Télémédecine : ses objectifs et enjeux
La télémédecine adresse deux objectifs principaux. Le premier, porté par la téléconsultation et la télé-expertise, vise à permettre aux personnes isolées, d’avoir accès à une consultation classique ou de bénéficier de l’avis d’un spécialiste. Le second, porté particulièrement par la télésurveillance, vise à améliorer le parcours de soin, et à désengorger les hôpitaux en permettant de détecter en amont les signes cliniques synonymes d’hospitalisation ou de ré-hospitalisation.
Pour que les différents actes de télémédecine soient réalisés dans des conditions correctes de sécurité pour le patient, l’enjeu fondamental est l’accès à un débit de communication minimum. Le besoin en débit varie en fonction de l’acte pratiqué, et peut aller de 0,5Mb/s pour une téléconsultation de routine ou une télésurveillance, à plusieurs Mb/s en cas d’analyse d’image scanner ou d’urgence vitale (télé-expertise).
Une inadéquation entre débit nécessaire et solution de télécommunication terrestre
Lorsque l’on compare les cartographies de la France des déserts médicaux et des déserts numériques, on s’aperçoit qu’elles se superposent. Les populations les plus en manque d’accès aux soins sont également les plus démunies en termes de télécommunication. Ainsi, la réalisation d’un des objectifs de la télémédecine est mise en difficulté par une couverture réseau défaillante.
De plus, au-delà de ces zones blanches, d’autres zones peuvent présenter des problèmes de débit ou de réseau (zones dites grises). Les actes les plus exigeants en débit, tels que l’envoi d’images médicales au format DICOM par exemple, peuvent poser un problème, soit parce que le débit est trop faible, soit parce qu’il est peu fiable (un seul opérateur, coupures fréquentes…).
Dans les zones grises, certains actes de télé-expertise qui engagent un pronostic vital, seront difficilement réalisables s’ils impliquent une réponse rapide (ex : besoin de réponse dans l’heure) du spécialiste.
Le déploiement de moyens de télécommunication terrestre tels que la 4G et a fortiori la 5G (qui demande une densité de bornes encore plus importante), bien adaptés aux zones urbaines, n’est pas une solution techniquement viable en zones isolées. Quant à la fibre, le coût et le temps d’acheminement d’un tel dispositif dans les zones blanches ne laisse pas entrevoir à court terme de déploiement possible.
Les télécommunications spatiales : une solution possible mais trop peu mise en œuvre
Les télécommunications satellitaires présentent l’avantage d’apporter du débit rapidement là où les moyens de communication terrestres sont absents ou défaillants. Cependant, mis à part quelques projets démonstrateurs principalement en outre-mer (téléconsultation grâce à des antennes satellitaires en Guyane, télésurveillance de patients diabétiques à la Réunion…) les solutions spatiales sont insuffisamment prises en compte par les acteurs de la télémédecine.
En effet, le modèle commercial proposé par les principaux fournisseurs de télécom satellite reste flou. Les offres permettant un accès à du débit illimité, sur le modèle des boxes Internet, sont peu présentes ou à un prix non acceptable. Des offres abordables (environ 30€ par mois) existent mais limitent le débit disponible (faible sur de longues périodes ou fort sur de courts laps de temps), sur le modèle des modems des années 90.
Par ailleurs, les solutions spatiales ont l’image de solutions complexes à mettre en œuvre notamment pour capter le signal. Cette image est en partie fausse car il existe des systèmes entièrement automatisés, recherchant automatiquement le signal. Ces solutions sont cependant plus chères (environ 10 000€ l’antenne) que des solutions de recherche manuelle, plus complexes. Si des clients institutionnels (mairies, collectivités locales, voire EHPAD) pourraient supporter le coût financier et/ou technique, il est cependant peu probable que des individus, isolés, en situation de faiblesse le soient.
Les télécommunications spatiales sont donc sous-utilisées pour les actes de télémédecine, du fait de la méconnaissance réciproque des usages et des besoins du monde médical (soignants, mais également fournisseurs de matériel médical permettant la télémédecine), et des potentialités offertes par les solutions proposées par les acteurs du spatial. L’offre de communication a donc besoin d’être à la fois diffusée mais aussi probablement de gagner en maturité pour s’adapter aux usages.
Des acteurs comme le CNES (Centre national d’études spatiales) ou le MEDES (institut de médecine et de physiologie spatiale) ont une vision large des besoins de ces deux mondes et peuvent jouer un rôle fort dans leur mise en relation. Des syndicats professionnels comme le SNITEM (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales) sont des acteurs clés à mobiliser. Il existe d’ores et déjà des événements annuels dédiés sur lesquels s’appuyer et dont il faut renforcer la visibilité pour favoriser les échanges et diffuser les pratiques : colloque des TIC santé, regroupant les industriels de la santé digitale ; les universités des déserts numériques et médicaux, ayant pour objectif de sensibiliser les décideurs locaux et les entreprises du médical aux problématiques de connectique ; ou encore les Journées Internationales de la Médecine Aéronautique et Spatiale (JIMAS), coorganisées par le CNES et le Service de Santé des Armées.
Télémédecine et télécommunications spatiales ont tout intérêt à se rencontrer pour permettre la levée de ce verrou majeur au développement de la télémédecine qu’est l’accès au réseau de communication. Par ailleurs, dans un contexte de confinement lié à l’épidémie de COVID-19, où le besoin de mise en relation soignant-patient à distance se fait urgent, les solutions spatiales peuvent être une solution, au moins temporaire, au manque de débit terrestre. Alcimed relève le manque de connaissance de ces solutions de communication pourtant prometteuses et note qu’une mise en adéquation des offres de télécom satellites avec les besoins en débit des acteurs de la santé permettrait un meilleur accès aux soins pour tous.
A propos de l’auteur
Alexandre, Directeur de Business Unit dans l’équipe Aéronautique Spatial Défense d’Alcimed en France