Historique et état des lieux de l’hospitalisation à domicile en France
Les débuts de l’hospitalisation à domicile
Tout commence à New York en 1947 lorsque le homecare est créé avec pour principe fondamental le déplacement des médecins hospitaliers au domicile des patients pour répondre à la surpopulation des hôpitaux. En France, après quelques années d’expérimentations, est créé officiellement le 1er établissement d’hospitalisation à domicile au sein de l’APHP en 1957, dont l’objectif est de désencombrer les hôpitaux. À la différence du modèle américain centré autour de la médecine hospitalière, l’HAD en France repose sur le transfert de la médecine libérale à domicile. En 1970, l’hospitalisation à domicile est légalement reconnue par Loi hospitalière et en 1991, elle est considérée aux yeux de l’Etat, comme une alternative à l’hospitalisation traditionnelle.
Quels sont les avantages de l’hospitalisation à domicile pour les patients ?
L’hospitalisation à domicile permet de raccourcir ou d’éviter un séjour à l’hôpital tout en assurant une continuité des soins au domicile des patients. Cette modalité de prise en charge opère autour d’un socle de soins médicaux et paramédicaux complexes et fréquents pendant une période limitée mais renouvelable. L’HAD ne peut être initiée que sur prescription médicale avec l’accord du médecin traitant selon des critères d’admission spécifiques (besoins médicaux, niveau de risques cliniques, capacités cognitives, environnement du domicile, etc.).
Hospitalisation à domicile en France : où en sommes-nous ?
En 2021, il existe plus de 280 établissements d’HAD avec plus de 150 000 patients admis chaque année. Près d’1/3 de ces séjours concernent des pathologies cancéreuses. Le marché de l’HAD en France est ultra-fragmenté et inégalement réparti géographiquement en fonction des démographies régionales, des offres de soins et de la relation entre ces établissements d’HAD et les hôpitaux conventionnels qui peut être plus ou moins formelle. Certains établissements d’hospitalisation à domicile peuvent être autonomes ou sous convention avec un hôpital voire intégrés à un établissement hospitalier en tant que service à part entière.
Les établissements d’hospitalisation à domicile ont historiquement un savoir-faire autour de la prise en charge en chimiothérapie mais certains d’entre eux ont développés des spécialités thérapeutiques plus larges. Par exemple, l’HAD néonatale et pédiatrique du CHU de Montpellier peut prendre en charge les maladies métaboliques (enzymothérapie), les épidémies hivernales, les assistances respiratoires et nutritionnelles, etc. Aujourd’hui, les hospitalisations à domiciles sont généralement spécialisées dans les soins ponctuels de maladies non stabilisées (chimiothérapies), les soins de réadaptation (traitements orthopédiques), les soins palliatifs et les soins périnataux.
Un contexte actuel favorable à l’essor de l’hospitalisation à domicile
Vers un modèle d’alternance entre l’hôpital et le domicile
En 2020, l’externalisation d’une partie des patients en oncohématologie vers des structures d’hospitalisation à domicile a abouti à une hausse de 23,7% des administrations de chimiothérapies en l’hospitalisation à domicile par rapport à 2019. Malgré cela, le virage ambulatoire vers le 100% domicile n’est pas réaliste. En revanche, nous pouvons anticiper une évolution vers un modèle hybride avec une alternance entre l’hospitalisation conventionnelle (hôpital de jour compris) et l’hospitalisation à domicile, notamment pour les traitements injectables qui nécessitent généralement une surveillance médicale ou paramédicale. Les tensions en ressources hospitalières ainsi que les besoins croissants de soins en lien avec le vieillissement de la population et la croissance des pathologies chroniques poussent à réfléchir à des modèles alternatifs plus pérennes d’un point de vue clinique, médico-économique, social et organisationnel. Un tel contexte évoque un fort besoin pour les hôpitaux de s’appuyer sur des structures relais.
Un appui des politiques publiques au développement de l’hospitalisation à domicile
En ce sens, des politiques publiques soutiennent depuis plusieurs dizaines d’années le renforcement du lien entre l’hôpital et la ville, notamment via le développement de l’hospitalisation à domicile. En 2015 la HAS publie des recommandations nationales autour la prise en charge des cancers en l’hospitalisation à domicile. En 2016, s’est ensuite lancé le label hôpital de proximité, permettant de valoriser la coordination entre les acteurs libéraux, hospitaliers et médico-sociaux. Enfin, le ministère de la santé a défini en 2021 une feuille de route 2021-2026 du développement de l’hospitalisation à domicile.
Une évolution du financement hospitalier en faveur de l’HAD
Enfin, une évolution du modèle de financement des hôpitaux va impacter le secteur des HAD. Cette évolution va aboutir à une réduction de la tarification à l’acte et à une augmentation de la part de forfaitisation à l’épisode de soins, valorisant les parcours coordonnés et pluridisciplinaires et favorisant le recours à des relais en ville par les hôpitaux conventionnels. Des expérimentations de ce modèle d’alternance ont déjà démontré des bénéfices. A Limoges, une étude médico-économique comparative d’une prise en charge alternée entre hôpital de jour (HDJ) et HAD de chimiothérapie injectable pour traiter des hémopathies malignes démontre une réduction des coûts de 16,5% par rapport à une prise en charge en hôpital conventionnel en HDJ. Il reste néanmoins à évaluer l’impact clinique des patients suivant ce type de parcours alternant HDJ et HAD.
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3 défis à relever pour les industriels de la santé
Ces évolutions auront aussi des implications pour les industriels, acteurs clés de l’écosystème et du parcours des patients. Nous souhaitons mettre en lumière 3 défis à considérer dans une démarche intégrant la prise en charge en hospitalisation à domicile :
Optimiser la coordination des soins
La nécessité d’appréhender plus finement la place, les rôles et l’interfaçage entre l’hospitalisation à domicile, les acteurs hospitaliers et les autres structures de soins en ville (pharmaciens, médecins généralistes, CPTS, prestataires de soins à domicile, etc.)
Définir des opportunités de développement d’une approche « à domicile »
Une stratégie d’accès aux produits adaptée et cohérente, dont le statut (réserve hospitalière, rétrocession, etc.) et le mode de prescription autorisée (hospitalier, restreint autour d’une spécialité, etc.) conditionnent la pertinence de la mise en place d’un prise en charge ambulatoire et par extension au domicile. Le circuit de distribution et de délivrance des produits de santé est également impacté notamment les acteurs impliqués (pharmacie hospitalière, dépositaire, etc.) dont certains sont de nouveaux interlocuteurs pour les industriels (pharmacie de ville, prestataire de soins à domicile, etc.).
Identifier des leviers à activer pour apporter de la valeur aux acteurs existants et/ou nouveaux du soin à domicile, incluant les HAD
Les types de traitements ou de dispositifs médicaux, les profils spécifiques de patients, le rationnel médico-économique, les données cliniques, la mise en place d’essais cliniques décentralisés, etc.
Concernant le développement de produits, un profil de sécurité (fréquence et gravité des effets indésirables) éprouvé et adéquat dans un environnement hospitalier non conventionnel. En effet, il s’agit d’établir des modalités de surveillance des patients qui soient pertinentes d’un point de vue clinique, organisationnelle et médico-économique. Ainsi, les chantiers autour de la coordination pluridisciplinaire entre la médecine de ville et hospitalière, le développement de la télémédecine et la réflexion autour de l’éducation des patients et des aidants , la formation des professionnels de ville ou des acteurs de la prestation à domicile peuvent être sources de valeur ajoutée pour l’ensemble des parties prenantes (patients, professionnels de santé, établissements de santé, etc.).
Les établissements d’hospitalisation à domicile sont des acteurs clés dans le développement et la standardisation de la prise en charge à domicile. Cette évolution poussée par les politiques publiques permettant de valoriser le recours à des structures extrahospitalières doit être prise en compte par les industriels. Pour ces derniers, de nombreuses opportunités de différentiation visant à améliorer les parcours de soins peuvent en émerger, à condition que l’écosystème des acteurs de la HAD soit bien compris et impliqué dans le déploiement de solutions. Notre équipe spécialisée en santé peut vous accompagner dans vos projets liés aux parcours patients et aux soins à domicile. N’hésitez pas à contacter notre équipe!
A propos de l’auteur,
Tak-Wai, Consultant dans l’équipe Santé d’Alcimed en France