’autres associations pourraient voir le jour. Par exemple, le lénacapavir, un inhibiteur de capside, offre des résultats prometteurs et est actuellement testé sous forme d’injection sous-cutanée, une fois tous les six mois.
Même si elle a été simplifiée par les traitements « tout-en-un » type « Single-Tablet Treatment Regimen » (STR), la prise orale quotidienne d’un comprimé peut être perçue comme contraignante. En effet, les traitements antirétroviraux oraux nécessitent une observance stricte, avec prise quotidienne d’un ou plusieurs comprimés à heure fixe. Pour ces patients, la baisse de l’observance peut entraîner des répercussions rapides sur la santé, notamment dans le cas de certaines classes thérapeutiques comme les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse.
Les thérapies injectables LA apporteraient donc une nouvelle solution aux patients pour gagner en observance (injections moins contraignantes que la prise quotidienne de comprimés). Ces avantages sont particulièrement intéressants dans le cas de patients « voyageurs », la thérapie injectable LA leur permettant de limiter le risque d’oubli ou encore de voyager sans se soucier de manquer de comprimés.
L’acceptation de la maladie peut également être un enjeu pour les personnes séropositives au VIH. Celles-ci doivent apprendre à vivre avec le virus et peuvent traverser un parcours émotionnel difficile, en parallèle de leur prise en charge. Or la prise orale quotidienne d’un comprimé peut être un rappel permanent du statut de séropositif et être source de souffrance.
La prise de comprimés en présence de tierces personnes peut également faire craindre au patient la divulgation de leur statut, une stigmatisation liée au virus et ajouter de l’anxiété et du stress. Pour ces patients, un espacement des prises de traitement permet alors de gagner en confort de vie et en sérénité.
Tous les patients ne sont cependant pas éligibles au LA injectable. En effet, ce type d’association n’est pour l’instant préconisé que chez les patients stabilisés : l’association injectable n’est donc pas indiquée en première intention chez les patients séropositifs au VIH nouvellement diagnostiqués, ceux-ci étant orientés préférentiellement vers les thérapies orales.
Un autre paramètre d’éligibilité concerne le suivi du patient. Le passage en traitement injectable LA sous-entend un suivi plus espacé du patient, et donc un plus grand risque de perte de vue de ce dernier. Cet espacement peut constituer un frein pour le médecin, qui peut craindre que certains patients ne se présentent pas au rendez-vous suivant.
Dans le cas de la bithérapie LA injectable déjà commercialisée en France, les injections des deux antirétroviraux sont réalisées à l’hôpital pendant les trois premiers mois de traitement, à raison d’une injection par mois. A l’issue de cette période, les injections sont bimensuelles et le suivi peut se faire en ville : le patient doit alors retirer son traitement en pharmacie d’officine et recevoir l’injection via une infirmière agréée.
On peut imaginer que cette prise en charge, associant ville et hôpital, constitue un nouveau standard pour les patients sous traitement injectable LA. Or ce parcours peut être perçu comme complexe et contraignant, notamment lors des déplacements à l’hôpital, de l’impossibilité pour les patients de s’administrer eux-mêmes le traitement et de devoir avoir recours à une infirmière agréée.
Cette nouvelle forme galénique pourrait également être étendue à d’autres stratégies thérapeutiques, comme par exemple la prophylaxie préexposition (PrEP). Autorisée depuis 2016 en France , la PrEP consiste à utiliser la prévention comme traitement, en permettant aux personnes séronégatives présentant un risque élevé de contracter le VIH de prendre un traitement antirétroviral préventif afin de bloquer la transmission du virus. La seule association autorisée dans ce cadre comprend deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse : l’emtricitabine et le ténofovir disoproxil. Le traitement est disponible sous forme de comprimés oraux.
Depuis décembre 2021, la Food and Drug Administration (FDA) est la première agence nationale autorisant la PrEP en injection comme alternative au comprimé. Le traitement consiste en une suspension injectable à libération prolongée à base de cabotégravir.
Quarante ans après la découverte du VIH, on voit donc bien que les enjeux du parcours de soins se rapprochent de ceux de pathologies chroniques : observance, qualité de vie, lien ville-hôpital, etc. L’apparition de nouvelles formulations permet (sans dégradation des indicateurs cliniques) de proposer de nouvelles modalités de prise en charge, pour améliorer la qualité de vie des patients. Les dernières avancées soulèvent une nouvelle fois les enjeux associés à l’organisation du parcours de soins (synergies avec les infirmiers, compréhension des enjeux de la maladie par le patient, le suivi « loin du spécialiste », etc.), jusqu’à l’apparition de nouvelles avancées dans le cadre de la recherche sur le VIH/SIDA (par exemple les récents essais cliniques avec un vaccin à ARN messager, qui visent à enfin pouvoir proposer une solution curative).
A propos de l’auteur,
Hervé, Consultant au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France
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