Santé

L’accès aux tests innovants en oncologie : le chemin critique vers les thérapies ciblées

Publié le 04 mars 2020 Lecture 25 min

Le développement des thérapies ciblées offre un nouvel espoir aux patients atteints de cancer. Les analyses des biomarqueurs conditionnant l’usage de chaque thérapie doivent être accessibles pour permettre d’identifier les patients éligibles. Or, du fait de la relative nouveauté de ce type de tests, beaucoup de questions demeurent quant à leur usage dans l’organisation des soins. Alcimed a enquêté sur la façon dont s’organise aujourd’hui l’utilisation des tests innovants en oncologie en France et comment les industriels pharmaceutiques peuvent contribuer à fluidifier le dépistage des patients qui pourraient bénéficier de leurs traitements.

L’évaluation des tests « compagnons » dissociée de l’évaluation du produit pour les industriels pharmaceutiques

Lors de la mise sur le marché d’un nouveau produit, le test conditionnant l’accès au produit doit être évalué au même titre que le produit lui-même. En France, les méthodes d’analyses sont proposées exclusivement par les professionnels de santé, via les sociétés savantes. Un mécanisme dédié, sur le même concept que l’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) et le forfait innovation, permet de financer ces tests hors nomenclature en attendant leur évaluation par la Haute Autorité de Santé (HAS).

Les industriels français peuvent donc compter sur un réseau d’expertise national public pour réaliser les tests innovants en oncologie. En effet, via les plans Cancer et l’Institut National du Cancer (INCa), l’Etat français a investi dans le développement de plateformes dotées des ressources nécessaires pour s’équiper des toutes dernières technologies. De plus, la législation a renforcé les exigences en termes de contrôle qualité. Toutefois, les laboratoires pharmaceutiques n’ont que peu de visibilité sur la mise au point, la disponibilité et l’évaluation d’un test en particulier.

Un accès à l’expertise large mais inégal selon les lieux de prise en charge des patients

Le système français permet donc l’accès à des tests de qualité et innovants, mais pose la question de l’attribution du financement des tests ainsi que de la répartition des expertises.

En ce qui concerne le financement, la première difficulté vient de l’enveloppe dédiée aux tests innovants. D’un montant de 380 millions d’euros, elle est restée fixe depuis 4 ans malgré une augmentation significative du nombre de tests innovants, notamment lié au développement des thérapies ciblées, ce qui pousse les laboratoires d’analyse à prioriser leurs efforts, en restreignant l’accès au test à certains patients. De plus, les laboratoires minimisent leurs coûts en rassemblant le maximum d’échantillons pour une analyse, entraînant des temps d’attente assez longs. Mais surtout, les établissements de santé n’ont pas de visibilité sur la répartition de l’enveloppe. En particulier, les tests hors nomenclature sont pris en charge rétroactivement, ce qui oblige les établissements à avancer les montants sans savoir quelle part sera remboursée. Pour éviter cette complexité, les patients pris en charge dans un établissement privé, par exemple, sont parfois réorientés vers de grands centres publics pour la prescription des tests, entraînant des consultations redondantes.

D’autre part, le réseau d’expertise, permettant un bon maillage du territoire s’appuyant principalement sur les Centres Hospitaliers Universitaires, n’est pas suffisamment précis pour identifier les expertises spécifiques de chaque établissement. Pour certains tests particuliers, qui doivent être pratiqués régulièrement pour monter en compétence, la disponibilité de l’expertise est mal identifiée au niveau national. Selon les régions, communication et chaines logistiques peuvent être parfaitement en place ou bien totalement absentes.

Le rôle des laboratoires pharmaceutiques : relayer et soutenir les professionnels de santé dans l’accès aux tests innovants en oncologie

Dans ce contexte, les laboratoires pharmaceutiques peuvent contribuer à la fluidité du parcours de soin en lien avec un produit spécifique. Généralement, les professionnels de santé attendent d’eux qu’ils les soutiennent sur deux aspects : relayer les informations sur le terrain et mettre en contact les centres périphériques avec les centres experts.

En effet, les médecins peuvent profiter de la couverture du territoire des industriels pharmaceutiques pour diffuser les données scientifiques, les recommandations officielles et la parole des experts. Les industriels pharmaceutiques sont aussi présents physiquement sur le terrain pour promouvoir le bon usage des produits et faciliter la prise en charge des patients. En organisant des réunions entre les professionnels de santé, ils facilitent les échanges au niveau local et régional, et peuvent contribuer au-delà des produits, en soutenant des projets d’organisation du parcours de soin au cas par cas. Pour cela, les laboratoires pharmaceutiques doivent d’abord comprendre les barrières spécifiques liées à la prescription et à la réalisation du test compagnon de leur produit, notamment déterminer le rôle des parties prenantes, l’existence de centres experts et leurs manques éventuels pour prendre en charge les patients.

Au-delà du dépistage pour l’accès à un traitement, ces tests innovants servent également à comprendre, évaluer la dangerosité et suivre la progression de la maladie des patients et sera un prérequis à l’avènement de la médecine personnalisée. Sur cette thématique globale, les laboratoires pourraient utiliser leurs ressources de façon transverse et concertée et ainsi véritablement contribuer à améliorer la prise en charge globale du patient et garantir l’accès au meilleur traitement au meilleur moment.

A propos des auteurs

Claire, Consultante Senior, Alcimed Paris Santé
Maryia, Responsable de Mission, Alcimed Paris Santé

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