Les phytases sont commercialisées comme additif alimentaire pour les animaux depuis 1991 et ont évolué pour être utilisées par la plupart des producteurs d’animaux dans le monde. Aujourd’hui, elles sont l’un des additifs les plus étudiés et les plus importants dans l’alimentation animale. La raison de ce succès est que cette enzyme bio-active le phosphore naturellement présent dans l’alimentation sous forme de phytates. Le phosphore sous cette forme n’est pas disponible pour l’animal, ce qui a historiquement conduit les agriculteurs à ajouter du phosphore inorganique, un ingrédient coûteux, à leurs formulations d’aliments. La phytase, une enzyme naturellement présente chez les ruminants, est notoirement absente chez les animaux monogastriques tels que les porcs ou les poulets de chair, ce qui a stimulé le développement d’additifs à base de phytase pour ces espèces. Actuellement, le marché de l’UE n’est dirigé que par 5 acteurs, car les produits à base de phytase doivent être certifiés par le registre des additifs alimentaires de l’Union européenne pour être vendus. Voici les 4 étapes de la chaîne de valeur des phytases et les principaux défis que les acteurs doivent surmonter pour réussir dans cette industrie.
Étape 1 : Développement et production de phytases (fabricant de phytase)
Cette étape est celle qui conduit la phytase à être disponible à la vente et comprend toutes les opérations de R&D et de fabrication. En Europe, les leaders sont AB Vista, BASF, DSM, Dupont et Huvepharma.
Cette concurrence a conduit à beaucoup d’innovations sur le marché de la phytase, notamment sur deux aspects cruciaux : la libération du phosphore et la stabilité thermique. Ces dernières années, l’accent a également été mis sur la compréhension, la quantification et la valorisation des effets nutritionnels supplémentaires, tels que la libération de calcium, d’acides aminés et de myo-inositol, ainsi que l’augmentation de l’énergie fournie par l’enzyme.
Le principal défi pour les fournisseurs a été de développer et de fabriquer un produit aux performances améliorées (par exemple, une meilleure libération du phosphore et une meilleure stabilité thermique) tout en maintenant un coût faible. De plus, comme les produits concurrents se rapprochent de la limite de libération du phosphore, les fournisseurs se sont efforcés de trouver des moyens de se différencier de la concurrence sur un marché de plus en plus banalisé, en proposant des services et une expertise nutritionnelle.
Étape 2 : Prémélange (prémélangeurs)
Un prémélange est un mélange d’éléments qui ne sont nécessaires qu’en très petites quantités, comme les vitamines, les oligo-éléments ou les enzymes (y compris la phytase) dans les aliments pour animaux. Les très petites quantités impliquées peuvent représenter un défi pour les fabricants d’aliments du bétail lorsqu’il s’agit de garantir une mixité appropriée dans les aliments. Les prémélangeurs sont donc chargés de fabriquer un prémélange qui sera beaucoup plus facile à inclure et à traiter en aval de la chaîne de valeur. Il est intéressant de noter que les fabricants de phytase peuvent également être des prémélangeurs, DSM et BASF étant respectivement les premier et troisième plus grands prémélangeurs au monde.
En ce qui concerne la phytase, le principal défi pour les prémélangeurs est de choisir la bonne phytase pour garantir à leurs produits des performances fiables et une rentabilité élevée pour leurs clients.
Étape 3 : Production de l’aliment enrichi en phytase (meuniers)
Les fabricants d’aliments pour animaux sont chargés d’incorporer les prémélanges au fourrage des animaux (c’est-à-dire le blé, le maïs, …). En broyant ce mélange par une action mécanique telle que la compression ou le broyage, on obtient un produit dans lequel tous les nutriments importants sont répartis de manière homogène. Ensuite, un processus de granulation et un traitement thermique sont appliqués dans le double objectif de se débarrasser des micro-organismes problématiques tels que les salmonelles et de façonner le produit sous forme de granulés appropriés à la consommation animale. En Europe, le plus grand producteur d’aliments pour animaux est For farmers B.V., une entreprise basée aux Pays-Bas qui a produit 6,5 millions de tonnes d’aliments en 2014.
Outre l’efficacité de la phytase en termes de libération du phosphore, l’aspect le plus important pour les fabricants d’aliments pour animaux est la stabilité thermique. Les températures élevées (80 Celsius ou plus) impliquées dans le processus de granulation peuvent dénaturer l’enzyme, réduisant ainsi drastiquement ses effets nutritionnels, ce qui peut alors provoquer des carences en phosphore et en calcium chez les animaux. Bien qu’il existe des alternatives, les granulés sont la forme dominante pour délivrer les aliments aux animaux.
Étape 4 : Intégration des animaux (intégrateurs)
Il s’agit de la toute dernière étape de la chaîne de valeur de la phytase, au cours de laquelle l’aliment est distribué aux animaux pour répondre à leurs besoins nutritionnels. La dégradation des phytates présente l’avantage supplémentaire d’empêcher les effets antinutritionnels des phytates, tels que la liaison avec le calcium, de se manifester. Les performances de croissance et le bien-être des animaux sont étroitement surveillés pendant cette phase, ce qui garantit un poids optimal à l’abattage, maximisant ainsi les revenus des intégrateurs.
L’aspect le plus difficile de l’application de la phytase à cette étape est de s’assurer que la quantité totale de phosphore (résultant de la dégradation des phytates et des ajouts supplémentaires de phosphore inorganique) correspond aux besoins des animaux. Toute carence en phosphore ou en calcium dans le régime alimentaire des animaux aura de graves répercussions sur leurs performances et leur santé.
Tout au long des 4 phases principales de la chaîne de valeur de la phytase, les acteurs innovent pour surmonter les défis tels que le maintien de la rentabilité, la stabilité thermique ou la fiabilité du produit. Avec ses réglementations strictes sur les additifs alimentaires, l’Europe se caractérise par un petit nombre d’acteurs. Toutefois, cela ne signifie pas que la concurrence n’est pas féroce, de nouvelles phytases étant régulièrement lancées sur le marché. Cette concurrence a conduit les fournisseurs à se rapprocher de la limite de libération du phosphore et les a obligés à explorer, rechercher et valoriser des effets nutritionnels supplémentaires, une tendance qui ne peut que se poursuivre.
A propos des auteurs,
Axel, Consultant et Quentin, Responsable de mission dans l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en Suisse