Que sont les maladies rares ?
Si les termes « rares » ou « orphelines » renvoient au petit nombre de patients atteints, la toute première chose à savoir est qu’elles ne sont pas si rares. Il y a en effet :
- 7000 à 8000 maladies différentes
- plus de 3 millions de patients en France, plus de 30 millions en Europe et plus 300 millions dans le monde
Ce sont donc 300 millions de personnes qui luttent contre un accès inéquitable au diagnostic, au traitement et aux opportunités sociales.
En Europe, une maladie est considérée comme rare lorsqu’elle affecte moins d’une personne sur deux mille. Les maladies sont très diverses, qu’il s’agisse de leur origine – bien que 72 % d’entre elles soient d’origine génétique d’autres causes existent (infectieuses, environnementales, auto-immunes, cancers, etc.) – des symptômes provoqués ou de leur gravité. Néanmoins, les patients rencontrent des difficultés similaires sur leur chemin : le manque de connaissances scientifiques, l’errance diagnostique, les erreurs de diagnostic et l’isolement, pour n’en citer que quelques-unes. Dans ce contexte, les patients, leurs familles et les associations se sont retroussé les manches pour former un front uni afin de faire face à la situation.
Le jour le plus rare de l’année
Le 29 février 2020, jour le plus rare du calendrier, le monde a célébré la 13ème Journée des Maladies Rares. Cet événement international est organisé par EURORDIS, une alliance européenne à but non lucratif qui regroupe 894 associations de patients atteints de maladies rares de 72 pays différents.
Les trois messages clés de cette année sont les suivants :
- « Être rare, c’est être nombreux »
- « Être rare, c’est être forts »
- « Être rare, c’est être fiers »
Ce qu’il faut comprendre, c’est que non seulement les maladies rares sont nombreuses, mais qu’elles sont également répandues dans le monde entier. Les distances qui séparent les patients, des uns des autres et des spécialistes compétents limitent considérablement la qualité des soins. Néanmoins, « la communauté maladies rares est connectée par-delà les frontières et les maladies pour sensibiliser à sa cause et plaider pour des conditions plus équitables. » et c’est cette unité et cette autonomisation qui font leur force.
S’unir autour des patients
Il n’y a probablement pas de meilleur exemple que les maladies rares en ce qui concerne l’autonomisation des patients. Le Forum Européen des Patients définit l’autonomisation des patients comme un « processus qui aide les personnes à prendre le contrôle de leur propre vie et qui accroît leur capacité à agir sur des questions qu’elles définissent comme importantes ». Les patients souffrant de maladies orphelines n’ont pas attendu qu’on leur donne ce pouvoir, ils l’ont pris il y a plusieurs années constatant que les problématiques des maladies étaient insuffisamment traités.
Pour comprendre comment cela s’est fait en France, nous avons eu l’occasion de discuter avec Mme Nathalie TRICLIN-CONSEIL, présidente d’Alliance Maladies Rares, un collectif de 230 associations de malades qui représente la voix des 3 millions de malades français.
Selon elle, « en France, tout a commencé dans les années 90 » avec le Téléthon de l’Association Française Contre les Myopathies (AFM). L’AFM a reproduit un concept américain, collecter des fonds destinés à financer la recherche via une émission télévisée caritative de 24 heures. Contre toute attente, lors de la première édition de 1987, les dons ont dépassé les 30 millions d’euros. Le pic a été atteint en 2006 avec près de 107 millions d’euros, ce qui place le Téléthon parmi les plus grands événements caritatifs du monde. Le Téléthon a ouvert la voie et « aujourd’hui, de nombreuses autres associations de malades ne se contentent pas de lutter pour la sensibilisation aux maladies mais financent également des projets et la recherche », souligne Mme TRICLIN-CONSEIL.
Aujourd’hui, la France dispose d’une plateforme unique sur les maladies rares, créée en 2001 et regroupant 6 acteurs : Orphanet, Maladies Rares Info-Service, Alliances Maladies Rares, GIS-Institut maladies rares, Eurordis et AFM-Téléthon. L’objectif est de favoriser les collaborations et d’aller au-delà de ce qui pourrait être réalisé séparément.
Alliance Maladies Rares a récemment lancé un programme d’expérimentation de soutien aux patients pour accélérer l’essor de nouvelles professions. Destiné aux patients isolés, en rupture de parcours, le projet « Compagnons des Maladies Rares », a pour objectif de les aider à avoir confiance en eux et de leur « réapprendre à faire ». Ce programme sera testé (article 92 – Accompagnement à l’autonomie en Santé) jusqu’en 2021.
Il est parfois avancé que l’argent alloué aux maladies rares pourrait être plus utile pour la recherche sur les « maladies communes », mais comme nous l’a expliqué Mme TRICLIN-CONSEIL : « tous les efforts de recherche sur les maladies rares sont bénéfiques pour la science (la compréhension du génome par le séquençage) et les connaissances acquises permettent d’accélérer la recherche dans d’autres domaines ». Par exemple, les avancées scientifiques sur la progeria (une maladie rare entraînant un vieillissement précoce) ont ouvert des perspectives pour faire progresser la recherche sur le sida, le cancer et même le vieillissement naturel.
De tels projets et la recherche d’opportunités de financement par les associations sont intrinsèquement liés à l’éducation et à la sensibilisation. Tout d’abord, la sensibilisation du grand public, de plus en plus concerné par les maladies rares et conscient du poids qu’elles représentent pour notre société. Ensuite, la sensibilisation des professionnels de santé, pour lesquels les associations promeuvent la « culture du doute » afin de contribuer à réduire l’errance thérapeutique.
Conduire le changement
Les associations, par leur combat de sensibilisation, sont également devenues des moteurs des politiques de santé. En 2005, l’Association Maladies Rares a été l’un des principaux contributeurs du premier Plan Maladies Rares français (pionnier en Europe), axé sur l’accès au diagnostic et aux soins. Ce plan a été suivi d’un second en 2011 et d’un troisième en 2018. L’impulsion des associations de malades et leur expertise ont permis la création de centres de référence, de centres de compétences et de filières maladies rares sur l’ensemble du territoire, qui ont transformé le parcours de soins et l’environnement de milliers de patients.
Les associations et représentants de patients sont devenus des acteurs clés de toutes les avancées dans la prise en charge des maladies rares, luttant également pour avoir une voix lors du processus de validation des médicaments. Ils ont réussi, puisque la HAS (Haute Autorité de Santé), responsable de l’évaluation des traitements existants et nouveaux, encourage les patients à envoyer toute information utile qui peut enrichir la compréhension d’une maladie, et que deux représentants de patients sont actuellement membres du Comité de Transparence. Côté réussite, les associations ont été de fervents défenseurs de l’extension du dépistage prénatal, qui a été étendu à 12 maladies en 2020.
Selon Mme TRICLIN-CONSEIL, il y a encore beaucoup de choses à améliorer. Leur objectif en matière de diagnostic est de ne plus avoir de patients non diagnostiqués et les associations continueront à se battre pour des traitements abordables, car « l’action la plus importante est de veiller à ce que personne ne soit laissé seul ».
Les patients atteints de maladies rares, leurs familles et les associations de patients peuvent être très fiers des nombreuses avancées qu’ils ont obtenues grâce à leur détermination. Alcimed a toujours été engagée dans ce combat et continuera de construire l’avenir aux côtés des patients, des associations, des responsables politiques et des entreprises.
[1] Alliance Maladies Rares : https://www.alliance-maladies-rares.org/
A propos des auteurs
Victor, Consultant dans l’équipe Santé d’Alcimed en Belgique