Santé

L’HERA : la nouvelle agence européenne chargée d’anticiper les prochaines urgences sanitaires

Publié le 05 septembre 2022 Lecture 25 min

Comme de nombreuses régions du monde, l’Union Européenne a éprouvé des difficultés dans sa gestion de la crise de Covid-19, en particulier en 2020 lors de la première phase de l’épidémie pandémique. Pour prendre des décisions stratégiques transfrontalières et être en mesure de mieux faire face aux futures urgences sanitaires, l’UE a créé l’HERA, l’Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires, un équivalent de la BARDA américaine (Biomedical Advanced Research and Development Authority). Alcimed revient sur la création de l’agence HERA en Europe et sur ses défis futurs par rapport à son jumeau américain, le BARDA.

La genèse de l’HERA en Europe : un constat préoccupant face à la crise de Covid-19

En 2019, l’indice mondial de sécurité sanitaire classait plusieurs pays de l’UE – France, Allemagne, Espagne et Suède – parmi les pays ayant les meilleures capacités de sécurité sanitaire pour répondre aux épidémies de maladies infectieuses. Pourtant, l’Europe a éprouvé des difficultés dans sa gestion de la crise de Covid-19, notamment en 2020 lors de la premières phase de l’épidémie. Cet indice a alors chuté quelques mois plus tard cette même année. L’absence d’une organisation centrale, de capacités de coordination aux moyens adéquats est devenue évidente.

Dès le début de la pandémie de Covid-19, l’UE a eu des difficultés à coordonner ses actions et à réunir rapidement des fonds importants pour soutenir le secteur de la santé. Comparé aux 14,5 milliards de dollars financés par la BARDA entre février et octobre pour soutenir le secteur de la santé aux Etats-Unis, l’UE n’a pas été en mesure de fournir de fonds importants jusqu’en juin, lorsque 4,9 milliards d’euros ont été alloués à la réponse mondiale au coronavirus, qui n’était même pas dédiée à l’Europe.

Au cours des six premiers mois de l’épidémie, l’Europe n’a pas seulement été à la traîne en ce qui concerne le montant des investissements publics dans les contre-mesures médicales (vaccins, masques, diagnostics, etc.), mais elle a également montré sa lenteur à allouer des fonds dans tous les pays membres. En outre, la phase initiale de la réponse européenne à la pandémie a été considérablement affaiblie par les décisions nationalistes prises par les États membres pour s’assurer des ressources rares pour leur propre population, plutôt que de les distribuer en Europe en fonction des besoins.

L’exemple de la BARDA, l’organisation américaine conçue de longue date pour répondre à d’éventuelles urgences sanitaires

Pendant la crise du Covid-19, le financement précoce de 14,5 milliards de dollars US versé aux sociétés pharmaceutiques était en effet conforme à la philosophie de la BARDA, qui consiste à fournir les soutiens et les incitations commerciales nécessaires au secteur privé pour accélérer le développement et la distribution de solutions médicales.

Si les États-Unis ont été en mesure de répondre rapidement et efficacement à la pandémie de Covid-19, les montants importants des investissements dans les contre-mesures médicales financées par la BARDA, à un stade précoce, a certainement joué un rôle essentiel.

En fait, les États-Unis se préparent depuis longtemps à des menaces émergentes telles qu’une pandémie mondiale. Après les attentats du 11 septembre 2001 et les attaques à l’anthrax qui ont suivi en 2001, les États-Unis ont perçu la difficulté de mettre en œuvre efficacement des solutions médicales telles que des vaccins, des traitements et des diagnostics pour protéger les citoyens américains contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN).

La BARDA a donc été créé en 2006 pour remédier à l’absence d’incitations commerciales pour les entreprises qui cherchent à développer des contre-mesures à ces menaces émergentes.

La BARDA a précisément été créé pour combler la « vallée de la mort » à laquelle sont confrontés les potentiels médicaments candidats entre les phases de recherche et l’approbation de la FDA. Cette autorité fournit le financement, le soutien technique et les services nécessaires pour faire avancer les produits candidats dans le pipeline de développement. Pendant la crise du Covid-19, le financement précoce de 14,5 milliards de dollars US versé aux sociétés pharmaceutiques était en effet conforme à la philosophie de la BARDA, qui consiste à fournir les soutiens et les incitations commerciales nécessaires au secteur privé pour accélérer le développement et la distribution de solutions médicales. La disponibilité quasi immédiate des fonds a fait une réelle différence dans la capacité à répondre rapidement à la crise, point clé ayant inspiré la création de l’HERA en Europe.

S’efforçant d’égaler l’efficacité du modèle américain, l’UE a mis en place HERA

L’objectif de l’HERA est de renforcer la capacité de l’Europe à prévenir, détecter et répondre rapidement aux urgences sanitaires transfrontalières en garantissant le développement, la fabrication, l’achat et la distribution équitable de contre-mesures médicales essentielles en cas d’urgence sanitaire.

Après avoir été critiquée pour n’avoir pas réussi à égaler le soutien américain au développement de vaccins et de thérapies pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, la Commission européenne a lancé, en septembre 2021, l’HERA : l’autorité européenne de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.

En termes d’organisation, l’HERA en Europe ne sera pas une agence autonome mais plutôt hébergée au sein de la Commission, dirigée par un conseil d’administration composé de représentants de chaque pays de l’UE, à l’instar du comité directeur de la vaccination de l’UE.

L’HERA travaillera également en étroite collaboration avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l’Agence européenne des médicaments (EMA) et complétera leurs travaux tant en phase de préparation qu’en période de crise.

Plan de travail de l’HERA en Europe : 1,3 milliard d’euros pour se donner les moyens de se préparer et de réagir aux urgences sanitaires actuelles et futures

Fondé il y a moins d’un an, l’HERA ne sera pleinement opérationnel en Europe qu’en 2022. En février dernier, l’HERA a défini un certain nombre d’objectifs ambitieux pour 2022, à la fois dans le contexte de la réponse actuelle à l’épidémie COVID-19 et en préparation d’éventuelles menaces sanitaires futures. Les trois piliers de ce plan de travail sont les suivants :

Prévenir et se préparer aux futures urgences sanitaires à échelle mondiale :

  • Acquisition et stockage de contre-mesures médicales (580 M €).
  • Recherche et développement de contre-mesures médicales et de technologies innovantes contre les menaces émergentes (300 millions d’euros).

Détecter les futures menaces sanitaires :

  • Mise en place d’un système de pointe de détection et de renseignement en temps réel sur les menaces sanitaires.
  • Créer une plateforme informatique dédiée à l’évaluation et à la hiérarchisation des menaces.

Répondre aux menaces sanitaires :

  • Assurer la fourniture en temps utile de vaccins COVID-19 aux États membres de l’UE, y compris des vaccins adaptés à une variante si nécessaire.
  • Fourniture de produits thérapeutiques COVID-19 aux États membres de l’UE.

L’HERA confrontée à de multiples défis en Europe à l’avenir

Pour faire face de manière adéquate aux urgences sanitaires actuelles et futures, l’HERA devra relever des défis importants pour atteindre ces objectifs.

Tout d’abord, l’HERA devra travailler en collaboration avec l’EMA et l’ECDC, ce qui pourrait entraîner un chevauchement potentiel des responsabilités. Par exemple, l’HERA travaille actuellement en Europe sur le programme « Vaccelerate » qui vise à accélérer le processus de recrutement, de conception et de réglementation des vaccins (génériques à plusieurs pays) notamment pour le Covid-19 dans les essais cliniques de phase 2 et 3, tandis que l’EMA a également mis en place un groupe de travail spécial pour soutenir le vaccin Covid, y compris des conseils scientifiques sur la conception des essais cliniques.

Au cours de la pandémie, la majorité du financement de l’UE a été consacrée à l’achat de lots de vaccins plutôt qu’au développement précoce du vaccin comme l’a fait la BARDA au début. En d’autres termes, l’UE a choisi de croire qu’en s’engageant à acheter des vaccins qui n’étaient pas encore sur le marché, les sociétés pharmaceutiques seraient suffisamment incitées à investir dans le développement du vaccin, et a donc adopté une approche plus conservatrice sur le plan financier, en se concentrant davantage sur la sécurisation des doses une fois les vaccins développés. Washington, en revanche, a estimé qu’il était nécessaire de soutenir pleinement toutes les parties prenantes en leur accordant un financement abondant, depuis les premiers stades du développement jusqu’à l’approbation par la FDA.

Si fournir les incitations commerciales et le soutien réglementaire nécessaires au secteur privé, comme l’a fait la BARDA en 2020, est la clé de la lutte contre les futures pandémies, l’HERA devra développer une forte capacité à fournir le soutien nécessaire aux parties prenantes telles que les entreprises pharmaceutiques, les institutions de recherche, les laboratoires, dès les premières étapes des phases de recherche et de développement.

Le deuxième défi est de savoir si l’HERA sera en mesure d’allouer des ressources suffisantes pour soutenir et accélérer la R&D dans une future urgence sanitaire. Le budget actuel de l’HERA en 2022 est de 1,3 milliard d’euros. Bien que ce montant soit environ vingt fois supérieur aux 65 millions d’euros que l’UE consacre chaque année aux priorités sanitaires, il n’est pas certain, à ce stade, qu’il soit suffisant par rapport aux 14,5 milliards de dollars américains financés par la BARDA en 2021.

Enfin, la capacité de HERA à stimuler l’innovation en Europe est encore inconnue. Pour l’instant, l’UE a pu, grâce à son modèle d’achat, encourager l’investissement dans la capacité de fabrication de vaccins candidats déjà au stade des essais cliniques. Cette stratégie d’attraction doit être complétée par des incitations à l’innovation et HERA pourrait opter pour une combinaison des deux.

 

La complexité et l’asymétrie inhérentes au système de santé de l’UE ont accentué les difficultés de gestion de la crise du Covid-19 au cours de la première année de la pandémie. L’HERA doit tirer les leçons des expériences passées et jouer un rôle de plus en plus central dans les efforts déployés pour faire face aux menaces sanitaires transfrontalières. Si vous souhaitez mieux comprendre le rôle des autorités sanitaires européennes, l’équipe d’Alcimed peut vous aider dans votre analyse du cadre réglementaire et dans votre recherche d’opportunités de financement !


A propos de l’auteure, 

Shih Chuan, Consultante au sien de l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en France

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