La Chine : l’avènement d’un géant du spatial
Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, fait le point sur l’émergence de la Chine, acteur d’une industrie spatiale en pleine mutation, et son impact pour les acteurs historiques.
La maîtrise chinoise de nombreuses technologies spatiales et leur positionnement sur toute la chaîne de valeur industrielle font de la Chine un sérieux concurrent sur la scène internationale. Quelles sont les ambitions spatiales chinoises aujourd’hui ? Quels changements induiront-elles pour les acteurs traditionnels, et comment envisager la coopération spatiale sino-étrangère?
Un développement spatial en trois temps
Comme de nombreux autres pays, la Chine débute son aventure spatiale dans les années 1950 avec des motivations militaires et politiques. Malgré des débuts difficiles, la Chine parvient rapidement à de remarquables succès, avec le lancement réussi de missiles balistiques et la mise en orbite de satellites dès les années 1960-1970.
A partir des années 1980 et jusqu’aux années 2000, l’ouverture à l’économie de marché et la croissance économique entraîne une importante réorganisation de l’industrie spatiale qui parallèlement se recentre sur quelques projets prioritaires. Après une série d’échecs, les succès se multiplient dans les années 2000 : lancements réussis de Longue Marche 2/3, entrée sur le marché international des lanceurs, développement des satellites DFH-4, 3ème pays à envoyer des hommes dans l’espace par leurs propres moyens, robots explorateurs sur la Lune…
La décennie 2010-2020 marque l’avènement de la Chine en tant que nouveau géant du spatial. La diversité des activités spatiales chinoises lui permet désormais de proposer des services sur toute la chaîne de la valeur : une gamme complète de lanceurs, la fabrication de satellites à fort contenu technologique, des services d’opérateurs satellites… parfois en concurrence frontale avec les acteurs historiques. Les activités chinoises s’affirment aussi dans des domaines tels que la navigation par satellite (constellation Beidou, opérationnelle en 2020) ou l’exploration spatiale (station Tiangong, hommes sur la Lune à l’horizon 2030). Par ailleurs, les acteurs chinois se positionnent désormais sur des sujets émergents tels que la réutilisation de lanceurs et les constellations de satellites de communication.
Un secteur industriel directement dirigé par l’Etat chinois
L’industrie spatiale chinoise est quasi-exclusivement dirigée par l’Etat, à travers le Ministère de l’Industrie (MIIT), l’agence d’Etat pour les entreprises publiques (SASAC), et l’Armée Populaire de Libération (APL). Deux grands conglomérats d’Etat, CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation) et CASIC (China Aerospace Science & Industry Corporation) se partagent une part très significative de cette industrie, avec une activité civile et commerciale pour la CASC (cf. encadré) et une coloration plus militaire pour la CASIC.
L’organigramme complet des acteurs spatiaux en Chine est dans l’ensemble très complexe. « Les grandes tendances sont néanmoins connues grâce aux orientations données dans les plans quinquennaux, les livres blancs spatiaux, et des plans de développement plus ciblés comme Broadband China pour les télécoms. », précise Jean Deville, consultant au bureau d’ALCIMED Toulouse. Depuis les années 2000, on note une tendance à la spécialisation des entités, au retrait progressif de l’Etat du management afin de doper la compétitivité, et une (très) progressive libéralisation de certaines activités spatiales comme les services de connectivité satellite.
Quelles opportunités pour des coopérations spatiales sino-étrangères ?
La coopération spatiale entre les pays occidentaux et la Chine n’est pas récente : la France, par exemple, signe dès 1997 un accord de coopération spatial intergouvernemental. Elle est cependant surtout limitée au domaine scientifique pour les acteurs européens, et est quasi-inexistante pour les Etats-Unis depuis la mise en place d’un embargo spatial dans les années 2000. Dans le secteur privé, des initiatives d’acteurs étrangers comme Inmarsat (opérateur télécom satellite) ou Gilat (terminaux sols satellites) se font de plus en plus nombreuses afin de profiter du vaste marché chinois, souvent sous forme de joint-ventures.
Les coopérations sino-étrangères restent cependant difficiles dans le secteur spatial. Au-delà des problèmes culturels et historiques qui sont communs à tous les secteurs, le frein principal reste l’Etat chinois qui, à travers sa volonté d’indépendance industrielle maintes fois affirmée, choisit volontairement de ne dépendre d’aucun partenaire étranger. Ceci génère une méfiance des acteurs occidentaux lors de la mise en place de partenariats stratégiques, méfiance partagée par d’autres secteurs analogues avec l’émergence récente de géants industriels chinois (CRRC dans les trains grande vitesse, AECC dans la motorisation aéronautique, AVIC et COMAC dans la construction aéronautique…). Cependant, l’arrivée d’acteurs chinois sur les marchés occidentaux et le fort intérêt des acteurs occidentaux pour le très réglementé mais très lucratif marché chinois imposeront des compromis qui pourraient aboutir à une présence accrue des acteurs des deux côtés dans certains marchés, comme celui des services télécom par satellite.
« De leur côté, les coopérations scientifiques entre agences spatiales (européennes et chinoises notamment) devraient continuer à s’intensifier grâce à des enjeux de souveraineté moins forts, et une réelle volonté de Pékin d’embarquer des partenaires étrangers sur ses projets d’exploration spatiale, la future station spatiale chinoise Tiangong en tête. », explique Alexandre Savin, Directeur du Bureau d’ALCIMED Toulouse.
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