Mythe #1: Toutes les thérapies numériques (DTx) se ressemblent
À mesure que les DTx évoluent, la distinction avec de nombreuses applications de bien-être existantes sur le marché devient de plus en plus claire. Essentiellement, la distinction réside dans l’existence de preuves cliniques pour ces DTx. Cependant, il serait trop simpliste de penser que les DTx sont homogènes. En effet, le marché des thérapies numériques se polarise de plus en plus entre les solutions visant à l’optimisation de la prise en charge des patients, parfois considérée comme assistants numériques, et celles qui produisent des effets physiologiques et/ou cliniques tangibles et peuvent ainsi être qualifiées de DTx pures. Chacun de ces groupes a ses spécificités et ses opportunités.
À une extrémité de ce spectre, de nombreuses solutions destinées à la prévention et à la gestion des maladies chroniques, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, cherchent à démontrer l’amélioration de la qualité de vie ou la réduction des coûts de santé associés.
La validation clinique de ce type de DTx peut être considérée comme assez simple (en particulier par rapport à celle d’un médicament) et est généralement basée sur un ou deux critères de jugement simples. Par exemple, Omada Health, un développeur américain de programmes d’intervention sur le mode de vie pour la prévention et le traitement des affections chroniques, met l’accent sur les études examinées par des pairs démontrant comment leur programme numérique de conseil comportemental pour la perte de poids réduit le risque de diabète, d’AVC et cardiopathie.
Très souvent, les développeurs de ces solutions visent à obtenir le remboursement des payeurs privés. Ainsi, Livongo, un autre développeur américain d’une plate-forme numérique pour les patients atteints de maladies chroniques, a des partenariats avec 4 grands plans nationaux de santé et des systèmes de santé innovants.
Il est important de mentionner que l’apparente simplicité de ce marché le transforme progressivement en un océan rouge avec une concurrence féroce et des coûts d’acquisition de clients très élevés, parfois proches de plusieurs centaines de dollars.
D’un autre côté, les DTx purs entrent dans les essais cliniques pour prouver leur validité clinique, nécessaire pour obtenir l’approbation des autorités de réglementation des soins de santé et demander un remboursement.
Ces essais cliniques tendent à être plus proches de la nature des essais traditionnels pour les médicaments et visent des critères de jugement très spécifiques. Ainsi, Oncomfort, développeur belge d’une solution d’hypnose basée sur la réalité virtuelle pour soulager la douleur et l’anxiété, sponsorise une étude clinique pour comparer l’effet des stimuli douloureux avec et sans leur solution en suivant les changements physiologiques et neurophysiologiques enregistrés par les capteurs et les récepteurs. Un autre exemple récent de succès est Somryst, un traitement numérique sur ordonnance pour les patients souffrant d’insomnie chronique développé par Pear Therapeutics et autorisé de façon traditionnelle par la FDA suivant les règles des dispositifs médicaux en 2020. Il a été cliniquement prouvé que les interventions neuro-comportementales adaptées à Somryst diminuaient la gravité de l’insomnie, ainsi que dans la latence avant le sommeil et le réveil après celui-ci.
L’inconvénient de viser une preuve solide clinique pour le remboursement est la nécessité pour les acteurs des thérapies numériques de suivre des procédures lourdes, d’engager des discussions scientifiques et médicales de haut niveau sur le choix des critères de jugements, de négocier avec les régulateurs et les payeurs, etc.
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Mythe #2: Toutes les DTx sont des solutions autonomes en concurrence avec les médicaments
Les thérapies numériques peuvent sembler être positionnées comme une alternative aux solutions pharmacologiques conventionnelles. Cependant, à l’exception de rares exemples comme Oncomfort, les DTx ne sont pas conçues pour remplacer les traitements pharmacologiques mais plutôt pour agir avant eux (par exemple pour la prévention des maladies) ou pour les compléter et les améliorer. Ainsi, une variété de solutions de DTx sont destinées à améliorer l’observance des patients au traitement grâce à des interventions digitales. Quant aux thérapies numériques visant à améliorer les critères de jugements spécifiques des patients, ils sont également souvent utilisés en association avec des médicaments. Par exemple, Akili, une autre société de médecine numérique basée aux États-Unis, parraine une étude clinique pour démontrer l’impact de leur logiciel en association avec un médicament stimulant chez les patients souffrant de trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention en suivant le changement de la déficience globale selon l’échelle d’évaluation des déficiences.
Dans cette optique, l’un des dilemmes du modèle commercial pour les DTx est le choix de les regrouper avec des médicaments spécifiques offrant ainsi une solution complète centrée sur le patient, ou de les commercialiser en tant que produit autonome capable d’améliorer les résultats des patients en combinaison avec divers traitements pharmacologiques.
Mythe #3: Les DTx sont la chasse gardée des entreprises Techs
En effet, la création de DTx nécessite des compétences numériques de premier plan et une agilité nécessaire pour développer de manière itérative des solutions ergonomiques, caractéristiques qui sont plus fréquentes dans les startups du numérique que dans les sociétés pharmaceutiques classiques. Cependant, les sociétés spécialisées dans les DTx collaborent fréquemment avec les acteurs pharmaceutiques pour bénéficier de leur expertise en recherche, de leur grande expérience dans les procédures de mise sur le marché et de remboursement, de la compréhension des payeurs et des pratiques cliniques.
Les avantages d’une telle symbiose devraient être fréquemment réévalués pour décider de poursuivre ou non la collaboration, comme l’illustre l’histoire du partenariat entre Novartis et Pear Therapeutics, un développeur de DTx sur prescription mentionné plus tôt. Depuis 2018, les deux sociétés développent conjointement des solutions DTx pour le traitement de la schizophrénie et de la sclérose en plaques. Bien que cette collaboration semble toujours en cours, fin 2019, Sandoz (filiale de Novartis) est sortie de la co-promotion prévue de reSET, une DTx sur prescription pour le traitement de toxicomanie.
Si les développeurs de DTx et les sociétés pharmaceutiques bénéficient d’un ensemble de compétences complémentaires, ils peuvent également trouver des synergies en créant un espace de données de patients plus connecté. Un bon exemple est le partenariat entre Roche et mySugr, l’une des plateformes numériques de diabète les plus populaires au monde. Le glucomètre connecté de Roche Accu-Chek est accompagné d’une application de gestion du diabète approuvée par la FDA, Accu-Check Connect, qui permet aux patients de suivre leur glycémie et qui est synchronisée avec la plateforme de gestion du diabète mySugr.
Pour conclure, la question pour les sociétés pharmaceutiques est depuis longtemps passée de « l’opportunité ou non de s’engager dans les DTx » à « comment réussir dans l’environnement où les DTx continueront à faire partie intégrante des programmes de traitement ». Dans ce contexte, les sociétés pharmaceutiques devront trouver la proposition de valeur la plus pertinente pour les DTx à développer, choisir comment les intégrer dans le portefeuille de médicaments existant (en combinaison ou de manière autonome), et sélectionner le bon partenaire pour continuer.
A propos des auteurs
Benjamin, Grand Explorateur Santé Digitale dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
Luc, Associé et Responsable de Business Unit dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
Amélie, Responsable de l’activité Data dans l’équipe Santé d’Alcimed en France