L’intelligence artificielle, outil disruptif pour les acteurs de la Santé
Du support à la décision à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques, l’intelligence artificielle[1] est en pleine expansion dans le domaine de la Santé. Alcimed, société de conseil et développement de nouveaux marchés, met en lumière le potentiel actuel de l’intelligence artificielle en Santé et s’interroge sur ses perspectives d’avenir.
Chaque jour, la médecine doit faire face à de nouveaux défis : nouvelles maladies, nouvelles solutions thérapeutiques, réduction des coûts, prise de décision rapide ou encore traitement d’une quantité massive d’informations. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle semble pouvoir jouer un rôle majeur, notamment dans la détection de signaux faibles et les processus de décision. En effet, ses capacités à collecter et analyser les données patients, couplées à sa faculté à évaluer les différents scénarii puis à en extraire un résultat approprié, sont de véritables atouts pour les professionnels de santé, les chercheurs, les industriels, les autorités régulatrices mais aussi et surtout les patients. Ainsi, l’intelligence artificielle trouve déjà de nombreuses applications médicales et pourrait modifier, à terme, la prise en charge des patients. Par ailleurs, au-delà du grand intérêt qu’elle suscite pour les laboratoires pharmaceutiques, cette technologie pourrait également favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et remodeler le marché de la santé.
L’intelligence artificielle déjà ancrée dans le secteur de la Santé
Tout d’abord, elle constitue un outil d’aide à la décision puissant, tant au niveau du diagnostic que de la recommandation thérapeutique. C’est dans cet objectif qu’IBM, en collaboration avec le Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New-York, a pu entraîner son système d’IA Watson à l’oncologie. Appliqué dans un centre de référence en Inde, Watson a pu donner 90% de recommandations thérapeutiques concordantes avec celles des médecins sur 638 cas de cancer du sein[2]. De plus, les professeurs Hauser et Bennett de l’Université d’Indiana ont réussi à développer un système d’intelligence artificielle rendant un diagnostic[3] 50% plus fiable pour un coût moitié moins élevé que celui rendu par un médecin, sur une population de patients suspectés de dépression majeure dont 65 à 70% souffraient aussi de pathologies chroniques (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires).
L’intelligence artificielle trouve également sa place dans la recherche. Elle permet de réduire les coûts et les temps des processus de recherche. La plateforme d’IA de Berg Health analyse des données biologiques variées (profils protéique et lipidique, génétique, transcriptomique, etc.) afin d’identifier des biomarqueurs représentatifs de certaines pathologies, puis suggère de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de nouveaux médicaments. De même, l’application Watson Discovery Advisor, utilisée dans le cadre d’un partenariat multiple entre IBM, J&J, le Baylor College of Medicine et le New York Genome Center, a permis de mettre en évidence 6 protéines influant sur la protéine p53, elle-même liée à de nombreux cancers, en analysant 70 000 articles scientifiques. La même analyse réalisée par un scientifique aurait pu prendre plus de 30 ans[4].
Les facultés de l’intelligence artificielle à traiter les signaux faibles et à établir des premiers diagnostics peuvent également avoir plusieurs applications directes pour les patients. Ainsi, l’application BewellConnect du groupe Visiomed, connectée à des dispositifs médicaux (glucomètre, tensiomètre, ECG, etc.), établit un pré-diagnostic en temps réel et conseille le patient sur la marche à suivre en fonction de ses constantes vitales. L’application AiCure, quant à elle, a pour objectif d’augmenter l’observance et l’adhérence du patient à son traitement, en confirmant, via la caméra de son smartphone et en utilisant une fonctionnalité de reconnaissance faciale, que le patient à bien pris son médicament. Enfin, toujours en lien avec la reconnaissance faciale, une étude publiée dans le Journal of Pediatrics[5] a montré que l’IA pouvait évaluer la douleur d’enfants opérés de l’appendicite de manière aussi précise que les échelles d’évaluation utilisées jusqu’à présent.
Enfin, la collecte des données épidémiologiques à grande échelle ainsi que leur traitement étant une préoccupation de santé publique, l’intelligence artificielle intéresse de plus en plus les autorités de santé. Il est alors question de surveillance et d’anticipation, et c’est dans cet objectif que la FDA (US Food and Drug Administration) a lancé le projet « Sentinel Initiative »[6] basé sur un système de surveillance proactif des effets secondaires, rassemblant les données de près de 125 millions de patients.
Une discipline ouvrant des perspectives sur la prise en charge des patients et l’organisation du marché
Bien que la question se soit posée, à court et moyen termes, il n’est pas envisagé que l’intelligence artificielle remplace le médecin mais plutôt qu’elle soit un outil d’aide à sa pratique médicale. En effet, la préservation de la relation humaine patient-médecin reste encore primordiale dans la prise en charge des patients. De plus, la responsabilité du diagnostic comme de la décision thérapeutique est entièrement portée par le médecin et l’impossibilité de garantir un risque zéro quant à une analyse erronée de l’intelligence artificielle aujourd’hui ne permet pas d’entrevoir un avenir sans médecin dans les prochaines années.
Ensuite, parce qu’elle puise sa force dans l’analyse des données patients, l’intelligence artificielle offre la perspective d’un environnement ouvert et accessible, et donc en décalage par rapport à la situation actuelle. Il est permis de croire en l’impact que des développements à succès, apportant une valeur ajoutée dans la prise en charge des patients, puisse induire un mouvement vers encore plus d’ouverture et d’accès à nos données personnelles.
Enfin, l’intelligence artificielle pousse le marché de la santé à évoluer de par l’arrivée de nouveaux acteurs dont l’expertise se situe, non plus dans le développement et la production de médicaments, mais dans la maîtrise des outils technologiques nécessaires au développement de l’IA. Les titans comme Google, Amazon, Microsoft ou Apple se positionnent aujourd’hui en santé. DeepMind, start-up acquise par Google, initialement spécialisée en deep learning, travaille en majorité sur des projets liés à la santé via la division DeepMind Health. Se dessinent également des joint-ventures entre laboratoires et « big techs » comme Onduo, né du rapprochement entre Sanofi et Google.
« L’intelligence artificielle est l’un des éléments qui aura un impact fort sur le marché de la santé », insiste Lambert Lacoste, responsable de mission chez Alcimed. « En revanche, l’inconnue est aujourd’hui de savoir comment le marché évoluera. Les compétences en intelligence artificielle vont-elle être intégrées au sein des laboratoires, ou bien resteront-elles portées par les acteurs spécialisés du domaine ? ».
[1] Le terme « intelligence artificielle » (abrégée IA) se réfère à l’ensemble des théories et des méthodes scientifiques consistant à donner à des programmes informatiques des caractéristiques semblables aux processus cognitifs humains : compréhension, perception de l’environnement, analyse de données complexes, etc. La finalité est d’induire le développement de capacités de raisonnement et d’apprentissage.
[2] SABCS 2016: IBM Watson for Oncology Platform Shows High Degree of Concordance With Physician Recommendations, ASCO post, 2016
[3] Artificial intelligence framework for simulating clinical decision-making: a Markov decision process approach, Bennett CC, Hauser K, 2013
[4] IBM Watson Ushers in a New Era of Data-Driven Discoveries, IBM.com
[5] Automated Assessment of Children’s Postoperative Pain Using Computer Vision, K.Sikka, 2015
[6] www.fda.gov
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