Suite à l’Accord de Paris, et de par les Contributions déterminées au niveau national (CDN), de nombreux gouvernements ont élaboré des stratégies de développement à faible émission de gaz à effet de serre et certains ont fixé des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Ces objectifs impliquent un abandon des énergies fossiles et un passage à des sources d’énergie renouvelables, telles que l’éolien.
En France, la « Loi de la transition énergétique pour la croissance verte », promulguée en 2015, prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 32 % en 2030[1]. Le développement de la production énergétique de source éolienne est un axe important pour atteindre cet objectif. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 prévoit un doublement de la puissance électrique éolienne raccordée, qui devrait atteindre au minimum 38 400 GW en 2028[2]. A l’instar, la production électrique d’origine éolienne et la part de l’éolien dans le mix énergétique mondial progressent constamment.
Néanmoins, cinq défis risquent de freiner le développement des parcs éoliens au niveau mondial, retardant ainsi la transition énergétique. Dans cet article, Alcimed explore ces défis à relever par le marché éolien dans le contexte de la transition énergétique.
Défi n°1 : gérer les problèmes de supply chain
Les supply chains mondiales ont été fortement impactées par le Covid-19 et la guerre en Ukraine. Dans le secteur de l’éolien, ces perturbations ont non seulement occasionné des difficultés d’approvisionnement en pièces et composants nécessaires à la production et à la maintenance des éoliennes mais ont aussi provoqué une fluctuation importante des prix des matériaux et composants. Cette volatilité a complexifié la gestion des stocks et la planification au long-terme. Dans un contexte global de développement du marché éolien, les capacités de production risquent d’être inférieures à la demande et des goulots d’étranglements sont à prévoir.
Défi n°2 : adapter les politiques de relocalisation industrielles
Les bouleversements mondiaux des dernières années et les considérations géopolitiques qui en découlent ont placé la souveraineté énergétique et industrielle sur l’agenda de nombreux gouvernements. Le « Inflation Reduction Act », aux Etats-Unis, vise à attirer des industries dans le cadre de la transition climatique grâce à des subventions publiques. En Europe, le Plan industriel du pacte vert et le règlement sur l’industrie à zéro émission, proposés début 2023 par la Commission Européenne, proposent que 40% de la manufacture des éoliennes, entre autres, se trouve sur le sol européen d’ici 2030[3]. Bien que ces politiques soutiennent le développement du marché éolien, la promotion de la relocalisation risque à court et moyen termes de perturber davantage la supply chain mondialisée des éoliennes.
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Défi n°3 : gérer l’inflation des prix
Face aux problèmes d’approvisionnement, la demande en énergie éolienne continue d’augmenter, ayant pour conséquence une augmentation des prix des matières premières et des composants. Le prix de l’acier, du cuivre et de l’aluminium, dont les éoliennes sont constituées à 50%, a parfois triplé au cours des 3 dernières années. Plusieurs équipementiers subissent cette hausse de plein fouet, en particulier lorsqu’ils ne peuvent la répercuter sur leurs clients puisque liés par des contrats à prix fixes.
Défi n°4 : faire face au manque de main d’œuvre qualifiée
La formation de techniciens spécialisés, particulièrement en maintenance, n’a pas suivi le rythme de croissance rapide de l’industrie éolienne. Le manque de main d’œuvre qualifié peut retarder les opérations de maintenance, ce qui risque d’entraîner une panne plus importante ou simplement d’allonger les périodes de non-opération des éoliennes. Cela est particulièrement le cas pour l’éolien offshore, une industrie moins mature où envoyer des techniciens en mer est coûteux et contraignant. Le manque de techniciens spécialisés sera un frein relativement important dans les pays en voie de développement, où les investissements dans les formations spécifiques sont moins importants.
Défi n°5 : améliorer la fiabilité des éoliennes
La durée de vie moyenne d’une éolienne est estimée à 20 ans, au cours desquels les problèmes techniques et besoins de maintenance ne sont pas constants : les éoliennes requièrent plus de maintenance avec l’âge. De plus, les anciens modèles étaient aussi moins avancés d’un point de vue technologique. Les parcs éoliens vieillissants risquent donc d’être exposés à davantage de problèmes techniques.
Les éoliennes plus récentes ne sont néanmoins pas épargnées par les problèmes de fiabilité. Afin de rester compétitifs et de remporter des contrats auprès des développeurs de parcs éoliens, les équipementiers développent régulièrement de nouveaux modèles d’éoliennes en cherchant à atteindre un rapport capacité/prix toujours plus élevé, notamment par l’augmentation de la taille et donc de la capacité des éoliennes. La multiplicité des modèles mais aussi l’augmentation de la taille des éoliennes renforcent en pratique les problèmes de fiabilité. Siemens Gamesa a récemment annoncé des défauts de série sur plusieurs de ces composants déjà installés, faisant chuter sa valeur en bourse de 30% le soir même[4]. Or, la maintenance, en particulier la maintenance corrective dans le cadre de réparations non-planifiées, est coûteuse : cette dernière représente en moyenne 90% des dépenses d’exploitation[5].
Ces cinq facteurs agissent directement ou indirectement sur les coûts, et donc sur la viabilité économique des projets éoliens. Plusieurs projets éoliens ont déjà été stoppés pour des raisons financières, tels que le projet « Norfolk Boreas » au Royaume-Uni, que le fournisseur suédois Vatenfall a mis à l’arrêt ce mois-ci.
La résilience des chaînes de production et la stabilité du marché sont donc des enjeux clés pour l’industrie éolienne, que les développeurs, les équipementiers et les acteurs de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’éolien mais aussi les gouvernements devront relever pour permettre et accélérer la transition énergétique et climatique.
Face à ces défis et enjeux, l’industrie éolienne pourra compter sur des investissements toujours plus importants. En effet, 2022 a marqué un niveau d’investissement record, avec 185 milliards de dollars investis, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente[6]. Les énergies renouvelables bénéficient de l’impulsion générée par le développement de la finance durable, qui donne lieu à un désinvestissement dans les énergies fossiles et une réallocation du capital vers les énergies renouvelables. Par ailleurs, en tant qu’axe clé des stratégies de transition énergétique, le développement du marché éolien est soutenu par des politiques publiques implémentées par un nombre croissant de gouvernements, y compris dans les pays en voie de développement. Alcimed suit de près les évolutions dans le domaine et est prêt à vous accompagner dans vos projets liés à la transition énergétique. N’hésitez pas à contacter notre équipe !
[1] Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) | Ministères Écologie Énergie Territoires (ecologie.gouv.fr)
[2] Renewable-energy development: Disrupted supply chains | McKinsey
[3] La relocalisation : une vraie bonne idée ? par Jean-Marc Figuet | vie-publique.fr
[4] Siemens Energy shares plunge after wind turbine problems deepen | Financial Times
[5] master-thesis-xavier-turc-castell-.pdf (upc.edu)
[6] Wind – IEA
A propos de l’auteur,
Juliette, Consultante au sein de l’équipe Énergie-Environnement-Mobilité d’Alcimed en France