La dépendance de la France en médicaments : un constat déjà largement partagé par la filière santé
On estime aujourd’hui que seulement 30% des génériques, 27% des vaccins et 17% des principaux médicaments utilisés à l‘hôpital, sont produits en France.
Un grand nombre de médicaments, de principes actifs et de matières premières sont produits à l’étranger, notamment en Chine et en Inde. On estime aujourd’hui que seulement 30% des génériques, 27% des vaccins et 17% des principaux médicaments utilisés à l‘hôpital, sont produits en France. Malgré la présence de 271 sites de production de médicaments en France, l’essentiel de la production est importé, rendant ainsi la France dépendante.
Ce constat est connu et souligné par les principaux acteurs de la filière santé depuis plusieurs années. Ainsi, le 19 février 2019, la Fédération des Entreprises du Médicament (le Leem) publiait déjà un dossier intitulé « Pénurie de médicaments : le plan d’actions du Leem », dans lequel il faisait un état des lieux des ruptures de médicaments, et proposait un plan d’actions concret pour y pallier. De même, le 30 septembre 2019, le premier ministre demandait à Jacques Biot de travailler sur un plan d’actions pour « réduire les pénuries de médicaments essentiels ».
Dans ce contexte, la crise sanitaire a agi comme un révélateur de la nécessité de gagner en autonomie industrielle et sanitaire, pour les approvisionnements en médicaments et en dispositifs médicaux ; apportant enfin des réponses aux demandes exprimées depuis plusieurs années par la filière santé.
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La relocalisation de l’industrie pharmaceutique en France : une réflexion déjà amorcée par le gouvernement et par la filière santé
Suite à ce constat, la première étape de la réflexion autour de la relocalisation des industries de santé était d’identifier de manière claire les médicaments et produits jugés indispensables. Il est en effet peu réaliste de prétende à une autonomie sur l’ensemble de la pharmacopée. C’est pourquoi le gouvernement a déjà présenté une liste non-exhaustive de médicaments utilisés dans la prise en charge des patients atteints de la COVID-19, pour lesquels des investissements pourraient être consacrés à leur développement et leur relocalisation. Le gouvernement a publié un appel à manifestation d’intérêt doté de 120 millions d’euros, pour identifier les projets d’investissements prioritaires qui pourront faire augmenter rapidement la production de médicaments, surtout pour ceux impliqués dans la prise en charge des patients atteints de la COVID-19. Un total d’environ 200 millions d’euros a été mobilisé pour développer ces projets.
D’autres mesures ont été proposées pour accompagner la relocalisation de l’industrie pharmaceutique, sans pour autant faire l’objet d’annonce. Par exemple, la député européenne Nathalie Colin-Oesterlé a déposé le 29 avril 2020 un rapport d’initiative préconisant de faire de la sécurité de l’approvisionnement un critère prioritaire dans les procédures d’appels d’offres des marchés publics.
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Au-delà de la relocalisation de l’industrie pharmaceutique : d’autres leviers doivent encore être actionnés
La relocalisation de l’industrie pharmaceutique en France est certainement le levier le plus urgent à actionner pour mieux contribuer à sécuriser les chaînes d’approvisionnement du médicament et assoir la souveraineté française en la matière. Il faut toutefois garder à l’esprit que la place de l’Europe est primordiale dans cette dynamique industrielle. En effet, la libre circulation des marchandises au sein de l’Union Européenne, les règles sur la concurrence et la procédure centralisée d’autorisation de mise sur le marché rendent indispensable le principe d’une concertation européenne.
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En outre, les grandes annonces gouvernementales ne doivent pas faire oublier les autres leviers possibles pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en médicaments. Par exemple, il peut s’agir d’améliorer l’attractivité et la compétitivité de l’Union Européenne par des mesures fiscales, ou en garantissant la soutenabilité économique pour les produits les plus matures dont les prix diminuent à mesure que les conditions de remboursement sont moins favorables. Une autre proposition serait de constituer une réserve européenne des médicaments d’intérêt sanitaire et stratégique sur le modèle du mécanisme rescUE mis en place par la Commission Européenne. Il s’agirait ici d’identifier à l’échelle européenne un panier commun de médicaments et vaccins prioritaires, et des prix harmonisés. Cette réserve permettra aux États membres de faire face aux tensions éventuelles sur les chaînes d’approvisionnement.
Sur le plan de l’industrie de la santé, la crise sanitaire du COVID-19 aura eu pour principale conséquence d’initier la relocalisation de la production de médicaments clés en France, afin de réduire la dépendance vis-à-vis d’autres pays et de répondre aux besoins sanitaires de la population. Le premier exemple de cette démarche entreprise par le gouvernement est la relocalisation de la production de principes actifs de paracétamol d’ici trois ans. Cependant, ces démarches seules ne sauraient être suffisantes : la sécurisation de l’approvisionnement doit être menée à l’échelle européenne, et s’appuyer sur d’autres leviers que la seule relocalisation.
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A propos de l’auteur
Agnès, Responsable de Mission dans l’équipe Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed en France