Agroalimentaire

Les 3 grands enjeux pour le développement de la filière des biosolutions en France

Publié le 27 novembre 2024 Lecture 25 min

L’agriculture fait face à des défis d’ampleur, tant sur les aspects économiques qu’agronomiques et environnementaux. En Europe, elle y répond notamment via une transition agroenvironnementale, qui la pousse à repenser les systèmes de production dans une optique plus durable. Le développement et le recours aux biosolutions représentent une alternative prometteuse à l’usage des intrants pour la fertilisation et la protection des cultures. Celles-ci apportent une réponse à la limitation, voire l’interdiction progressive de l’usage de nombreuses molécules chimiques, et favorisent la mise en place de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de la santé dans une approche plus systémique. Néanmoins, si les biosolutions se déploient progressivement, elles se heurtent à de nombreuses problématiques freinant leur essor. Alcimed a mené l’enquête et revient dans cet article sur les principaux freins à lever pour cette nouvelle filière.

Qu’est-ce qu’une biosolution ?

Les biosolutions rassemblent aujourd’hui les solutions naturelles alternatives à l’utilisation d’intrants chimiques en agriculture. Elles comprennent donc les biofertilisants, les biostimulants, les solutions de biocontrôle et les adjuvants. Sur le marché français, on retrouve principalement des produits étiquetés solutions de biocontrôle ou biostimulants.

Les solutions de biocontrôle correspondent à l’ensemble des méthodes de lutte contre les insectes et autres ravageurs, les maladies et les adventices, utilisant des organismes (macroorganismes, micro-organismes), des médiateurs chimiques (phéromones ou kairomones) ou encore des substances naturelles d’origine animale, végétale ou minérale. Quant aux biostimulants, ils ont pour fonction de stimuler des processus naturels des plantes ou du sol, afin de faciliter ou de réguler l’absorption des éléments nutritifs, d’améliorer leur résistance aux stress abiotiques, ou d’optimiser les caractéristiques qualitatives de végétaux.

Le développement de ces solutions permet de répondre à plusieurs principaux enjeux agricoles que sont :

  1. La réduction de l’utilisation d’intrants chimiques,
  2. La préservation de la santé animale et humaine,
  3. L’amélioration de la qualité des sols,
  4. Le renforcement de la résilience des cultures.

Ces solutions sont aujourd’hui commercialisées sous forme de produits manufacturés. Il ne s’agit donc pas tant de méthodes ou de pratiques agronomiques, même si celles-ci sont essentielles en complément de l’application de ces solutions, que d’alternatives formulées au sein d’une nouvelle filière en émergence. Leur facilité d’application et leur compatibilité avec les autres produits agricoles ou agroéquipements d’application sont des critères essentiels.

La filière des biosolutions : une filière en émergence

Le développement des biosolutions occupe ainsi une place importante dans la stratégie de développement d’une agriculture durable. Le rapport Potier, la loi d’Avenir, les plans Ecophyto successifs encouragent le développement et l’utilisation de ces produits pour développer une protection intégrée des cultures. Néanmoins, leur utilisation n’est à date pas suffisante pour satisfaire les ambitions de réduction d’usage de pesticides et de fertilisants. En 2023, on estimait que les produits de biocontrôle étaient déployés sur environ 8% des surfaces agricoles françaises1https://www.terre-net.fr/biocontrole/article/865323/biocontrole-la-preuve-par-le-terrain, principalement en viticulture et arboriculture. L’adoption de ces solutions en grandes cultures reste encore faible, à titre d’exemple, environ 5% des surfaces en blé seulement.

Si ces nouvelles solutions semblent naturellement s’adresser à des pratiques comme l’agriculture biologique, la permaculture ou les conduites bas intrants, c’est pourtant bien en alternative aux intrants de l’agriculture conventionnelle qu’elles se positionnent principalement. Par ailleurs, leur usage fait face aux mêmes enjeux quelles que soient les conduites agricoles, à savoir l’optimisation de leur efficacité et leur innocuité pour l’environnement.

En 2022 avait été publiée la Stratégie Nationale du déploiement du biocontrôle qui vise une réduction de 50% de l’utilisation des produits phytosanitaires en 2025. Depuis, d’autres initiatives commencent à se mettre en place. Le gouvernement a lancé officiellement le 1er mars 2024 le Grand défi biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie2https://www.terre-net.fr/publi-informations-farmi-vous-simplifie-lagri/article/867060/le-grand-defi-devrait-accelerer-le-deploiement-des-biosolutions. Ce programme vise à accélérer et transformer la manière de conduire l’innovation et à déployer massivement ces pratiques sur le territoire. Pour ce faire, il parait essentiel de développer des stratégies d’accompagnement au plus près de chacun des acteurs de la filière, pour mieux produire et innover, mieux conseiller, mieux appliquer et mieux mesurer les bénéfices et effets de ces nouvelles solutions.

Quels sont les principaux enjeux pour le déploiement de la filière des biosolutions ?

Enjeu n°1 : adopter une vision plus systémique de l’agriculture

Contrairement aux produits de l’industrie phytosanitaire ou engrais « classiques », l’application et l’efficacité des biosolutions sont dépendantes de nombreux paramètres agronomiques et environnementaux (contexte parcellaire, pédoclimatique, variété cultivée, niveau de rotation, etc.). Afin de pouvoir les utiliser correctement, il convient donc de raisonner au cas par cas et d’adopter une vision systémique de son exploitation, sans systématisme. À titre d’exemple, une solution de biocontrôle peut s’avérer efficace dans certaines conditions et inefficace dans d’autres, si des paramètres d’application, la présence d’auxiliaires, le niveau de parasitisme, les modalités d’application etc. ne sont pas analysés en parallèle. Pour juger de la pertinence de la solution et adapter les modalités de traitement (fréquence de passage, dosage, etc.), l’utilisateur doit pouvoir adopter une stratégie de traitement plus intégrée. Ces solutions sont à ce titre difficiles à mobiliser en « rattrapage » ou en cas d’urgence, ne pouvant garantir de résultats drastiques face à une invasion de ravageurs ou de manquement majeur. Certaines solutions n’ayant pas été utilisées dans les conditions adéquates, les mauvaises expériences ont pu entacher l’image des biosolutions et remettre en question leur efficacité auprès des utilisateurs finaux. Les enjeux de formation et d’information sont donc importants pour établir les critères d’efficacité adéquats et optimiser le conseil agricole.


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Enjeu n°2 : pallier le manque de connaissances dans le domaine des biosolutions

L’appréhension systémique des productions agricoles et l’utilisation de ces biosolutions nécessitent de réelles connaissances en agronomie, écologie et biologie. Ces connaissances n’étant pas toujours maitrisées au sein de la communauté des utilisateurs, l’éventail de nouveaux produits étant en expansion, et les techniques d’application en plein développement, un des enjeux majeurs porte sur la recherche et sur la formation des acteurs. Les formations initiales, suivies par la grande majorité de l’écosystème agricole, quel que soit le niveau de formation, ne portaient pas jusqu’à récemment, sur ces éléments agronomiques clés ou sur ces solutions directement. Il semble donc important de pallier ce manque en renforçant les contenus des formations initiales, mais surtout en donnant accès par la formation continue aux connaissances nécessaires, en renforçant les expérimentations et échanges entre les exploitants agricoles, entreprises, laboratoires de recherches, instituts techniques et centres expérimentaux pour mieux appréhender les conditions et modalités de recours à ces solutions nouvelles, dans différents systèmes, pour différentes cultures. C’est à ces conditions que ces solutions pourront démontrer l’étendue réelle de leur efficacité et de leur potentiel, et que leurs limites pourront être objectivement appréhendées.

Enjeu n°3 : répondre aux enjeux économiques

Une autre limite au déploiement de ces biosolutions est le coût qu’elles peuvent représenter pour les fabricants et surtout pour les utilisateurs finaux. Pour les industriels, le développement et la production demandent un investissement fort, pour peu de retours sur investissement à date. Pour les exploitants agricoles, cela représente également des coûts non négligeables puisqu’une comparaison volume/prix basique témoigne d’un facteur 10 entre le coût d’un insecticide conventionnel et d’un auxiliaire de biocontrôle en culture de fraises3https://www.bayer-agri.fr/le-mag-du-biocontrole/le-mag-du-biocontrole-episode-7-le-biocontrole-coute-t-il-vraiment-plus-cher_5141/ par exemple. Par ailleurs, les exploitants rencontrent une grande difficulté à valoriser ces modes de protection et donc à amortir ou répercuter le coût supplémentaire associé, en l’absence de label ou de signe de qualité associé. Aussi, les cultures à forte valeur ajoutée semblent-elles les plus en mesure de mobiliser ces solutions dans un premier temps, et en amont de toute expansion. Il parait donc important de pouvoir établir des référentiels et de multiplier les expérimentations pour structurer une véritable analyse coût bénéfice in vivo de ces alternatives, en prenant l’ensemble des paramètres technico-économiques en considération.

Malgré des freins qui restent à lever, la   des biosolutions forte constitue une opportunité indéniable pour l’agriculture de demain. Ceci moyennant d’orienter les efforts collectifs vers une adoption plus large et surtout de faciliter leur appropriation et de valoriser les réussites. En combinant recherche, formation, soutien économique et politiques publiques d’encouragement, cette filière devrait prendre son essor et développer des solutions toujours plus efficaces. Vous êtes porteur d’un projet en agroalimentaire en lien avec les biosolutions, Alcimed peut vous accompagner. N’hésitez pas à contacter notre équipe


A propos de l’auteur,

Elsa, Responsable de mission au sein de l’équipe Innovation et Politiques publiques d’Alcimed en France.

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