Toutes les instances politiques, institutionnelles et associatives s’accordent à dire que le futur de l’alimentation mondiale reposera sur un modèle durable, le modèle alimentaire actuel n’étant pas viable. Le terme de durabilité est difficile à définir mais il est communément admis qu’il inclut entre autres les enjeux suivants : environnement, nutritionnel, social, et économique. La fermentation en agroalimentaire en tant que procédé naturel coche la plupart des cases du modèle alimentaire durable. Datant du Néolithique, il est utilisé dans le monde entier pour la transformation de produits du quotidien, comme le pain ou le vin. Il peut intervenir à différentes échelles dans le processus de fabrication d’un produit : pour produire des métabolites (ex : vitamines, protéines, arômes, colorants), pour fermenter des ingrédients (ex : soja, amande ou lentilles fermentés) ou le produit entier (ex : choucroute, végétaux fermentés en bocaux). Au total, les produits fermentés dans le monde représenteraient entre 5 et 40% de l’apport alimentaire quotidien [1], même si peu de consommateurs connaissent leur existence. C’est un domaine en constante évolution, entre tradition et innovation, qui représente un réel atout dans le modèle alimentaire du futur. Dans cet article, Alcimed explore le rôle de la fermentation comme procédé durable dans notre alimentation future, et donc incontournable dans les stratégies d’innovation des industriels de l’agroalimentaire.
1. La fermentation : un procédé naturel et une alternative plus respectueuse de l’environnement
La fermentation est appelée à jouer un grand rôle dans les prochaines années, notamment au niveau de la production de métabolites d’intérêt. Actuellement produit par processus chimique, extrait de la nature ou généré grâce à de l’agriculture intensive (élevages par exemple), ces métabolites ont un fort impact sur l’écosystème. La fermentation représente une alternative de production durable.
C’est notamment le cas des protéines par exemple. Selon le World Economic Forum la demande va connaitre une croissance de +100% d’ici 2050 et elle ne pourra pas être satisfaite grâce aux protéines animales. Une alternative végétale peut être développée grâce à la fermentation, qu’elle soit microbienne, par biomasse ou de précision. De plus en plus d’acteurs se positionnent sur le sujet, parmi eux on peut citer Quorn’s qui produit des nuggets et filets sans viande, ou Clara Food et ses protéines d’œufs développées par fermentation . Selon le rapport de RethinkX, la demande en produits issus de la vache vont décroitre de 70% d’ici 2030, laissant une vaste part de marché aux acteurs des protéines alternatives [2].
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D’autres métabolites, comme des arômes et colorants alimentaires, pourraient également être cités en exemple, ainsi que des ingrédients qui, une fois fermentés, ont une texture similaire aux ingrédients issus d’animaux (le yaourt et les alternatives végétales au yaourt par exemple).
Mais le plus important à retenir est que la fermentation est écologiquement très intéressante au regard des autres alternatives de production. C’est donc une grande opportunité à saisir et à intégrer dans les prochaines stratégies d’innovation, au vu du développement récent d’un « planet score » pour les produits alimentaires.
2. La fermentation en agroalimentaire : une opportunité économique grandissante
Le marché de la fermentation devrait croitre significativement ces prochaines années : +6% de CAGR de 2020 à 2027 pour atteindre USD $875,21 milliard en 2027 [3]. En effet, on observe une demande croissante des consommateurs et de plus en plus d’acteurs investissent le marché de la fermentation. Différentes stratégies existent, soit ils rachètent des entreprises du secteurs (ex : PepsiCo et Coca Cola ont tous deux rachetés des entreprises de kombucha), soit ils se basent sur leur expertise interne pour développer des produits végétaux fermentés (ex : Danone, Bel). Ces stratégies peuvent être combinées.
A date, le marché des dairy analog est en pleine croissance et les plus grands leaders du secteur se sont positionnés sur le sujet. Il reste cependant de nombreux pans de la fermentation peu explorés, comme les végétaux fermentés, les produits fermentés exotiques, les jus de fruits fermentés ou les ingrédients alternatifs (ex : pâtes sans gluten à base de légumineuses).
3. La fermentation : un procédé traditionnel tendance reflétant une volonté d’engagement écologique et solidaire
La fermentation s’inscrit dans les pratiques de la société de deux manières. C’est un savoir-faire traditionnelle et culturel, particulièrement présent les pays d’Asie et d’Afrique, qui peut permettre de faire vivre aux consommateurs de nouvelles expériences.
Plus récemment, c’est également devenu pour la société une manière de se réapproprier son alimentation et de favoriser l’économie circulaire. En effet, la fermentation peut être facile à réaliser à petite échelle, par les consommateurs au sein du foyer. Cela leur donne une solution simple pour diminuer leur gaspillage alimentaire en augmentant la durée de vie de leurs fruits et légumes. Ce changement de pratique peut être accompagné par l’industriel, grâce à une communication impactante qui va permettre d’éduquer le consommateur sur l’alimentation durable, et grâce à des produits facilitant le DIY (Do It Yoursellf). Dans le cadre d’une économie circulaire, la fermentation peut aussi servir à valoriser tous les co-produits de légumes et de fruits d’une industrie. Les ingrédients peuvent également être sourcés entièrement localement.
En résumé, la fermentation donne l’opportunité aux industriels de l’agroalimentaire de prouver leurs engagement écologique auprès de leurs consommateurs en les soutenant dans leur volonté de consommer de manière durable et respectueuse de l’environnement.
4. La fermentation : un aspect nutritionnel intéressant
La fermentation est souvent associée à des bénéfices nutritionnels intéressants. Elle peut permettre, dans le cas des ingrédients fermentés, d’améliorer la biodisponibilité des minéraux présents par exemple. Elle peut également permettre de supprimer des facteurs antinutritionnels non désirables. Ces bénéfices sont également souvent associés à l’écosystème digestif et intestinal, notamment de par l’utilisation des probiotiques dans certains produits.
Toutefois, des recherches scientifiques restent à mener sur le sujet avant de pouvoir revendiquer légalement ces bénéfices nutritionnels.
En résumé, quels challenges clés pour la fermentation en agroalimentaire ?
La fermentation est un élément clé du modèle alimentaire de demain, elle représente une grande opportunité en terme d’innovation. En effet, elle permet d’apporter une solution aux défis suivants :
- Innover grâce à un processus entièrement naturel, sans impact sur l’environnement, qui permet entre autres l’amélioration de la conservation de produits sensibles comme les fruits et légumes.
- Améliorer les qualités nutritionnelles d’un produit, même si un travail de recherche reste à fournir pour pouvoir légalement le revendiquer.
- Créer de nouvelles expériences sensorielles (goût, texture, odeur, couleur) grâce à des produits traditionnels exotiques et accompagner le consommateur vers une réappropriation de son alimentation.
- Réussir à se diversifier et à innover en intégrant un marché en pleine expansion.
Il existe cependant des challenges à résoudre afin de mettre en place une stratégie d’innovation incluant la fermentation :
- Au niveau microbiologique: sélectionner les bons microorganismes nécessaire à la fermentation
- Au niveau technologique: développer les processus fermentaire
- Au niveau nutritionnel : étudier les effets et les bénéfices de la fermentation
- Au niveau du marché (demande des consommateurs et tendances) : savoir comment se positionner sur ce marché complexe
- Au niveau réglementaire: savoir quels souches et claims peuvent être autorisées, etc.
Et vous, qu’attendez-vous pour explorer le marché de la fermentation ? Alcimed peut vous aider à surmonter ces challenges ! Ensemble, explorons vos terres inconnues sur ce marché innovant, tout en identifiant des opportunités de marché pour vous, et pour notre planète !
A propos de l’auteur,
Gaëlle, Consultante dans l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en France
[1] Mohanta Y. et al, 2016. 22 Fermented Foods in Inida : diversity and biotechnological prospects. Accessible sur :
[2] RethinkX, 2019. Rethinking Food and Agriculture 2020-2030.
[3] Emergen Research, 2020. Fermented Food and Ingredients Market By Food Type (Fermented Dairy Products, Fermented Beverages), By Ingredient Type (Organic acids, Amino acids, Industrial Enzymes), By Distribution Channel (Online stores, Supermarkets), Forecasts to 2027.