Cross-sectoriel

Six principes pour guider les investissements des industries aérospatiales et des matières premières dans les technologies CDR

Publié le 29 novembre 2024 Lecture 25 min

Ces dernières années, de nombreuses entreprises technologiques (Google, Microsoft, Amazon, Shopify, etc.) ont été motivées par la pression culturelle ou réglementaire pour fixer des objectifs d’émissions nettes nulles. Nombre d’entre elles s’appuient sur les technologies d’élimination du dioxyde de carbone (CDR) pour atteindre leurs objectifs et ont financé des fournisseurs de CDR, des échanges et des prestataires de services de vérification. Étant donné qu’une économie entièrement décarbonée nécessitera la décarbonisation de tous les secteurs, et pas seulement des grandes entreprises technologiques, ces plateformes offrent la possibilité à d’autres industries de parvenir à des émissions nettes nulles, en particulier aux industries qu’il est très difficile de décarboniser directement, comme l’aérospatiale, la sidérurgie et le ciment. À mesure que le CDR se développe, il est essentiel pour les investisseurs et les acheteurs potentiels de crédits carbone de disposer de paramètres clairs pour évaluer les producteurs de CDR, les plateformes d’échange et les méthodes de vérification. Dans cet article, Alcimed explore six principes pour guider les acheteurs dans les technologies CDR.

1er principe : identifier les secteurs les plus pertinents pour l’utilisation des technologies d’élimination du dioxyde de carbone

Les technologies CDR ne peuvent pas se substituer aux réductions d’émissions, c’est pourquoi elles sont plus appropriées pour les secteurs difficiles à décarboniser.

La réduction des émissions est essentielle pour limiter l’augmentation des températures. En effet, l’échelle des émissions humaines est importante et il faudra des décennies pour que la réduction des émissions de gaz à effet de serre atteigne des niveaux d’activité élevés. Ce temps d’adaptation n’est pas disponible en raison de la nécessité de minimiser les changements de température. Par exemple, le 6e rapport de synthèse de l’évaluation du GIEC indique clairement que pour limiter l’augmentation des températures à moins de 1,5 °C, les émissions de CO2 doivent être réduites de 48 % d’ici à 2030 et de 99 % d’ici à 20501AR6 Synthesis Report: Climate Change 2023 (ipcc.ch). Étant donné que les projets actuels d’élimination du dioxyde de carbone fonctionnent à petite échelle, les experts estiment que même avec des investissements substantiels, il faudra des décennies pour passer à l’échelle supérieure. Comme le montrent les chiffres de réduction des émissions ci-dessus, ce temps n’est pas disponible.

Toutefois, certaines industries sont plus difficiles à décarboniser que d’autres, par exemple l’aérospatiale et les matières premières. Dans l’industrie aérospatiale, le prix du carburant aviation durable est actuellement prohibitif, tandis que dans l’industrie sidérurgique, les températures élevées nécessaires à la production d’acier sont difficiles à atteindre avec des énergies renouvelables. Les produits de ces industries étant essentiels à la vie moderne, les niveaux de production doivent être maintenus. Par conséquent, ces industries sont des secteurs particulièrement appropriés pour utiliser les services de CDR afin de compenser les émissions de CO2 résultant de leurs activités.

2e principe : vérifier les performances réelles grâce à des mesures de contrôle et à des vérifications

Les acheteurs doivent vérifier la facilité avec laquelle une technologie CDR peut être contrôlée et validée. Certaines technologies, comme le captage direct du CO2 dans l’atmosphère, sont plus faciles à vérifier techniquement. Dans ce cas, le carbone est éliminé et converti en une forme mesurable et stockable en un seul endroit, alors que d’autres technologies, comme l’amélioration de l’alcalinité des océans, induisent le captage du CO2 sur de vastes zones diffuses.  La diffusion de l’élimination du CO2 sur une zone étendue rend la mesure de la capture du CO2 plus difficile. Si les fournisseurs de CDR n’ont pas systématiquement effectué des mesures montrant que leurs technologies éliminent le CO2 de manière fiable, ils ne tiennent pas leur promesse aux acheteurs et ne séquestrent pas le CO2 de manière fiable.

Il est également important que les acheteurs potentiels prennent en compte l’ensemble des émissions associées à un projet d’élimination du dioxyde de carbone. Par exemple, les technologies CDR à forte intensité énergétique peuvent ne pas éliminer beaucoup de CO2 net si l’électricité qui alimente l’usine CDR est produite à partir de combustibles fossiles.

3e principe : étudier la faisabilité d’une mise à l’échelle

Malgré les investissements importants réalisés récemment dans le domaine de la réduction des émissions de carbone, les usines et les projets pilotes actuels d’élimination du dioxyde de carbone ne capturent et ne stockent qu’une quantité infime du CO2 total qui devra être séquestré pour atteindre les objectifs climatiques des clients. Par conséquent, un ingrédient clé du succès de la CDR est l’évolutivité, depuis les petites échelles pilotes jusqu’aux grandes installations. Certaines technologies CDR seront plus faciles à mettre à l’échelle que d’autres. Par exemple, les approches qui nécessitent des terres arables, telles que la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECSC), seront en concurrence avec l’utilisation des terres nécessaires pour l’agriculture ou le bois. Ce conflit d’utilisation des terres impose une limite supérieure au potentiel de la BECSC. En outre, les approches qui nécessitent des ressources et des infrastructures importantes, comme le captage direct dans l’air (DAC), seront confrontées à des problèmes de mise à l’échelle plus importants que les autres propositions, car le déploiement à grande échelle nécessitera la construction de plusieurs installations de DAC de haute technologie, qui devront également être alimentées par de l’énergie renouvelable si l’on veut que les émissions nettes de l’installation de DAC soient négatives.


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4e principe : évaluer les risques potentiels avant de mettre en œuvre les technologies de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Certaines technologies de réduction des émissions de carbone reposent sur l’ingénierie des écosystèmes à grande échelle. Si certaines approches d’ingénierie des écosystèmes, telles que la restauration des zones humides ou des herbiers marins, sont considérées comme clairement positives, d’autres approches, telles que la fertilisation des nutriments marins, pourraient entraîner des complications imprévues. Les propositions de fertilisation marine par les nutriments consistent à ajouter du fer, du phosphore ou de l’azote à de vastes régions de l’océan. Ces ajouts provoqueraient une prolifération de phytoplancton qui, si tout se passe comme prévu, s’enfoncerait dans les profondeurs de l’océan et y resterait à long terme. Cette approche pourrait avoir des conséquences inattendues sur les écosystèmes marins, telles qu’une diminution de l’abondance des grands poissons et des prédateurs dans les océans tropicaux. Par conséquent, un plan de recherche bien pensé et soigneusement élaboré pour évaluer ces risques devrait être mis en œuvre avant de poursuivre une telle stratégie.

Il est important de noter que l’exploitation de toutes les technologies CDR à l’échelle nécessaire pour réduire de manière significative les concentrations atmosphériques présente des risques de conséquences involontaires. Par conséquent, les investisseurs et les acheteurs doivent examiner les producteurs pour voir s’ils ont anticipé ces risques. Cet examen est particulièrement important pour les approches d’ingénierie des écosystèmes, telles que l’approche de fertilisation des océans discutée ci-dessus.

5e principe : appliquer le principe d’additionnalité pour maximiser la réduction des émissions de carbone

Les projets d’élimination du dioxyde de carbone les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique sont ceux qui éliminent du CO2 supplémentaire par rapport à ce qui se serait produit en l’absence d’intervention. Par exemple, si une ONG de protection de la nature prévoit de restaurer une forêt ou une zone humide afin d’étendre l’habitat d’une espèce menacée, le CO2 séquestré qui en résulterait serait éliminé sans un investissement du CDR. En posant la question « ce projet aurait-il lieu sans un investissement du CDR? », le principe d’additionnalité permet aux investisseurs et aux acheteurs de maximiser la réduction de carbone de leur investissement. Il est essentiel d’examiner les achats à la lumière de ce principe afin d’éviter que la presse ou le public ne les accusent d’écoblanchiment.

6e principe : donner la priorité aux technologies de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui garantissent l’élimination à long terme du CO2

Certaines options CDR éliminent le CO2 de manière plus permanente que d’autres. Par exemple, les stratégies de restauration des écosystèmes, comme le reboisement, stockent le carbone dans les végétaux. Comme la plupart des plantes ont une durée de vie de quelques années à quelques décennies, le CO2 stocké dans les tissus végétaux n’est pas éliminé de l’atmosphère pendant de longues périodes. En revanche, les technologies qui transforment le CO2 en carbonate géologiquement stable offrent une plus grande permanence.

Si la réduction des émissions est la voie la plus évidente pour lutter contre le changement climatique, certains secteurs comme l’aérospatiale et les matières premières sont intrinsèquement difficiles à décarboniser. L’industrie de la CDR offre aux entreprises de ces secteurs essentiels la possibilité d’atteindre les objectifs climatiques. Les six principes présentés ici offrent un cadre permettant aux investisseurs et acheteurs potentiels des secteurs difficiles à décarboniser d’évaluer les producteurs de CDR, les opérateurs de bourse et les fournisseurs de services de vérification.

Si vous envisagez d’investir dans le CDR pour atteindre les objectifs climatiques, Alcimed peut vous soutenir dans vos projets d’évaluation du CDR, qu’il s’agisse d’identifier de nouvelles stratégies de CDR ou d’étudier l’efficacité des produits des producteurs actuels, et bien plus encore. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos des auteurs,

John, Consultant au sein de l’équipe Santé d’Alcimed aux États-Unis.

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